Extrait
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Le Mans 1955

Quentin Baillieux

2018 - 15 minutes

France - Animation

Production : Eddy, De Films en Aiguille, Windy Production, Les Androids Associés

synopsis

24 Heures du Mans, 1955. La course est grandiose. Il y a trois cent mille spectateurs. Les “flèches d’argent” de Mercedes sont les favorites pour la victoire. Il est 18 heures quand la voiture de Pierre Levegh explose dans les gradins projetant comme des hachoirs les débris du moteur sur plus de 70 mètres. C’est l’hécatombe, il y a 80 morts. Cependant, la course n’est pas interrompue. Chez Mercedes, Pierre Levegh a un copilote et ami qui attend de prendre son relai : John Fitch.

Quentin Baillieux

Basé à Bruxelles, Quentin Baillieux est réalisateur et directeur artistique dans les secteurs du cinéma d'animation et du jeu vidéo tout à la fois, après être sorti diplômé des Gobelins, l'école de l'image, en 2008 et avoir signé en 2011, avec Raphaëlle Tinland, un premier court métrage : Lavomatic.

Il a travaillé sur des films publicitaires pour des marques telles que I worked as a director for Bentley, Stella Artois, Nespresso ou encore le Superbowl.

Son film Le Mans 1955 a connu un parcours exceptionnel dans les festivals en France (Annecy, Clermont-Ferrand, Rennes, Trouville…) et dans le monde entier (Ankara, Athènes, Bilbao, Bogota, Saint-Louis, Stuttgart, Tokyo, Varsovie, Vila do Conde, etc.), pour finir par figurer dans la shortlist pour l'Oscar du meilleur court d'animation 2020.

Critique

Le Mans, 1955. Des centaines de milliers de spectateurs réunis à l’occasion de cette compétition grandiose qui oppose notamment les favoris Mercedes, Jaguar et Ferrari. Après seulement quelques heures de course, la Mercedes de Pierre Levegh explose dans la zone de ravitaillement, projetant les débris du moteur en feu sur la foule. Quatre-vingts spectateurs y laissent la vie, et plus d’une centaine d'autres sont blessés. Pourtant, malgré le drame – et c’est ce qui questionne encore aujourd’hui –, la course n'est pas interrompue. À travers cette reconstitution animée de l’accident le plus meurtrier de l’histoire de la course automobile, Quentin Baillieux rend un hommage édifiant à l’édition maudite des 24 heures du Mans et à la mémoire de ses victimes. 

Dès la scène liminaire, le ton est donné par une ambiance sonore omniprésente, garante de l’agitation et du fourmillement de toute une organisation. Ses gradins immenses, son circuit succinctement esquissé et son large auditoire vus du ciel montrent l’envergure internationale d’un évènement plus qu’attendu, qui au fur et à mesure que le violon s’intensifie se teinte d'une réalité oppressante. L’instant redouté, d’abord suggéré au loin et verbalement évoqué nous est finalement accessible à travers les yeux de ce copilote et ami, John Fitch, prêt à prendre le relai de Levegh. Profondément ébranlé, il est le premier à s’aventurer près de l’accident, vers le constat d’une désolation bouleversante. Et quel frisson lorsque l’on découvre avec lui les corps sans vie. Ces flammes qui rougeoient. Ces décombres de voiture aux allures de squelettes agonisants, qui dans l’obscurité se confondent avec les cadavres. Alors qu'il pourrait être perçu comme euphémique en ce qu’il épargne au spectateur une violence sanglante et crue, le choix de l'animation stylisée confère finalement à la scène une tonalité glaçante, ce je-ne-sais-quoi d’intangible qui remue le cœur. 

Le Mans 1955 se démarque évidemment par ses graphismes novateurs aux formes polygéniques et tranchantes, qui semblent presque sculptées, et ses silhouettes singulières et longilignes dans un jeu alterné entre horizontalité et verticalité. Ses ombres et dégradés de couleur, très travaillés, rappellent la luisance mécanique et accentuent le contraste entre les nuances plus sobres des décors, un peu rétros, et celles du brasier aux volutes flamboyantes.

Deux tableaux se juxtaposent à l’écran. D’abord tous ces bolides, qui foncent, piétinant les reliques des machines embrasées vers une victoire incertaine, puis ces corps désolés, cette fumée cramoisie qui s’évapore derrière les barricades. Quentin Baillieux touche alors du doigt la vanité d’hommes consumés d’un désir de victoire, cette avidité aveugle qui l’emporte sur la dignité à l’heure où enjeux et rivalités prévalent sur la décence. 

Faut-il renoncer ? Une décision aussi lourde que nécessaire qui arpente les recoins de l’âme humaine, sa noirceur et sa lumière. Au-delà du cas de conscience, Le Mans 1955 illustre le raz de marée émotionnel qui s’empare d’une écurie en liesse et interroge le rapport immédiat des hommes à la morale. Au plus près des visages, très expressifs, où se succèdent effroi, déni, colère et résignation, ce deuil cinématographique à la mise en scène vibrante saisit un instant d’humanité, en souvenir d’un pilote disparu, mais aussi d’un équipier qui sût se retirer avec honneur. 

Marie Labalette

Réalisation : Quentin Baillieux. Scénario : Julien Lilti. Animation : Jean-Charles Kerninon Axel Digoix. Montage : Benjamin Massoubre et Vincent Tricon. Son : Xavier Dreyfuss. Musique originale : Ali Helnwein. Voix : Nathan Willcocks, Joe Sheridan et Nicholas Mead. Production : Eddy, De Films en Aiguille, Windy Production et Les Androids Associés.

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