
Lorraine ne sait pas chanter
Anna Marmiesse
2016 - 22 minutes
France - Fiction
Production : Les Films du Clan
synopsis
Lorraine vit dans une comédie musicale. Lorraine est amoureuse. Mais Lorraine ne sait pas chanter.
biographie
Anna Marmiesse
Anna Marmiesse a suivi un cursus à la Fémis, département distribution, en 2013. Elle a réalisé ensuite un court métrage s'inscrivant dans le genre de la comédie musicale : Lorraine ne sait pas chanter (2016). Interprété par India Hair et produit par les Films du Clan, il a été présenté dans plusieurs festivals (Grenoble, Paris Courts devant, Séquence Court métrage à Toulouse…).
Coscénariste d'un autre court, Dominique Personne de Camille Pernin en 2022, Anna Marmiesse est également journaliste de cinéma, au sein de la rédaction de l'hebdomadaire Écran total. Elle est aussi la coautrice d'un podcast intitulé “All That Jazz”.
Début 2025, elle a tourné un nouveau court métrage en tant que réalisatrice : Le jour sera comme la nuit.
Critique
Comment faire quand on aime la comédie musicale et quand on est amoureuse, mais qu’on ne sait ni chanter ni danser ? C’est bien le problème de Lorraine, dans une impasse existentielle totale à cause de sa rencontre avec Frank. Lui, il est vraiment doué partout, comme tout le monde d’ailleurs. Et Lorraine est le vilain petit canard, dans ce monde fantasmé où la norme est d’être à l’aise et habitué à se mettre à chanter et à lever la jambe à tout moment. Un postulat bien vu par la réalisatrice Anna Marmiesse, qui décline cette fiction de vingt-deux minutes sur l’idée du musical comme règle de vie. Elle injecte donc des affiches de films-cultes et de concerts en intérieurs comme en extérieurs, et des musicothérapeutes comme psys de base, avec des flyers “Trouver le bon rythme, c’est possible” accrochés aux murs. “Trouver le bon rythme”, un slogan dans la fiction donc, comme dans la fabrication de ce court qui veut enchanter le réel pour mieux traverser l’existence.
Comédienne virtuose, India Hair ne manque pas d’air pour insuffler à l’héroïne sa fantaisie et sa singularité. Un fin travail vocal accompagne sa partition de jeune femme qui en pince pour un Franco-Américain et ne veut pas rater le coche, malgré son handicap. Elle est tordante quand elle pousse la voix, pour hurler “Silence !” dans son job de gardienne au musée des Beaux-Arts de Dijon, comme pour répondre aux autres en tentant la chansonnette, ou pour casser l’ambiance en rétorquant par la parole. L’actrice a toujours apporté un décalage à ses personnages et à ses projets, par un phrasé, un timbre, une présence qui ne cherchent ni l’affect ni la séduction à tout prix, mais qui jouent justement l’unicité. Pile poil ce qu’est Lorraine, dont l’empêchement va devenir, à force d’exercice et d’amour, une bouée d’expression par le slam. L’aventure affirme que n’importe qui peut trouver sa place, en assumant sa différence par son propre mode d’expression.
La musique créée par Matthieu Truffinet passe du chaloupé mélodique aux rythmiques soutenues, des accords de jazz à la composition hip hop. Une alliance des genres qui colle harmonieusement à cette fantaisie romantique revisitée par la quête d’identité et le lâcher-prise. Et dynamisée par un sens de l’humour avéré. Quand Lorraine propose à Frank de regarder un film ensemble, c’est bien un “tout parlant” qu’elle évoque, comme s’il s’agissait d’une rareté ouzbek bavarde et sous-titrée ! La réalisatrice tire avantage de sa création d’un univers, en inversant les us et coutumes, pour mieux caractériser ses personnages et créer un ton. Trouver la note juste reste la quête ultime de Lorraine ne sait pas chanter. Pour cette donzelle, dont le challenge est de donner une chance à son histoire d’amour en arrivant à entrer dans la danse. Pour l’autrice, dont l’enjeu est de dépasser le casse-gueule de la romcom et du musical. Sans forcer l’efficacité, l’enchaînement de numéros ou la performance de stars en herbe, elle joue la carte de l’authenticité généreuse. Bonne pioche.
Olivier Pélisson
Réalisation et scénario : Anna Marmiesse. Image : Antoine Chevrier. Montage : Ronan Tronchot. Son : Jean-Barthélémy Velay et Maxence Dussère. Musique originale : Matthieu Truffinet. Interprétation : India Hair, Quentin Bruno, Nicole Dogué, Hélène Kuhn, Sophie Thévenard, Guillaume Pillot, Oleguer Preto Torrent, Laure Barbotte, Jamel Blissat, Daniel Fernandez et Maria Dueñas. Production : Les Films du Clan.