
2015 - 24 minutes
France - Fiction
Production : Les Films du Worso
synopsis
Jean-Philippe se reconstruit enfin depuis qu’il sort avec Lana. Mais au moment des présentations avec son fils Morgan, ce dernier découvre que Lana est une ancienne star du porno.
biographie
Julien Guetta
Diplômé de la Fémis (département scénario) en 2009, Julien Guetta a réalisé plusieurs courts métrages remarqués, en l'occurrence Le vacant (en compétition à Clermont-Ferrand en 2011), Les ventres vides ou encore Lana Del Roy, produit par les Films du Worso.
Il collabore aussi à l’écriture du scénario de plusieurs longs métrages, notamment Le petit locataire, réalisé par Nadège Loiseau en 2016, et Joueurs de Marie Monge, sélectionné à la Quinzaine des réalisateurs, à Cannes, en 2018.
Lauréat d’Émergence en 2017, il écrit et réalise son premier long métrage, Roulez jeunesse, interprété par Éric Judor et Laure Calamy et sorti au cinéma à l'été 2018.
Il continue à coécrire des films courts d'autres réalisateurs – le césarisé Les petites mains de Rémi Allier en 2017, Las cruces de Nicolas Boone en 2018 – et mène à bien un deuxième long : Les cadors.
Réunissant Jean-Paul Rouve, Grégoire Ludig, Michel Blanc et Marie Gillain, le film débarque sur les grands écrans de l'Hexagone le 11 janvier 2023.
Critique
Morgan attend le retour de son père avec fébrilité. Telle une figure paternelle inversée, il le questionne sur ses sorties nocturnes et ses fréquentations. Aurait-il rencontré une nouvelle femme ?
Lana Del Roy s'inscrit dans la tradition des films sur un père et un fils, sans mère dans l'équation familiale – un duo souvent dysfonctionnel, mais attachant dans son incomplétude.
Le cinéma de Julien Guetta s’arrime autour de paradigmes familiaux. Dans Roulez Jeunesse, Alex (Éric Judor) se retrouvait malgré lui père de substitution, complètement largué, dans un récit d'apprentissage loufoque. Et dans Les cadors, deux frères diamétralement opposés se rejoignent dans un contexte de deuil et vont peu à peu apprendre à s'apprivoiser.
Dans les premiers instants de Lana Del Roy, le jeune Morgan apprend à connaître ce nouveau visage, ce corps étranger qu'est Christine, tandis qu'en fond, son père Jean-Philippe chante le titre iconique d'Alain Bashung Vertige de l'amour, aux paroles à tiroirs et aux multiples sens, qui aborde la complexité et les nuances du sentiment amoureux. Lors de leur conversation, Christine lui conseille de capter et de tenir le regard d'une fille tant convoitée à l'école. Lana Del Roy porte d'ailleurs une réflexion sur les regards : dans une séquence de masturbation collective entre amis, à l'ambiance fantasmatique et langoureuse, les jeunes garçons tombent sur une vidéo pornographique impliquant Christine ! Cette image est une déflagration, puisqu'elle infiltre et diffracte le réel. La construction de soi, à un âge où tout n'est que représentation, est mise à mal par ces visions que l'on peine à décrypter adolescent.
Pour parler de ce bouillonnement propre à l'adolescence, Julien Guetta use de nombreux motifs du teen-movie, lorgnant sur les questionnements liés à la pornographie (The Girl Next Door) dans sa dimension légère, mais aussi plus sérieuse – comme la difficulté de grandir dans un monde pétri de signaux contradictoires. Entre les virées à vélo et les railleries des camarades à l'école, le film est mâtiné de réflexions féministes (“Tu peux être féministe et kiffer le porno…”).
Lors de ce cheminement accidenté et tumultueux, Morgan apprendra que le regard n'est ni une action de soumission (faire baisser les yeux), ni de jugement, mais un signe d'acceptation et de tendresse. Voir les autres tels qu'ils sont et peut-être faire taire les colères masculinistes pour se raccommoder un tant soi peu.
William Le Personnic
Réalisation : Julien Guetta. Scénario : Julien Guetta et Marianne Rapegno. Image : Mathieu Plainfossé. Montage : Frédéric Baillehaiche. Son : Mathieu Vilien, Claire Cahu et Aymeric Dupas. Interprétation : Oscar Pessans, Joan Pierson, Isabelle Didier, Carl Rubira, Raphaël Scott, Louis Pottier et Cécile Baissas. Production : Les Films du Worso.