
2018 - 14 minutes
France/Liban - Fiction
Production : 13 Productions, Autres rivages et Né à Beyrouth Films
synopsis
De retour à Tripoli, sa ville natale, Karim se souvient. De ce dimanche de septembre 1975, quand son grand-père lui demanda d’aller chercher son joueur de père au café, à l’autre bout de la ville. Il n’avait que 6 ans. C’était quelques minutes avant le début de la guerre.
biographie
Carlos Chahine
Né au Liban en 1959, Carlos Chahine quitte son pays natal en 1975, à cause de la guerre. Après un diplôme de chirurgien dentiste, métier qu’il n’exercera jamais, il découvre le théâtre avec Véra Gregh qui l’encourage à poursuivre une carrière d’acteur. Après des études à l’ENSAD du TNS de Strasbourg, il travaille sous la direction de nombreux metteurs en scène et joue, entre autres, Feydeau, Gogol, Molière, Racine, Shakespeare, Sophocle, Tchekhov, etc.
C’est grâce au cinéma de Ghassan Salhab, avec qui il a tourné trois films, qu’il renoue avec sa terre natale. Depuis 2008, il a réalisé et interprété trois films au Liban, en forme de trilogie familiale dédiée au père, à la mère et à l’enfant : La route du Nord (2008), un film de 25 minutes couronné de nombreux prix français et internationaux, Tchekhov à Beyrouth (2016), un documentaire/essai de 50 minutes, et Le fils du joueur (2018).
Récompensé du Prix du public à Cinemed, à Montpellier, en 2022, La nuit du verre d’eau, son premier long métrage, sort en salles en juin 2023. On peut notamment y retrouver Nathalie Baye.
Vivant en France, il retourne régulièrement au Liban pour y faire des mises en scène de théâtre. Il a créé, dans des nouvelles traductions en arabe/libanais, Le Dieu du carnage de Yasmina Reza, La cerisaie de Tchekhov, Un dîner entre amis de Donald Margulies, et Illusions de Ivan Viripaev.
Critique
Carlos Chahine nourrit son travail de son autobiographie, pour un résultat à la forte puissance fictionnelle. Il apparaît même en personne, à nouveau, dans son propre film, mais se double d’un avatar de fiction. Son héros en culotte courte ne se prénomme pas Carlos, mais, déjà, Karim. Et l’intrigue se déroule dans la ville libanaise de Tripoli – à ne pas confondre avec la capitale homonyme libyenne. Le fils du joueur est le troisième volet de sa trilogie familiale en courts métrages, centrés successivement sur le père (La route du nord, 2008), la mère (Tchekhov à Beyrouth, documentaire de 2016), et l’enfant (Le fils du joueur). Le regard du cinéaste sur un événement fondateur de son enfance émeut, par l’introspection mélancolique et la séparation si loin si proche, qui attend tapie dans l’ombre de cette reconstitution tournée plus de quarante ans après les faits réels.
Alors que son premier long métrage, La nuit du verre d’eau, sort ce 14 juin 2023 en salles et se concentre sur un Liban en pleine mutation, en 1958, cette histoire courte dépeint l’été 1975. C’est l’approche de la guerre civile, qui va faire fuir la famille et séparer le fils du père. Il y a une volonté de renouer avec le passé, et de figer ce qui n’est plus dans le temps de la fiction. Les quelques ralentis n’en résonnent que plus fort, pour raconter ce garçon témoin des tremblements de son histoire familiale, et de la grande Histoire. Un bambin encore concentré sur ses jeux et sur son insouciance. Mais qui déjà, sent, pressent, un univers qui vacille : la vulnérabilité de la mère toute à l’émotion du présent menacé, le détachement du père concentré sur sa partie de cartes avec ses amis. Dans la balade citadine du petit Karim, il y a tout des derniers instants du monde d’avant.
L’émotion est vive tant sur le plan narratif, dans cette déclaration d’amour du fiston à son paternel, que dans la célébration d’une cité peu racontée au cinéma. Tripoli renaît ici à l’écran, alors que sa grande sœur Beyrouth a souvent occupé l’espace de la représentation. Le charme des pierres, des ruelles, des places, des immeubles, surgit progressivement, le long de l’errance où le soleil croise l’ombre du gosse. C’est une douce musique d’enfance, comme un rempart à la guerre. Un baume du souvenir, à l’image du cheminement de ce petit Poucet qui avance sans trop savoir où va le conduire sa mission de ramener son papa à la maison. À travers ce récit personnel, intime, l’acteur et réalisateur Carlos Chahine, dont le patronyme évoque bien sûr le maître du cinéma égyptien Youssef Chahine, célèbre toutes les racines exilées.
Olivier Pélisson
Réalisation et scénario : Carlos Chahine. Image : Rachel Aoun et Pôl Seif. Montage : Gladys Joujou. Son : Emmanuel Zouki, Corinne Rozenberg et Hervé Buirette. Musique originale : Sharif Sehnaoui. Interprétation : Elie Abou Karam, Carlos Chahine, Toufic Barakat, Serena Chami, Carole El Hajj et Michel Hourani. Production : 13 Productions, Autres rivages et et Né à Beyrouth Films.