Extrait
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Les dents du bonheur

Joséphine Darcy Hopkins

2023 - 26 minutes

France, Belgique - Fiction

Production : To Be Continued, Le Lapin Blanc Production, Need Production, Shelter Prod

synopsis

Madeleine, huit ans, accompagne sa mère esthéticienne à domicile chez de nouvelles clientes. Arrivée à la maison, elle fait la connaissance d’Eugénie, Constance et Émeraude, qui l’invitent au sous-sol à participer à un cruel jeu de société.

Joséphine Darcy Hopkins

Née à Londres d'une mère française et d'un père anglais, Joséphine Darcy Hopkins a grandi près de Brive, étudié à l’ESRA à Paris et réaliseédurant sa scolarité Margaux (2017) et Le jour où maman est devenue un monstre (2018). Sélectionné dans 40 festivals, dont Gérardmer, Court métrange, Fantasia et Paris Courts devant, ce court métrage obtient le Prix du jury au Festival du film fantastique de Paris ainsi qu’un Méliès d’argent décerné dans le cadre du Festival Razor Reel, à Bruges.

En 2020, Joséphine Darcy Hopkins réalise son premier court métrage professionnel, Nuage, qui reçoit notamment le Prix du public à L'Étrange festival à Paris. Elle participe alors à l’écriture du scénario du long métrage Inexorable réalisé par Fabrice du Welz, distribué en France en avril 2022.

Les dents du bonheur, son court métrage suivant, remporte le Prix du public au BSFF, à Bruxelles, et se voit sélectionné dans de nombreux festivals, dont celui de Clermont-Ferrand. 

La jeune réalisatrice développe dans le même temps l'écriture de son premier long métrage, toujours avec To Be Continued : Docile.

Critique

Regarder interagir des enfants nous apporte parfois bien plus qu’on le pense. Dans Les dents du bonheur, Joséphine Darcy Hopkins met en scène quatre fillettes autour d’une partie de “jeu de la reine”. Madeleine, Eugénie, Émeraude et Constance se disputent le titre. La première est la fille de l’esthéticienne des mamans des trois autres, et elle a peut-être plus de choses à prouver. La règle est très simple : on tourne la roue, on tire une carte action (qui implique souvent de devoir donner de l’argent…), on avance du bon nombre de cases jusqu’à atteindre le château. Seulement voilà, pour obtenir les faux billets nécessaires pour avancer, il faut payer une mise en euros sonnants et trébuchants. 

C’est là que ça grince ; et que le malaise présent depuis le début du film fait sens. Tout est trop propre, trop lisse, trop immobile, trop calme. On préfère tous quand c’est “un peu plus moins calme”. Dans cette maison aux allures de château, les couleurs sont unies, pastel et douces. Elles s’accordent les unes aux autres. Eugénie porte un polo jaune et est assise devant un mur de couleur identique, Émeraude est habillée tout de bleu, le rose du haut de Constance se fond presque dans sa carnation. Quand bien même ce sont deux étrangères qui entrent dans une maison, il n’y a rien d’intrusif. La caméra est fixe, le cadre presque symétrique, les voix chuchotées ou doucereuses. On se tient à distance respectueuse de cette haute bourgeoisie. Et pourtant, sous la couche de vernis, ce court métrage nous fait sentir quelque chose. Un plan très large nous écrase sous le domaine qui semble avaler les personnages, un autre nous entraîne à ras le parquet, pris comme des rats, des nuisibles. Des dissonances dans ce monde propret, très bien reprises par le jeu de la propriétaire des lieux et de ses deux amies, pleines de condescendance pour la pauvre esthéticienne qui élève seule son enfant. 

Tout le film flirte entre apparence et vérité, jeu et réalité, fausse gentillesse et cruauté bien réelle. Madeleine fait de son mieux pour participer correctement, arrache sa dent qui bouge espérant une pièce de sa mère en échange. Une séquence musicale montre les filles s’amuser, semblant rire toutes les quatre. Mais leur apparence de complicité se fait rattraper par l’argent. Une dent ne suffit pas pour finir le jeu, il faut miser plus. Et il faudra toujours miser plus, jusqu’à une victoire au goût amer et surtout très éphémère. Il n’y a qu’une reine dans ce château, c’est Eugénie, la propriétaire. Sa mère, sa maison, son jeu, ses règles, sa victoire. Sa décision de changer d’activité en cas de défaite. Ses amies qui lui jouent un spectacle. Elle dirige en soufflant le chaud et le froid sur la domestique comme sur ses copines. Comment faire autrement quand on est élevé dans un milieu où on plaint gentiment les plus pauvres que soi, tout en étant convaincu de sa propre supériorité ? Le jeu de la reine n’est qu’un jeu. Eugénie se remet de perdre parce qu’elle sait qu’à la loterie de la vie et du vrai argent, elle a gagné. 

Et pourtant, à la fin du film, c’est bien Madeleine qui sourit à pleine bouche en mangeant du chocolat. 

Anne-Capucine Blot 

Réalisation : Joséphine Darcy Hopkins. Scénario : Joséphine Darcy Hopkins et Jean-Jacques Kahn. Image : Julien Grandjean. Montage : Mathieu Toulemonde. Son : Clément Lemariey, Antoine Citrinot et Emmanuel de Boissieu. Musique originale : Vincent Cahay. Interprétation : Lou Deleuze, Katell Varvat, Naomi Arlix, Jeanne Civaux, Pauline Lorillard, Florence Janas, Stéphane Bissot, Sandrine Blancke et Ana Rodriguez. Production : To Be Continued, Le Lapin Blanc Production, Need Productions et Shelter Prod.

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