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2020 - 16 minutes
France - Documentaire
Production : Films Grand Huit, Films à Vif
synopsis
Rescapée mais amnésique de l’attentat à la station de métro Maalbeek le 22 mars 2016 à Bruxelles, Sabine cherche l’image manquante d’un événement surmédiatisé et dont elle n’a aucun souvenir.
biographie
Ismaël Joffroy Chandoutis
Né en France en 1988, Ismaël Joffroy Chandoutis a étudié au Studio national des Arts contemporains du Fresnoy, à Tourcoing, et en Belgique. Il est ainsi diplômé de l’INSAS en montage et de l'École supérieure d'Art Saint-Luc en réalisation.
Son cinéma se situe à la frontière des genres et questionne la mémoire, le virtuel, la technologie et les espaces intermédiaires entre les mondes, entre les mots. C'est avec Ondes noires qu'il s'est d'abord fait connaître en tant que réalisateur : le film a été présenté dans de nombreux festivals internationaux et qui a reçu de nombreuses récompenses, notamment le Prix Festivals Connexion Auvergne-Rhône-Alpes à Clermont-Ferrand ou le Grand prix et celui du Jury jeune à Regensburg, en Allemagne.
En 2018, Ismaël Joffroy Chandoutis réalise le très remarqué et multiprimé Swatted, que suit en 2020 Maalbeek, qui bénéficie du label de la Semaine de la critique, le Festival de Cannes étant alors dans l'incapacité de se tenir pour cause de pandémie de Covid-19.
Également lauréat du Prix ADAGP “Révélation Art numérique” et du Prix Émergences, l'artiste vit et travaille à Paris. Son premier long métrage, Deep Fake, est actuellement en cours de développement.
Critique
Swatted (autour du cyberharcèlement) et Ondes noires (où témoignent trois personnes intolérantes aux radiations électromagnétiques) déployaient un champ visuel donnant une forme à la déconstruction des images, à l’invisible, au virtuel. Avec Maalbeek, Ismaël Joffroy Chandoutis poursuit son entrelacement entre une matière documentaire et des images hybrides obtenues par un usage plasticien des technologies.
Victime des attentats du 22 mars 2016 qui touchèrent l’aéroport de Bruxelles et la station de métro donnant son titre au film, Sabine est en quête d’une image manquante – elle n’a pas le moindre souvenir des événements depuis son réveil du coma, les cheveux rasés, le front lacéré. Le film recherche à ses côtés, avec son témoignage, ses mots, cette image introuvable. L’ancrage de Maalbeek est aussi très personnel puisque le cinéaste aurait dû prendre ce métro ce matin-là. Il a vu débarquer – et filmé – en bas de chez lui l’hystérie médiatique à grands renforts de camions surmontés de paraboles, déversant leurs foules de reporters. Cette première manière de déconstruire l’événement a ouvert sur quatre années de recherches et de rencontres avec des personnes ayant vécu l’attentat de plus ou moins près. Le cinéaste note que “le paradoxe est intéressant : il est question d’un événement surmédiatisé, abordé du point de vue d’une personne qui ne se souvient plus d’aucune image.” On ajoutera cet autre paradoxe : l’objectif des terroristes eux-mêmes est de frapper les esprits, de produire une terreur également au moyen des images, de frapper les imaginations – les attaques du 11 septembre 2001 étant le sommet de cet alliage entre terrorisme et spectacle, dont on avait noté l’évidence des parentés avec une superproduction hollywoodienne.
Le cœur battant de Maalbeek est sans doute qu’un souvenir ne peut exister que si on en a une image, tout en sachant que cette dernière ne peut être qu’une (re)création. En ce sens, Ismaël Joffroy Chandoutis est peut-être moins en quête de l’image manquante que d’une forme possible, d’une justesse. Il semble à ce titre pertinent d’avoir usé de la rotoscopie pour figurer Sabine, non pour des questions d’indicible, mais pour l’idée de traumatisme, de transformation, mais aussi de médiation par les moyens du cinéma. De même pour les impressionnants plans obtenus par photogrammétrie, qui ne se veulent pas une reconstitution, mais la création d’un ensemble tridimensionnel de coordonnées, d’objets flottant dans un non-temps, dans une extrême fragmentation, comme si les différents points n’étaient pas encore associés, comme si l’image restait en suspension, ne parvenant pas à se former.
Maalbeek consiste en un voyage, on est tenté de dire une errance, dans cet ensemble d’images hétérogènes, des plus artificielles et inventées aux plus “réelles”. Jusqu’aux images de vidéosurveillance, mais ces dernières apparaissent bien moins comme l’attestation pure et simple des événements que comme des amas de pixels, pas plus précis, pas plus nets que d’autres images. En tous cas, elles ne permettent pas à Sabine de rompre avec l’idée de dissociation entre elle et cet événement traumatique. Ce souvenir qui se dérobe constitue sans doute un refus, une défense psychologique ; vivre ces événements de si près, c’est en tous cas porter une part de mort en soi. On pense beaucoup à Chris Marker, qui a largement arpenté cette question du flottement temporel du souvenir, et plus encore à La jetée, où le protagoniste finit par comprendre que l’image d’enfance qui l’avait tant hantée n’était autre que celle de sa propre disparition.
Arnaud Hée
Réalisation et image : Ismaël Joffroy Chandoutis. Scénario : Ismaël Joffroy Chandoutis, Perrine Prost et Maël Delorme. Animation : Maël Delorme. Montage : Maël Delorme, Marianna Romano et Ismaël Joffroy Chandoutis. Son : Martin Delzescaux, Lucas Masson et Ismaël Joffroy Chandoutis. Production : Films Grand Huit et Films à Vif.