Extrait
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Les vilains petits canards

Anton Balekdjian

2020 - 24 minutes

France - Fiction

Production : La CinéFabrique

synopsis

Jeune archéologue de passage à Paris, Roman retrouve Adam, son turbulent petit frère.

Anton Balekdjian

Anton Balekdjian, né le 31 mars 1996, est le fils du réalisateur Frédéric Balekdjian, qui le dirige en 2008, alors qu'il n'a que 12 ans, dans Un monde à nous, aux côtés d'Édouard Baer. On le voit aussi alors dans Celle que j'aime d'Élie Chouraqui et Une pure affaire d'Alexandre Coffre.

Après des études littéraires, il intègre, en 2017, le département “scénario” de la CinéFabrique, l'école de cinéma lyonnaise fondée par Claude Mouriéras. Il y réalise le court métrage Les vilains petits canards et, y ayant rencontré Léo Couture et Mattéo Eustachon, il réalise à six mains avec eux, à l'issue de son diplôme en 2020, son premier long métrage, Mourir à Ibiza (Un film en trois étés). Lauréat du Prix du public au FID Marseille en 2022, il est distribué à la rentrée suivante.

Le trio se reforme sur Laurent dans le vent, dans lequel Béatrice Dalle tient l'un des rôles principaux et qui est retenu par l'ACID au Festival de Cannes 2025.

Critique

Dans l’ascenseur de ses parents chez lesquels il revient après un long séjour en Bolivie pour des fouilles archéologiques, Roman enfile le masque rituel destiné à la Fête du diable, cadeau qu’il a prévu d’offrir à son jeune frère Adam. Il sera question de bien et de mal autant que de masques sociaux dans cette fable du retour du fils prodigue, surgi dans la rame du métro aérien, qui le présente comme flottant dans les nuées. “Arrête !”, crie Adam dans le plan d’ouverture alors que sa mère tambourine à la porte pour le faire sortir de sa chambre. Stop, c’est justement ce qu’aimerait crier Roman, pétrifié face aux obligations diverses qu’il n’a plus envie d’assumer. Entre ses études et le début de sa vie professionnelle, son intérêt pour ce rêve entêtant qu’était l’archéologie s’est évaporé sans qu’il ose le dire à quiconque. C’est justement ce continent de quelques années entre la fin du lycée et le début de la vie active qui sépare les deux frères, ces limbes entre la fin de l’adolescence et le début de l’âge adulte. Lors du déjeuner de retrouvailles, ils semblent tous les deux réenfiler leurs costumes d’enfants, prisonniers des rôles de leur jeune âge, celui du bon élève et celui du vilain petit canard. Le lendemain matin, c’est le même sentiment de régression qui les réunit cette fois dans la cuisine familiale autour d’un bol de céréales.

Le séjour chez ses parents de Roman, auquel Andranic Manet prête ses traits mélancoliques, est un retour en arrière, un arrêt imprévu dans sa trajectoire. Entre les deux matins dans l’appartement familial qui bornent le film, Les vilains petits canards déambule dans l’Est parisien, et plonge dans les entrailles d’une fête qui devient une sorte de célébration païenne où l’alcool et la danse révèlent à Roman ce qu’il ne voulait pas savoir de lui-même. Dans ces gestes sans âge de la fête, son destin paraît moins impérieux qu’à la lueur du jour et dans les yeux de ses parents. Entre son présent et les sédiments d’époque passées auxquelles il se confronte, la musique de Vivaldi résonne comme un trait d’union dans un vaste continuum de temps où sa peur d’un futur voyage de recherches qui lui paraît si insurmontable devient un grain de poussière. En extirpant le film de son unité de temps et de sa contemporanéité, le hautbois apporte aussi une forme de légèreté à l’atmosphère mélancolique. La réaccélération du rythme lors de la partie de foot qui clôt le film s’accompagne du souffle de l’instrument, comme si Roman pouvait enfin respirer depuis que, dans cette échappée triste hors du foyer, son petit frère est devenu un bon conseiller.

Raphaëlle Pireyre

Réalisation : Anton Balekdjian. Scénario : Anton Balekdjian et Jules Brisset. Image : Augustin Bonnet. Montage : César Simonot. Son : Arthur Vervier-Dasque et Léo Couture. Interprétation : Ulysse Dutilloy-Liégeois, Andranic Manet, Lucile Balézeaux, Saadia Bentaïeb, Philippe Suner, Anna Raisson, Jules Brisset et Julio Cahen. Production : La CinéFabrique.

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