
Les liens du sang
Hakim Atoui
2024 - 18 minutes
France, Belgique - Fiction
Production : Yukunkun Productions, Avant la Nuit
synopsis
Quand Ali et Leila rendent visite à leur mère qui vient tout juste de sortir de l’hôpital, ils ont des révélations à lui faire. Sur place, ils découvrent avec stupeur qu’elle vit désormais en compagnie d’Elyo, un robot d’assistance médicale.
biographie
Hakim Atoui
Né en 1992, Hakim Atoui a une double formation en production et en réalisation. Il a produit plusieurs films sélectionnés à l'échelle internationale et il est sorti diplômé de l'atelier Ludwigsburg-Paris en 2020.
La même année, son documentaire La première marche, coréalisé avec Baptiste Etchegaray, a été distribué en salles en octobre 2020 par OutPlay Films et diffusé par Ciné+.
Les liens du sang (2024) est son premier film de fiction en tant qu’auteur-réalisateur. Produit par Yukunkun Productions, il se voit décerner le Grand prix du jury du meilleur court métrage français indépendant au Champs Elysées Film Festival et le Grand prix du court métrage au Festival du film fantastique de Gérardmer. Il est aussi présenté à Brest, Contis, Dijon, Paris Courts devant, Court métrange à Rennes, Sarlat, Trouville, etc.
Hakim Atoui enchaîne avec Adieu soleil (2024), qui reçoit le Grand prix de la compétition internationale au Busan International Short Film Festival, en Corée du Sud.
Critique
Hakim Atoui s’amuse de toute évidence avec cette tragi-comédie savoureuse et trash qui hybride les humeurs et les tons. Soit un déjeuner de famille. Une trinité cellulaire réunie – une mère, sa fille et son fils – et soudain révolutionnée par la présence d’un assistant médical pas comme les autres. Un safety robot contemporain, mais pas dernier cri, comme le dit la mater familias. D’où les dérapages incontrôlés et progressivement incontrôlables. La critique de la dérive possible de la toute-puissance technologique se double d’une immersion dans le cinéma de genre. Le réalisateur aime le glissement vers l’étrangeté. Dans son film suivant, Adieu soleil, c’est une éclipse solaire qui devient permanente et plonge le monde dans la pénombre. Il peut ainsi observer les comportements humains confrontés à l’inattendu et à leur propre dénuement. Que faire face au non maîtrisable ? Les protagonistes vont devoir agir en situation d’urgence totale, en mode survie, alors que leur repas a démarré en mode ironique, pour continuer par la note acerbe, avant de virer au règlement de comptes à la Festen.
L’incarnation du quatuor interprétatif s’avère au poil. Belle osmose entre la direction d’acteurs et l’inspiration de chaque soliste. Les violons s’accordent en mêlant les différentes énergies, la farce et le drame. La grande Saadia Bentaïeb mène le jeu en mère autoritaire et burlesque à la fois, esquissant un pas de danse avec son plat de poulet-frites, et dynamitant au sniper verbal ses deux rejetons en pleine joute revancharde. Myriem Akheddiou s’amuse avec aplomb et fragilité à composer une fille mal-aimée par sa génitrice et malmenée par son chirurgien-dentiste après une rage de dent. Djanis Bouzyani se délecte dans la peau d’un fils libre comme l’air et héraut revendicateur de la fratrie indignée par l’injustice maternelle, entre trublion et angelot rebelle. Enfin, Adrien Dantou a la tâche ingrate et payante à la fois de porter le masque prothétique d’Elyo, et de personnifier le robot dément de cette aventure décapante. L’alliance de leurs compositions s’apprécie avec délectation, tant le grand huit émotionnel reste la clé de voûte de leur interprétation.
La précision narrative et formelle est payante. Non seulement les effets d’écriture et à l’image attisent l’attention, mais le travail au montage et au son pèse lourd. La science du champ/contre-champ rythme la perception du spectateur, dès la confrontation initiale au robot qui ouvre la porte, jusqu’aux altercations et observations incessantes durant le gueuleton. L’orfèvrerie quasi musicale guide la montée en puissance du drolatique jusqu’à l’angoissant. L’utilisation des mélodies italiennes ajoute aussi à l’ironie mordante du méli-mélo des genres, tout comme la mise en abyme de la gestion sonore par Elyo, censé gérer l’ambiance musicale dans la maison familiale. Les changements de volume et coupures impromptues sculptent l’ascenseur émotionnel ambiant, jusqu’aux coups et chutes successifs. Les liens du sang diffuse ainsi son double sens avec une malice écarlate et s’impose par son inexorable et machiavélique mécanique.
Olivier Pélisson
Réalisation et scénario : Hakim Atoui. Image : Dino Franco Berguglia. Montage : John Pirard. Son : Hugo Rossi et Sylvain Adas. Musique originale : Noé Bailleux. Interprétation : Myriem Akheddiou, Saadia Bentaïeb, Djanis Bouzyani et Adrien Dantou. Production : Yukunkun Productions et Avant la nuit.