
2012 - 13 minutes
France, Canada, Suisse - Animation
Production : Folimage, Folioscope, ONF - Office National du Film du Canada, Nadasdy Film
synopsis
Chine, an 746, sous la dynastie Tang. À cette époque, le pays connaît sa période la plus prospère. L’Empereur Li, grand amateur de femmes, d’art et de musique, possède de nombreuses concubines er sa préférée s’appelle Yang. Alors qu’un grand banquet se prépare en son honneur, l’Empereur, pris dans une partie de go, l’oublie...
biographie
Hefang Wei
Née le 26 juillet 1983, Hefang Wei est une réalisatrice de cinéma d'animation chinoise installée en France, qui pratique la peinture chinoise traditionnelle et la calligraphie depuis l'enfance.
Diplômée des Beaux-Arts de Sichuan, puis de ceux de Cherbourg-Octeville, elle intègre La Poudrière, où elle réalise plusieurs courts métrages, dont Chronique du pont (2010) et Le banquet de la concubine (2012), qui récolte de nombreux prix à l'échelle planétaire (notamment le Prix du jury courts métrages au Festival des films du monde de Montréal).
Elle a travaillé en tant qu'animatrice sur plusieurs films courts (Féroce d'Izù Troin en 2017, Genius Loci d'Adrien Mérigeau en 2019) ou longs (Wardi de Mats Grorud en 2019, L'extraordinaire voyage de Marona en 2020).
En 2023, le nouveau film d'Hefang Wei, Louise et la légende du serpent à plumes, un 26 minutes coproduit par Kazak Productions et Folimage, est distribué en salles au sein d'un programme éponyme par Gebeka Films, complété de Lion bleu de Zoïa Trofimova.
Critique
On ne sait pas grand-chose sur la jeune réalisatrice d’origine chinoise, Hefang Wei, sinon que, passée par l’école d’animation de la Poudrière, elle y a réalisé trois courts métrages, dont Le banquet de la concubine en 2012, un film couronné de prix et présenté dans de nombreux festivals. Après ce coup de maître, Hefang Wei s’est attelée à un projet au long cours, Louise et la légende du serpent à plumes, moyen métrage distribué par Gebeka Films en février 2023.
Avec Le banquet de la concubine, Hefang Wei signe un film d’animation hors normes, puisqu’en son centre se trouve une séquence sensuelle, teintée d’un onirisme lubrique et triste. Film d’animation réservé aux adultes, donc, Le banquet de la concubine est l’adaptation en format court d’un grand classique de l’opéra de Pékin ; “théâtre” qui – historiquement – réunissait sur scène chants, musiques, mimes, danses, acrobaties et même jongleries, et dont les choix de mise en scène, à l’opposé de l’esthétique française, prenait le parti de l’artificialité (1).
L’action se situe en Chine, sous la dynastie Tang, en 746. Le récit que Wei a choisi d’illustrer est un petit moment, un fragment sans histoire de l’Histoire. Lors du banquet donné en son honneur, Yang, la concubine préférée de l’empereur, une concubine au sort envié par ses paires, va être saisie d’un accès de colère provoqué par une double attente : celle des litchis qui doivent lui être livrés pour son banquet, et celle de l’Empereur – l’ingrat est occupé à cette heure par les charmes d’une autre femme, future ou ex-énième concubine, on ne sait. Informée de l’activité du souverain et de l’absence de ses fruits de la passion préférés, l’esprit de Yang s’agite. L’alcool, une rivière dans son verre, déforme sa vision, échauffe sa passion. Le centre du film met en scène sa folie, sa fureur, entre rêverie érotique et duel terrifiant. Scène en forme d’acmé, point culminant, triste et sensuel, où l’on ne sait plus si Yang est encore Yang, ou bien si elle affronte son double, l’image fantôme de ses fantasmes.
L’une des belles idées du film est de ne rien donner à l’interprétation symbolique du fruit (même Google ignore si le litchi est sexuel et c’est tant mieux), mais de faire de cette double attente une voie ouverte vers la folie. Inspirée par les estampes japonaises du XVIIIe siècle, cette animation de dessin sur papier s’éloigne de tout réalisme, au profit d’un monde aux formes rondes et longilignes, schématisées et poétisées, toutes voisinant entre elles dans un cadre scope spectaculaire, rectangulaire, duquel toute profondeur de champ est absente, ou pour le dire autrement, où tous les personnages se retrouvent presque sur le même plan. Cette mise en scène “plate”, sans distance ni perspective, évoque non seulement l’artifice des rêves de gloire, de bonheur, de sensualité, de sexualité de la concubine, mais également toute la théâtralité du pouvoir : entre pulsion du plaisir et pulsion de mort.
Donald James
1. Jacques Pimpaneau, Chine. Histoire de la littérature, éditions Philippe Piquier, 1989.
Réalisation et scénario : Hefang Wei. Animation : Marc Robinet, Hefang Wei et Laurent Repiton. Montage : Hervé Guichard. Son : Loïc Moniotte et Pierre-Yves Drapeau. Musique originale : Normand Roger, Denis Chartrand et Pierre Yves Drapeau. Voix : Xi Wang, Bin Yin, Ye Tian, Dehui Zhang, Shuyu Li, Jie Xiong, Zaoer Tu et Yunyun Gu. Production : Folimage, Folioscope, Office national du film du Canada (ONF) et Nadasdy Film.