Extrait
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Le masseur

Vincent Ravalec

1996 - 10 minutes

France - Fiction

Production : Les Films du Garage, Aile Court

synopsis

Un couple s’invente un scénario érotique dans son salon.

Vincent Ravalec

Né à Paris le 1er avril 1962, Vincent Ravalec est écrivain, réalisateur, scénariste et producteur.

Ayant arrêté l'école dès l'âge de 14 ans, il a enchaîné les petits métiers après une formation d'apprenti-menuisier. C'est au début des années 1990 qu'il a commencé à écrire et connu le succès dès ses premières publications. Il publie cinq ouvrages en l'espace de trois mois et son premier roman, Un pur moment de rock'n roll (1992), le révèle, avant qu'il transforme l'essai avec Cantique de la racaille (1994), qui remporte le premier Prix de Flore.

Il se lance alors dans la réalisation de courts métrages tout en étant assistant ou régisseur sur divers films, dont Atlantis de Luc Besson.

Il réalise en 1998 un premier long métrage, Cantique de la racaille, adaptant son roman du même titre. En 2002, il rassemble plusieurs de ses courts métrages dans La merveilleuse odyssée de l'idiot toboggan. On y retrouve entre autres deux adaptations de ses nouvelles : Portrait des hommes qui se branlent et Never Twice.

Vincent Ravalec est également auteur de textes pour la chanson française. Passionné de nouvelles écritures, il a écrit et réalisé des films en réalité virtuelle.

Son dernier roman en date est, datant de 2023, Mémoires intimes d'un pauvre vieux essayant de survivre dans un monde hostile, paru aux éditions Fayard.

Critique

En 1996, Marianne Denicourt est au faîte de sa carrière. Elle a fait ses premiers pas aux Amandiers, dans la troupe de Patrice Chéreau, elle est passée chez Doillon et chez Rivette, avant de percer chez Desplechin, puis de décoller. Les années 1990 sont les années Denicourt. Vincent Ravalec, écrivain cinéaste en vogue, l’a saisie à ce moment-là, à ce moment clé. C’est la merveilleuse histoire du cinéma qui s’écrit sans crier gare et que seuls les critiques, plus tard, relèvent et mettent en lumière. Dans Le masseur, Ravalec demande à la jeune actrice d'interpréter Maggie, une épouse gentille, patiente, docile et jolie à qui Éric (Antoine Basler), son mari – apprenti réalisateur, artiste hystérique et dominateur, individu peu amène et prétentieuse – commande de composer un rôle dans une séquence de cinéma artisanal où lui sera “le masseur” et elle “la cliente en porte-jarretelles”. Tout cela, sans aucun doute, afin de ressusciter un peu de désir au sein du couple, mais également dans le but de créer… Car le mari est en panne. Tant sur le plan relationnel (il ne cesse d’être dans l’invective) que sur le plan artistique (ce qu’il propose est nullissime…). Denicourt apparait donc soumise, en petite lingerie. À première vue, ce film relève entièrement de ce que l’on nommerait aujourd’hui le male gaze, ce regard masculin unanimement “dynamisé” par l’appât de la possession physique.

Avec cet Éric interprété par Antoine Basler, son double de cinéma – un personnage qui tient le beau rôle, celui de l’artiste à qui, en France et à cette époque, tout est permis – Ravalec propose une sorte d’autoportrait décalé, teintée d’une autodérision maîtrisée. Sur son rapport aux femmes, au désir, au monde et à l’art. La caméra vidéo-stylo d’Éric qui capte le présent, c’est l’écriture-brouillon vibrante de Ravalec. Par ailleurs, celui-ci travaille ici au cœur ses obsessions : le motif récurrent de la “femme-pute”, figure qui le préoccupe dans ses écrits comme au cinéma et qui s’accompagne presque concomitamment d’un questionnement obsessionnel autour de la virilité, qui se résume alors chez lui, peu ou prou, à l’érection phallique (souvent défaillante). On pourrait alors s’interroger et se demander : qu’est-ce que Denicourt est allée faire dans cette histoire ? D’abord : donner la répartie, ce qui, du reste, n'est jamais complètement du côté de l'inertie. Si Le masseur est le récit d’un affrontement entre le masculin et le féminin, on serait nombreux à juger qu’ici le féminin l’emporte haut les cœurs. Frange, sourire, sensualité, nonchalance, légèreté, maturité et deuxième degré dominent la voie sans issue de l’agressivité virile. Maggie/Denicourt est là pour réveiller quelque chose de mort ; elle soigne celui-là même qui devrait le faire… Et puis, on ne refera pas ici tout un pan de l’histoire du cinéma de la prostituée dans le Septième art, figure qui est qu’une espèce d’alter ego de l’acteur – “faire du cinéma et faire le tapin, disait Godard, c’est la même chose” –, il est néanmoins et toutefois impossible de visionner Le masseur sans entrevoir en surimpression d’autres visages que le film convoquent sciemment, avec son noir et blanc évocateur : celui d’Anna Karina dans Vivre sa vie ou encore celui d’Anouk Aimée dans Lola, deux actrices avec lesquelles, en 1996, Marianne Denicourt aurait pu être comparée.

Donald James

Réalisation et scénario : Vincent Ravalec. Image : Philippe Le Sourd. Montage : Alima Arouali et Antonela Bevenja. Son : Florent Ravalec. Interprétation : Marianne Denicourt, Antoine Basler et Claire Nadeau. Production : Les Films du Garage et Aile Court.

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