Extrait
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Les fantômes de l’usine

Brahim Fritah

2014 - 8 minutes

France - Fiction

synopsis

“Tu balaies, tu jettes les poubelles, t’essuies les tables et lentement ton esprit flotte.” À quoi pense le jeune balayeur ? À quoi rêve-t-il ?

Brahim Fritah

Brahim Fritah est né à Paris, en 1973. De double nationalité francaise et marocaine, il a étudié à l'École supérieure des arts décoratifs (Ensad) de Paris, dans la section vidéo/photo. Tous ses films ont été présentés dans de nombreux festivals, dès Chroniques d’un balayeur, en 1999, er El censo, en 2001.

En 2003, Brahim Fritah est résident de la Cinéfondation du Festival de Cannes avec son projet de long métrage Slimane le magnifique, qu’il a toujours l’intention de pouvoir réaliser un jour.

Il est également le réalisateur de La femme seule, produit par Les Films sauvages et lauréat du Prix spécial du jury au Festival de Clermont-Ferrand en 2005. 

En 2013, il passe au long métrage avec Chroniques d’une cour de récré, avant de revenir au court à travers Les fantômes de l’usine (2014), à qui Reda Kateb prête sa voix.

En 2018, Allonge ta foulée !, interprété par Yanis Balhoul et Philippe Rebbot, est présenté en sélection régionale au Festival de Clermont-Ferrand. 

 

Critique

C'est un grand lieu désaffecté, qu'on imagine être une ancienne usine, un territoire envahi par les plantes qui rongent le cadre et rampent le long des fenêtres craquelées. C'est le premier plan du film et il est immédiatement beau, sonne l'évidence d'un pays d'apocalypse, d'après les humains. Apparaît une silhouette en surimpression, émergeant du papier peint Seventies, d'un autre monde, tel un fantôme qui vient visiter ses vieilles ruines. C'est le premier fantôme de l'usine. Qui sont-ils ? S'ils semblent être des souvenirs, ils apparaissent essentiellement comme des boules de lumière réactivées dans le présent, nichées ici et là dans le grain d'une photographie pesante.

En voix off, les intonations sont celles des contes adressés aux enfants avant d'aller dormir, avec les rires saccadés et forcés pour donner de la consistance aux personnages. Les contes d'Andersen sont d'ailleurs ouvertement cités. C'est avec cette précieuse évidence que le texte se déroule autour de la question du souvenir du travail. Brahim Fritah, un an après son premier long métrage, Chroniques d'une cour de récré, poursuit une évocation intimiste et poétique du monde ouvrier. “Est-ce que les fantômes rêvent ? Est-ce qu'ils respirent ?”, demande un enfant comme s'il se demandait si le sang de la vie pouvait encore couler dans le monde défait d'aujourd'hui.

Si Les fantômes de l'usine est un film de photos, d'images arrêtées, c'est pour mieux saisir le mouvement du temps, son écoulement inépuisable, par touches impressionnistes. L'usine prend alors des contours fantastiques, comme un secteur fait d'images brassées, d'odeurs et de lumières intactes. En témoigne cette anecdote autour d'un cendrier de verre poli dont l'un des enfants manifeste le plaisir ressenti du travail bien fait après l'avoir nettoyé. Le cendrier devient un joyau magique, un artefact étoilé, comme on retirerait d'un conte une lampe magique pour en déverser ses effets. En cela, le film de Brahim Fritah agit comme une force vive, une réminiscence intimiste du monde ouvrier, des “messieurs de l'usine”, comme ces ados les désignent. Et ce croisement entre la pénibilité du travail et la candeur de l'enfance trouve ici un écho particulièrement étourdissant de beauté. 

Arnaud Hallet

Réalisation et scénario : Brahim Fritah. Image : Pascal Lagriffoul et Brahim Fritah. Montage : Catherine Mantion. Son : Nicolas Bourgeois et Matthieu Tibi. Interprétation : Billel Bouakel. Voix : Reda Kateb et Yanis Bahloul. Production : Dodes Kaden Films.

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