Extrait
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Les surmenés

Jacques Doniol-Valcroze

1957 - 25 minutes

France - Fiction

Production : Les Films de la Pléiade

synopsis

Une jeune provinciale, lauréate du concours de dactylographie du Limousin, vient travailler à Paris. Malgré les mises en garde de son sage fiancé et de sa sœur aînée, elle est attirée par le rythme trépidant de la capitale et l’univers des nuits parisiennes. Mais tout s’effondre autour d’elle.

Jacques Doniol-Valcroze

Jacques Doniol-Valcroze (1920-1989) a débuté comme journaliste à La revue du cinéma en 1947-49 avant de fonder Les cahiers du cinéma en 1951, en compagnie d'André Bazin et Joseph-Marie Lo Duca. 

Figure tutélaire des “Jeunes Turcs” de la revue, il passe à la réalisation en même temps qu'eux, d'abord à travers des courts métrages – L'œil du maître, Les surmenés et Bonjour, monsieur La Bruyère en 1957-58 – puis un premier long dans la foulée : L'eau à la bouche, qui comprenait la chanson du même titre de Serge Gainsbourg.

Six autres longs devaient suivre, parmi lesquels La dénonciation (1961), La maion des Bories (1970) et Une femme fatale (1977).

Également réalisateur pour la télévision, il est apparu en tant qu'acteur dans une vingtaine de films de tous formats, du Coup du berger de Jacques Rivette en 1956 à Jeanne Dielman, 23 quai du commerce, 1080 Bruxelles de Chantal Akerman en 1975, en passant par L'amour c'est gai, l'amour c'est triste de Jean-Daniel Pollet (1968), Le jeu avec le feu d'Alain Robbe-Grillet (1974) ou encore L'apprenti salaud de Michel Deville (1977), ainsi que deux films de Pierre Kast dont il aura été aussi le coscénariste : Le bel âge (1960) et Vacances portugaises (1963).

Il fit partie des fondateurs de la Société des réalisateurs de films (SRF) en 1968 et, l'année suivante, de la Quinzaine des réalisateurs à Cannes.

Critique

La première chose qui frappe, en découvrant Les surmenés, tient à son carton d’ouverture : “Film réalisé par la Caisse nationale de sécurité sociale et par le Centre national d’éducation sanitaire démographique et sociale”. Ce double “par” interroge, mais il s’agit bien là de l’aboutissement d’une commande officielle, passée par ces organismes a priori éloignés de préoccupations de divertissement (rappelons au passage que la Sécu, issue du programme du CNR, ne date alors que d’une douzaine d’années) à l’une des figures des Cahiers du cinéma pour servir une cause et permettre une prise de conscience sur un problème de santé publique.

On ne l’appelle pas encore burn-out, mais on parle de surmenage. Et les quatre ou cinq premières minutes du film abordent la question dans sa globalité, résumant les mutations du travail et de la société, faisant passer d’une structuration traditionnelle et alignée sur les saisons à la modernité industrielle et tertiaire des Trente glorieuses. Avec sa voix off un rien solennelle (assurée par Monique Chaumette), on se situe dans le territoire balisé de certains travaux du Groupe des Trente. Mais comme avec d’autres représentants de cette mouvance, le projet initial se voit vite détourné. Ainsi, la même année, Alain Resnais nourrit de fiction – et de codes du cinéma de genre – Le mystère de l’atelier quinze (cf. Bref n°127), à travers lequel l’Institut national de sécurité entend à l’origine mettre en lumière la fonction de médecin du travail au sein de la grande industrie.

Dans Les surmenés, c’est une narration au postulat volontiers balzacien qui se déploie, fréquente chez les tenants de la Nouvelle vague : une jeune fille, Catherine, monte conquérir Paris, forte de son titre de championne de dactylographie du Limousin, telle une Rastignac en jupe plissée. Éblouie par les lumières de la ville, elle pense surtout à sortir et à s’amuser, la vocation du film devenant dès lors moins évidente, ennuyant sans doute son dandy de réalisateur, plus enclin à faire apparaître l’ami Brialy dans son personnage – habituel à l’époque – de dragueur désinvolte (voir Une histoire d’eau ou Tous les garçons s’appellent Patrick), faire danser le virevoltant Jean-Pierre Cassel dans quelque cave de Saint-Germain-des-Prés ou parsemer le scénario de cocasses clins d’œil – le big boss de la boîte où est embauchée Catherine est désigné comme étant “le père Chabrol” ! Il faut dire que Truffaut est crédité comme co-scénariste et, Doniol représentant une sorte de grand frère pour la bande des Jeunes Turcs, c’est du côté des contes moraux rohmériens que tend finalement l’histoire, qui parvient finalement à renouer avec son objectif initial en envoyant vers un arrêt-maladie le beau-frère de Catherine, l’infortuné Étienne, incapable de suivre l’enfer du métro-boulot et pas assez de dodo, avec un surcroît d’activité sportive visiblement pas si recommandée que cela alors pour la santé !

Sans doute moins connu que d’autres productions contemporaines des Films de la Pléiade, Les surmenés en a tout le ludique “charme Nouvelle vague” (avec une partition signée Georges Delerue) et annonce aussi en partie, dès son titre, certains films à sketches postérieurs, emblématiques de la comédie sociale italienne.

Christophe Chauville

Réalisation : Jacques Doniol-Valcroze. Scénario : Jacques Doniol-Valcroze, Michel Fermaud et François Truffaut. Image : Jacques Letellier. Montage : Marinette Cadix et Albert Jurgenson. Musique originale : Georges Delerue. Interprétation : Jean-Claude Brialy, Yane Barry, Jean-Pierre Cassel, Jean Juillard, Chantal de Rieux, Hubert Deschamps et Jean Gruault. Production : Les Films de la Pléiade.

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