
2012 - 35 minutes
France - Fiction
Production : Sésame Films
synopsis
Une ville moyenne de province. Mado, cinquante-six ans, est caissière dans un supermarché. CDD d’un an renouvelable. Une bonne place pour certains. Une éternité pour Mado. Un beau jour, elle s’échappe. Direction la campagne. Un petit pavillon où vit ce fils qu’elle aime tant et qu’elle voit tellement peu.
biographie
Sylvain Desclous
Sylvain Desclous est un réalisateur et scénariste français né en 1973, à Créteil.
Après avoir exercé différentes professions, il devient réalisateur à travers un premier court métrage en 2007 : L’autre rive.
Il en enchaîne ensuite plusieurs autres : Là-bas (2009), Flaubert et le buisson (2010), Le monde à l’envers (2012) et Mon héros (2014). Il se lance alors dans son premier long métrage, Vendeur (2016), une fiction filiale avec Gilbert Melki et Pio Marmaï.
Il signe en 2020 deux courts métrages documentaires : La peau dure, autour de la figure de Gérard, flibustier à Preuilly-sur-Claise, et Valentina, à l’Est.
Au printemps 2022 est distribué en salles son long métrage La campagne de France, où le réalisateur filme l’élection municipale dans un village d’Indre-et-Loire.
Son nouveau long métrage, De grandes espérances, qui réunit Rebecca Marder, Benjamin Lavernhe et Emmanuelle Bercot, arrive sur les écrans au printemps 2023.
Critique
La grâce, dans un film, tient souvent aux acteurs. On regarderait celui-ci rien que pour eux. Et s’il était plus long, on resterait volontiers en leur compagnie pour essayer de panser les plaies de leurs personnages, pour peut-être, à un moment de répit, vider une autre bouteille avec eux.
Mais il faut attendre dix minutes pour que Le monde à l’envers devienne cela. Il commence autrement, avec Mado, caissière presque sexagénaire interprétée par une Myriam Boyer à qui la sobriété va bien. L’entame, convaincante, est une fausse piste. Lasse, Mado entraîne le film dans son échappée pour renouer avec un fils qu’elle voit bien peu. Exit la grande surface, ses récits potentiels disponibles au rayon “constat social”, et bonne surprise, Thierry, c’est Vincent Macaigne, qui livre ici la version VRP du personnage qu’on avait tant aimé dans les films de Guillaume Brac. Maladroit, un peu veule, manquant de confiance en lui, il ne sait que s’étonner de la visite de sa mère. À peine est-elle arrivée qu’il ne peut d’ailleurs, peu délicat, qu’anticiper son départ par le train du lendemain. Incapable de profiter – comme le fait son aimable colocataire Yann (Guillaume Viry, remarquable) – de cette visite inopinée.
Car Mado est tout ce que Thierry craint de devenir, celle à l’encontre de qui il s’est construit. Quand elle subit un travail précaire, lui entend bien progresser, satisfaire ses patrons et ne sait, semble-t-il, que parler de son boulot. À moins, bien sûr, qu’il soit le prétexte lui permettant de ne pas parler d’autre chose. Quelques vérités jailliront pourtant d’une soirée alcoolisée, mais quand on les laissera avec leurs regrets et leur gêne, ces deux-là ne s’en seront pas assez dit. C’était un week-end à la campagne, avec les chiens qui aboient dehors et la brume dans les champs le matin...
On serait en droit de se méfier d’une telle histoire car la fameuse “incommunicabilité” a ceci de pratique qu’elle excuse l’incurie de tant d’autres films. C’est pourtant souvent, on le sait, avec les situations et les affects les plus banals que l’émotion, dans le court ou ailleurs, se fraie son chemin. Et Sylvain Desclous a ici l’intelligence de ne pas se satisfaire de non-dits complaisants, cherchant l’humanité de ses personnages ailleurs que dans les scènes à faire, loin de l’hystérie naturaliste, au détour plutôt de détails (une promenade dans les champs, une partie de Wii, un verre qu’on remplit, du linge qu’on plie) qui révèlent la minutie de son regard et la tendre empathie le liant à ses personnages.
Stéphane Kahn
Article paru dans Bref n°106, 2013.
Réalisation et scénario : Sylvain Desclous. Image : Julien Roux. Montage : Gwenola Heaulme. Son : Alexis Farou, Alexandre Hecker et Christophe Vingtrinier. Musique originale : Amaury Chabauty. Interprétation : Myriam Boyer, Vincent Macaigne, Guillaume Viry, Béatrice Michel, Guillaume Briat, Christelle Cornil, Damien Bonnard et Cécile Rittweger. Production : Sésame Films.