Extrait
Partager sur facebook Partager sur twitter

Le vol des cigognes

Iris Kaltenbäck

2015 - 29 minutes

France - Fiction

Production : La Fémis

synopsis

Un soir, dans une maternité, Ana enlève un nouveau né. Quelques jours plus tard, son compagnon, Julien, rentre de l’armée. Ana l’accueille avec leur bébé...

Iris Kaltenbäck

Née le 24 août 1988 à Paris (France), Iris Kaltenbäck a grandi en France, entourée d’une mère française, d’un père autrichien et d’un demi-frère américain.

Après des études en droit à Assas et en philosophie à Nanterre et à l'EHESS, elle intègre la Fémis au sein du département scénario. En 2013, elle assiste Declan Donnellan au Théâtre des Gémeaux, à Paris, et réalise deux ans plus tard son premier court métrage, produit par la Fémis, Le vol des cigognes, primé par le public du Festival international de Bruxelles.

Iris Kaltenbäck a obtenu en 2018 le prix Sopadin Junior pour un scénario intitulé Still Shot et présente Le ravissement, son premier long métrage, à la Semaine de la critique, à Cannes, en 2023. Le film réunit notamment, devant sa caméra, Hafsia Herzi, Alexis Manenti et Nina Meurisse.

Critique

On découvre le personnage principal du Vol des cigognes, Ana, de l’extérieur, à distance. Le point de vue se fixe dans un couloir d’hôpital et la jeune femme en blouse blanche est aperçue par une fenêtre étroite, dans une chambre, debout au pied d’un lit. La vitre usée, ou mal lavée, donne un aspect flou à cette vision, en reflet à celle dont le portrait s’apprête à être brossé. Le plan-séquence qui se déploie dès lors à travers l’étage de cet établissement hospitalier s’avérant être celui de la maternité montre la soignante aux aguets, comme si d’évidence quelque chose la perturbait ; elle n’a pas l’air bien, ni très “nette”. Dans la continuité, elle rentre d’ailleurs dans une autre chambre et se saisit d’un nourrisson alors que sa mère est endormie à côté. Le réveil soudain de celle-ci fige Ana dans un instant de gêne, le bébé contre elle, même si elle fait mine de rien… Cut, et deuxième plan-séquence qui la montre retenter immédiatement sa “chance”, avec le même prisme de fenêtre allongée verticalement, celle de la chambre où un nouvel enfant est saisi, cramponné et emmené loin de la clinique. Kidnappé, donc. Car la capture d’Ana dans son cadre de la fenêtre au verre translucide est à l’image de ce qu’elle a en elle, à l’intérieur, en cette période qu’elle traverse péniblement malgré les apparences. Un enfermement dans une folie ordinaire, déclenchée par un événement traumatique que l’on pressent rapidement, alors que le compagnon de la ravisseuse, militaire de carrière, revient à elle et fait connaissance avec “leur” nouveau-né.

Si le récent long métrage Toi non plus tu n’as rien vu de Béatrice Pollet explorait le motif du déni de grossesse, Iris Kaltenbäck consacrait l’un de ses films d’étudiante de la Fémis (où elle suivait la filière “scénario”) au rapt de nourrisson, un type de fait divers déjà croisé par chacun(e) et permettant de sonder un mystérieux dérèglement de l’âme pouvant conduire à un tel passage à l’acte, déviant et terrifiant, suite au choc de la perte de son propre enfant.

Le choix d’une mise en scène sèche, chiche en dialogues et en explications, impressionne et donne à la fois une force et une crédibilité à un récit s’enracinant dans la France défavorisée du Nord, celle que dépeignait au début de sa carrière Bruno Dumont. Et la comédienne Claire Ganaye, dont on se demande au passage comment elle a pu rester méconnue, apporte une profondeur remarquable à son personnage, pour qui l’empathie naît au-delà de son geste, de plus en plus seule avec son secret – voir la manière d’aborder l’absence de lait sortant de sa poitrine menue, à dissimuler au moment de donner la tétée au biberon.

Alors qu’elle présente son premier long métrage, Le ravissement, au Festival de Cannes (au sein de la Semaine de la critique), Iris Kaltenbäck avait témoigné de prometteuses dispositions d’écriture, de mise en scène et de montage à travers ce film d’école en son temps remarqué à Aix-en-Provence et au BSFF, à Bruxelles, où il avait reçu le Prix du public Next Generation. Le temps de le redécouvrir est venu.

Christophe Chauville

Réalisation et scénario : Iris Kaltenbäck. Image : Amine Berrada. Montage : Pierre Deschamps. Son : Tristan Pontécaille, Hadrien Bayard, Lucas Héberlé, Antoine Pradalet et Victor Praud. Interprétation : Claire Ganaye et Raphael Acloque. Production : La Fémis.

À retrouver dans

Sélections du moment