Extrait
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Madame Jacques sur la Croisette

Emmanuel Finkiel

1995 - 40 minutes

France - Fiction

Production : Les Films du Poisson

synopsis

Un groupe de vieux juifs d’origine ashkénaze se réunit tous les après-midi sur la Croisette. Maurice, veuf, ne se contente plus de cette monotonie organisée. Il attend avec impatience l’arrivée à Cannes de Mme Jacques, veuve elle aussi.

Emmanuel Finkiel

Né à Paris en 1961, Emmanuel Finkiel commence sa carrière comme assistant réalisateur pour Bertrand Tavernier, Krzysztof Kieslowski et Jean-Luc Godard, entre autres.

En 1995, son premier court métrage Madame Jacques sur la Croisette est primé dans de nombreux festivals, il obtient notamment le César du meilleur court métrage en 1997. En 1996, il écrit et réalise le téléfilm, Mélanie, avec Michel Duchaussoy. Trois ans plus tard, son premier long métrage, Voyages, reçoit le César du premier film et celui du meilleur montage (2000), ainsi que le Prix Louis-Delluc.

En 2001, il tourne pour la télévision le documentaire Casting honoré de la mention spéciale du Prix Europa. Le téléfilm, En marge des jours avec Michèle Laroque, sorti en 2007, est récompensé du FIPA d’or du Meilleur scénario.

Son deuxième long métrage de fiction, Nulle part, terre promise (2009), reçoit le Prix Jean-Vigo. En 2012, il écrit et réalise le documentaire Je suis. Deux ans après, un nouveau long métrage, Je ne suis pas un salaud, lui vaut le Prix de la mise en scène, en plus du Prix d’interprétation masculine pour Nicolas Duvauchelle, au Festival du film francophone d’Angoulême 2015.

En 2017, il signe avec La douleur une adaptation du livre homonyme de Marguerite Duras, avec Mélanie Thierry, Benoît Magimel et Benjamin Biolay. Huit ans s'écoulent avant qu'il retrouve la première nommée en tête de distribution de La chambre de Mariana, un nouveau drame historique dont la sortie en salles est prévue le 23 avril 2025. Il s'agit cette fois de la transposition à l'écran d'un livre d'Aharon Appelfeld.

Il a aussi réalisé en 2022 les épisodes de la série En thérapie centrés autour du personnage de Claire, interprété par Charlotte Gainsbourg.

Critique

Madame Jacques sur la Croisette nous convie à une promenade en plein air, à la découverte d'un groupe de vieux juifs ashkénazes, dont la Croisette est le lieu de rendez-vous quotidien et qu'une caméra discrète observe au carrefour des vies. Le film nous émeut par ce mélange de visages et de conversations, de travellings et de plans fixes très “posés”, qui traduisent la forte croyance que porte Emmanuel Finkiel en le pouvoir d'incarnation du cinéma : il s'agit tout à la fois de donner un sentiment de pleine réalité et de faire douter sur la nature de ce qui est montré. “Vous pensiez que j'espionnais des gens, semble nous dire le film, et bien pas du tout. Ce sont des comédiens qui jouent devant la caméra.” On oublie en effet que ce sont des acteurs qui parlent, autrement dit qu'ils “mentent”, et on se laisse emporter par le mouvement singulier de ce film, libre et attentionné, par le charme de ces gens dont Emmanuel Finkiel filme l'ordinaire des journées, à la façon documentaire, par où passe le fil ténu de son histoire.

Cet après-midi là, justement, ce petit cercle d'amis attend avec impatience le retour de Madame Jacques sur la Croisette, et parmi tous ces visages alanguis, il y a Maurice, un vieil homme qui ne se satisfait plus de cette monotonie organisée, et que la venue de cette dame – veuve elle aussi – plonge dans un soudain ravissement. Il entreprend de lui faire la cour comme l'adolescent fringant et un peu espiègle qu'il est resté et, sans jamais quitter la pudeur qui le caractérise, l'œil d'Emmanuel Finkiel s'exerce avec une précision rare pour décrire les termes de cette romance singulière. Le récit reproduit à chaque instant son souci de rigueur, de retenue, accordant aux personnages un réel espace d'existence à l'image. Il faut évoquer entre toutes cette scène où Madame Jacques, attendant l'arrivée de Maurice, arrache un bouton de son chemisier pour que, l'instant d'après, celui-ci vienne le lui recoudre de ses mains expertes, geste magnifique qui est la raison de tout le reste, et donne le sentiment poétique de la réalité, au-delà de toute image, comme si au fond le film suspendait son cours.

La beauté de Madame Jacques sur la Croisette tient à cette émotion directe et pourtant sous-tendue par la dérision subtile et chaleureuse des personnages qu'Emmanuel Finkiel suscite avec maîtrise dès son premier film, révélant une précieuse sensibilité de cinéaste.

Vincent Vatrican

Article paru dans Bref no 28, 1996.

Réalisation et scénario : Emmanuel Finkiel. Image : Hans Meier. Montage : Catherine Schwartz et William Schmidt. Son : Jean-Claude Laureux. Interprétation : Nathan Cogan, Shulamit Adar, Maurice Chevit, Rywka Wajsbrot et Jacques Spiesser. Production : Les Films du Poisson.

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