Extrait
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Light Is Calling

Bill Morrison

2003 - 8 minutes

États-Unis - Expérimental

Production : Hypnotic Pictures

synopsis

Une courte scène du film "The Bells" (1926) de James Young a été réimprimée et remontée à l’aide d’une tireuse optique sur une pièce de 7 minutes de Michael Gordon. Une méditation sur le caractère aléatoire et fugace de la vie et de l’amour, fixée à partir de l’émulsion bouillonnante d’un film ancien.

Bill Morrison

Né en 1965 à Chicago, Bill Morrison est l'un des grands noms du paysage du cinéma expérimental international depuis les années 1990-2000. 

Pratiquant surtout le found footage, il a signé plus d'une quinzaine de courts métrages, dont Light is Calling (2004), Who by Water (2007), Re:Awakenings (2013) ou The Letter (2018). Il a travaillé aussi sur des formats de long métrage, comme à travers Decasia (2002), souvent considéré comme son film le plus connu, présenté en son temps à Sundance et à l'Étrange festival.

En 2024, Bill Morrison a vu son dernier film en date, Incident, récompensé du Prix du meilleur film documentaire au Festival du court métrage de Clermont-Ferrand. Dans ce film, il utilise une matière sensiblement différente, à savoir des images de caméras de surveillance, pour enquêter sur le meurtre d'un jeune Afro-américain suite à une bavure policière dans une rue de Chicago.

Représenté en France par Light Cone, Bill Morrison a son propre site internet.

 

 

Critique

Dans une forêt, une troupe de militaires chemine. Près d’une maison, une femme attend. Chariots et chevaux arrivent à sa hauteur ; un officier descend de sa monture et se dirige vers elle. Une étreinte. Puis la troupe repart, laissant la femme seule au bord du chemin.

Light is Calling a reçu le Prix du meilleur film au Festival international du court métrage de Berlin et le Grand prix de L’Étrange festival à Paris. Il a aussi été sélectionné dans de nombreux festivals, dont Rotterdam, San Francisco, Sundance, Tribeca (à New York) ou Vienne.

L’action et la narration, épurées, se devinent plus qu’elles ne s’affirment. Au fil de ses nombreux films, courts (1) ou longs, Bill Morrison n’a cessé de revisiter le cinéma et sa matière première : la pellicule. Ici, c’est une séquence du film The Bells, réalisé en 1926 par James Young, qui offre à ce maître du found footage un écrin à son mode d’expression. Le principe technique repose sur un retirage optique de la séquence, qui est ensuite travaillée au montage et dans sa forme esthétique : ton sépia saturé, lumière dorée, boucles, tourbillons picturaux d’émulsion, plongent le spectateur dans une extase contemplative hors du temps et des normes. Le réalisateur, qui a dénommé sa société de production Hypnotic Pictures non sans raison, se concentre sur un instant fugace de vie, de cinéma – une rencontre, une étreinte, un départ – pour en révéler, à force de répétitions et mises en abîmes graphiques et de textures, un concentré du sentiment qui l’anime : la nostalgie liée au temps qui passe, inexorablement, dans la réalité comme à l’écran. Cette nature éphémère de la vie et de la pellicule est retranscrite par les formes fœtales de l’émulsion argentique comme par la musique électro-symphonique de Michael Gordon, qui adopte le tempo d’un battement de cœur dans le prologue, puis baigne l’épilogue de sirènes alarmantes.

Bill Morrison décrit son film comme “une méditation sur le caractère aléatoire et fugace de la vie et de l’amour, fixée à partir de l’émulsion bouillonnante d’un film ancien” et confiait, dans un portrait réalisé par Pip Chodorov : “Je peins souvent comme si j’étais derrière une fenêtre, j’observe le monde. J’en reste détaché. Je ne peux pas saisir l’instant, ou j’essaie vainement de le faire. C’est une émotion que je veux transmettre aux autres. Je la ressens puissamment face à la pellicule en décomposition. La pellicule se décompose de manière fascinante, d’une manière que je trouve très expressive. C’est simplement l’idée que le temps passe, on ne peut ni l’arrêter, ni le ralentir, il avance de manière inexorable. Je trouve cela triste, tragique même, et à la fois c’est très beau.”

Bill Morrison, que le New York Times décrivit comme “l’éminent poète des films perdus”, a construit une œuvre faite d’élégance, d’harmonie et de beauté. Poly-artiste complet, son observation du monde qui l’entoure trouve une transcription relevant à la fois des gestes du photographe, du peintre, du compositeur et de l’archiviste de nos mémoires et de nos sentiments.

Fabrice Marquat

1. cf. article sur Who by Water dans Bref n°83 (Juillet 2008).

Réalisation, scénario et montage : Bill Morrison. Image : William L. O'Connor. Son : Michael Gordon et Luke DuBois. Musique originale : Michael Gordon. Interprétation : Lola Todd et Edward Phillips. Production : Hypnotic Pictures.

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