
2022 - 23 minutes
France, Italie - Fiction
Production : Composite Films, Illmatic Film Group
synopsis
Henri et Anaïs partent en week-end à Rome. C’est l’occasion pour Henri de rendre visite à Isadora, l’enfant qu’il a eue avec un amour de jeunesse, et de lui présenter Anaïs. Celle-ci retrouve la ville où elle a vécu enfant avec sa mère, et où cette dernière est morte. Pris dans un enchevêtrement de liens passés et présents, Henri, Anaïs et Isadora vont chacun devoir faire l’expérience de la perte et du deuil du passé.
biographie
Juliette Saint-Sardos
Après des études de lettres et d’Histoire de l’art, Juliette Saint-Sardos est sortie diplômée du master de production cinématographique de l’Institut national de l’audiovisuel (INA) en 2016.
Elle a travaillé entre janvier 2018 et février 2020 à la Société des réalisateurs de films (SRF) en tant que chargée de communication, notamment pour l’organisation des événements de l’association au Festival de Cannes, lors de la Quinzaine des réalisateurs.
Elle est ensuite passée à la réalisation avec un premier court métrage, Super Nova, tourné à Marseille en pellicule 16 mm. Le film a été vu, entre autres, au Festival Côté court de Pantin en 2022, puis au Festival du film court en plein air de Grenoble.
Les rossignols, dont l'action se situe à Rome, a suivi, également présenté à Pantin en 2023, ainsi qu'au FIFIB, à Bordeaux.
En 2024, Juliette Saint-Sardos supervise un film d'atelier dans un collège de Noisy-le-Sec, en Seine-Saint-Denis, en partenariat avec le Festival Côté court de Pantin : Dans nos dix ans.
Critique
Dans Les rossignols, d’abord et avant tout, il y a Rome. Comme Marseille dans Super Nova (2021), précédent court métrage de la réalisatrice, la ville est plus qu’un décor, mais le premier personnage du récit. Avec à chaque fois l’imaginaire afférent. Historique, culturel, cinématographique évidemment. Les rossignols a été tourné en 16 mm et cette patine de cinéma sur pellicule appelle des souvenirs, même si le film contourne heureusement tout écueil de carte postale, restant loin des places et monuments d’ordinaire (sur)représentés. La Cité Éternelle a un lien particulier avec l’intimité de chacune des trois pointes du triangle que la narration jette en ses rues. Isadora y vit au quotidien et y cultive sa colère envers son père français, Henri, qui n’a guère été présent à ses côtés depuis la séparation d’avec sa mère, quinze ans auparavant, et qui y revient, dans l’espoir éventuel de recoller les morceaux et entrevoir une possibilité de seconde chance.
Un dessein compliqué par la présence de sa toute jeune compagne, Anaïs, qui a elle aussi vécu là il y a longtemps, avec sa mère, récemment disparue à la suite d’un accident. Le voyage a pour elle valeur de pèlerinage, et encore plus spécifiquement le symbolique point cardinal représenté par la tombe de John Keats, situé au cimetière Acattolico, au sud de la capitale, hors des sentiers touristiques. Le poète anglais avait livré son Ode à un rossignol, piste d’approche symbolique de cette curieuse famille recomposée – Isadora ne veut pas entendre parler de cette nouvelle belle-mère, à peine plus âgée qu’elle (et à qui Constance Rousseau apporte ses traits, très Quattrocento). Qui dit rossignol dit chant, mais l’harmonie n’est qu’une chimère, en ce début de printemps encore timide, pour le trio et ce sont plus les hostiles vitupérations – dignes de la Magnani – d’Isadora qu’on entend, tandis qu’Anaïs demeure plutôt silencieuse, comme étourdie par l’atmosphère de ces quartiers, jardins et terrasses qu’elle arpente dans sa quête intérieure.
Le motif du week-end à Rome (comme celui du "voyage en Italie") révèle, parfois à vif, ce que renferme, voire dissimule, une relation de couple, même fraîchement constitué – et sans doute bancale – comme celui d’Henri et Anaïs. Avec Les rossignols, il s’épaissit de l’enjeu d’une jonction mal embarquée entre un père et sa fille, au lien dégradé à force de manquements et de malentendus, les conduisant jusqu’à une très belle séquence finale sur une plage, dans laquelle on a envie de voir celle d’Ostie, là où s’acheva tragiquement le voyage sur cette terre de Pier Paolo Pasolini (qui lui aussi aimait les oiseaux). Encore la prédominance du lieu sur les corps et les âmes. Et l’espoir de se tenir enfin plus fermement sur la branche, comme ces passereaux entendus sur l’écran noir ouvrant le film, fragiles et affrontant pourtant leur destin.
Christophe Chauville
Texte paru dans Bref n°129, 2024.
Réalisation et scénario : Juliette Saint-Sardos. Image : Inès Tabarin. Montage : Aymeric Schoens. Son : Mauro di Giorgio, Raphaël Prat et Mathieu Farnarier. Musique originale : Émile Sornin. Interprétation : Grégoire Colin, Constance Rousseau, Ana-Lou Castoldi, Gisela Burinato, Ivano Picirilli et Francesca Barone. Production : Composite Films et Illmatic Film Group.