2021 - 20 minutes
France - Fiction
Production : La Fémis
synopsis
Laure fait des ménages dans un appartement parisien appartenant à la famille royale saoudienne. Lorsque des hommes inconnus débarquent dans l’appartement, Laure est obligée de se cacher dans un débarras avec sa patronne. Les deux femmes doivent rester silencieuses, collées l’une à l’autre.
biographie
Hélène Rosselet-Ruiz
Née en 1991, Hélène Rosselet-Ruiz a commencé sa carrière en tant que comédienne pour le théâtre et le cinéma avant de se tourner vers l’écriture et la réalisation. En 2015, elle est lauréate de la “Plume de cristal” du meilleur projet de long métrage à Valence Scénario, pour sa première écriture en autodidacte, et intègre l'année suivante l'Atelier “Égalité des chances” de la Fémis. Elle est alors la lauréate, avec sa sœur jumelle Marie, des Talents en court du Comedy Club.
Elle entre au département réalisation de la Fémis en 2018 et en sort diplômée en 2022. Au fil de ses quatre ans d’études, elle réalise plusieurs courts métrages, notamment Les mains sales (2021), sélectionné dans de nombreux festivals, parmi lesquels Amiens, Brest, Côté court à Pantin, Palm Springs et Cinébanlieue (où il reçoit le Prix SACD) et Pas l’cœur assez grand (2022), son film de fin d’études, qui fait l’objet d’un achat par Arte.
En parallèle de ses films réalisés à la Fémis, elle a écrit et réalisé plusieurs films à quatre mains avec sa sœur Marie : Les héritières (2020), Ibiza (2021) et Les reines du mambo (2023). Les trois films ont été sélectionnés à Côté court, et Ibiza a été shortlisté pour le César 2023 du meilleur court métrage de fiction.
Hélène Rosselet-Ruiz développe actuellement deux projets de longs métrages avec sa sœur : La caravelle (pour Darius Films et Dharamsala) et Deux et plus (pour Topshot Films). Elle a aussi en chantier un film en solo, directement inspiré des Mains sales : intitulé Servir, il est co-écrit par Pauline Guéna et sera produit par Les Films de Pierre.
Critique
De Jean Renoir à Philippe Faucon en passant par Claude Chabrol, le cinéma français s’est bien souvent penché sur la question de la domesticité, tantôt documentant le quotidien de ses “petites mains”, tantôt brossant le portrait satirique des us et coutumes de la bourgeoisie, pour s’acheminer, toujours ou presque, vers un même constat de violence des classes.
Avec Les mains sales, Hélène Rosselet-Ruiz, ici en solo mais qui réalise aussi des films avec sa sœur jumelle Marie (Les héritières, Ibiza, Les reines du mambo), s’inscrit dans cette filiation tout en apportant une nouvelle et passionnante perspective à ce corpus infini. Laure (Sarah Henochsberg) est femme de ménage dans un grand appartement parisien appartenant à une famille royale saoudienne. Sa patronne (Hiba Abouk), dont l’âge ne semble pas si éloigné de celui de Laure, dicte à la jeune fille chacun de ses mouvements, chacune de ses actions, parfois simplement d’un geste, sans mot. Le rôle de Laure, en somme – outre le ménage, le repassage et ce contact anormal avec une intimité qui n’est pas la sienne –, est d’être invisible, d’emprunter l’escalier de service pour ne pas être vue ou encore d’être un corps de substitution pour l’essayage d’une robe. Et quand Laure manifeste, sans le vouloir, sa présence, on lui dit de quitter la pièce. C’est ainsi que Les mains sales enregistre dans sa première partie, et avec un grand sens du détail, toutes ces choses qui conduisent Laure à ne surtout jamais oublier sa condition de femme de ménage, son rang inférieur.
Il faut attendre l’intervention d’un élément extérieur pour que ce vieil ordre établi soit déréglé et que Laure et sa patronne se retrouvent dans un placard qui déborde de manteaux de fourrures, carcasses d’animaux morts. Alors qu’en hors champ se joue un règlement de compte masculin depuis lequel on comprend que la riche femme doit, pour sa survie, taire une relation avec un homme, les deux femmes mises ainsi côte à côte se retrouvent contraintes de partager l’exiguïté de la pièce sombre. La promiscuité annihile tout rapport de force et renforce la vulnérabilité de la patronne, à peine vêtue d’un peignoir, quand Laure s’amuse, un temps et nerveusement, de cette situation ubuesque, comme si elle était en pleine partie de cache-cache.
Telles deux proies du conte de Barbe Bleue, cachées pour survivre à la folie assassine de l’ogre, qui n’a d’autre nom ici que celui du patriarcat, les voilà rendues à leur condition de femmes. Hélène Rosselet-Ruiz sait très bien filmer l’angoisse latente, mais asphyxiante, qui se dégage de ce huis clos et observer cet imperceptible basculement d’une relation patronne-employée d’abord basée sur un principe de différenciation et qui glisse vers une forme de reconnaissance et de partage d’expérience. Sous l’œil de la cinéaste, la lutte des classes converge alors vers un à propos féministe des plus pertinents que vient définitivement souligner une séquence finale que l’on croirait presque autobiographique.
Marilou Duponchel
Réalisation : Hélène Rosselet-Ruiz. Scénario : Hélène Rosselet-Ruiz et Noémie Parreaux. Image : Juliana Brousse. Montage : Emma Fridé. Son : Ondine Novarese, Rémi Seffacene et Yanis Do Couto. Musique originale : Maxence Dussère. Interprétation : Sarah Henochsberg, Hiba Abouk, Mohamed El Mazzouji, Nicola Krminac, Illyès Salah, Elisa Sommet et Aksel Ustun. Production : La Fémis.