Extrait
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La ventrière

Anne-Sophie Bailly

2021 - 28 minutes

France - Fiction

Production : La fémis

synopsis

Dans le Jura français, la fin d’une époque médiévale épurée et fantasmée, Else, sage-femme herboriste, et Nicole, sa jeune apprentie, sont interrompues dans leur pratique quotidienne. Un inconnu à cheval demande à rassembler toutes les femmes du village dans l’église.

Anne-Sophie Bailly

Anne-Sophie Bailly est née en 1990 et a grandi en Franche-Comté, dans la région de Pontarlier. Elle débute en tant que comédienne au théâtre et au cinéma avant d’intégrer le département réalisation de la Fémis en 2017.

Elle y réalise plusieurs courts métrages entre 2018 et 2021, naviguant entre le documentaire (En travail en 2019) et la fiction. Ses films sont marqués par un goût pour la mise en scène de groupes et les thématiques du soin, de la maternité, de la filiation er de la transmission. Son court métrage de fin d'études, La ventrière (2021), est pétri de ces obsessions. Il est sélectionné dans plus de quarante festivals à travers le monde, de la France (Clermont-Ferrand, Poitiers, Contis, Fenêtres sur courts à Dijon, Paris Courts devant, etc.) jusqu'aux États-Unis (Telluride, le Colcoa à Los Angeles, etc.), remportant une dizaine de prix au total.

En parallèle de la réalisation, elle co-écrit plusieurs scénarios comme celui du Procès du chien de Laetitia Dosch, sélectionné en 2024 à Cannes dans la section Un certain regard.

Son premier long métrage, Mon inséparable, mettant en scène Laure Calamy et les jeunes Charles Peccia-Galletto et Julie Froger, fait sa première en compétition Orizzonti à la Mostra de Venise 2024. Il y décroche trois récompenses : le “Premio Film Impresa”, le Prix “Sorriso diverso” du meilleur film étranger et le Prix “Autrici under 40”.

Critique

Quelque part dans le Jura, à la fin du Moyen-Âge, une sage-femme herboriste, Elsa (Pauline Lorillard), et sa jeune apprentie, Nicole (Romane Parc), prodiguent des soins aux femmes du village. Alors qu’elles sont en train d’accoucher l’une d’entre elles, les guérisseuses sont interrompues par un homme. Cavalier noir sur son cheval comme sorti des ténèbres, il les oblige, elles et leurs semblables, à se retrancher dans une église bientôt close. Son dessin : démasquer une potentielle sorcière. Anne-Sophie Bailly est née en Franche-Comté, sur les mêmes terres qu’arpentent ses héroïnes. Le territoire est historiquement l’un des premiers à avoir organisé ces chasses aux sorcières, aux déviantes, aux folles accusées de tous les maux – ici de la mort accidentelle d’une future mère – et de tous les vices. 

Pour mettre en scène cette ancestrale misogynie pas si ancienne – le film met à jour sous ses bures épaisses un peu de notre présent –, Anne-Sophie Bailly fait confiance à l’épure et au silence, mais aussi à l’irruption naturelle du rire chez les victimes, comme révélateur de l’absurdité en cours. Composée d’une poignée de séquences, réparties en peu de lieux, La ventrière diffuse une tension latente, renforcée tantôt par l’asphyxie progressive du huis clos, tantôt par la rudesse de son décor austère, paysages décharnés et venteux que l’environnement sonore rend palpable et inquiet. L’opposition entre le dehors et le dedans suffit à dire le peu de place faite à ces personnages féminins auquel le film rend grâce, la négation de leur existence cadenassée entre la douleur de l’enfantement et l’intransigeance du patriarcat. En 2019, Anne-Sophie Bailly filmait déjà, dans En travail, les gestes de soins prodigués par de jeunes sage-femmes et internes en obstétrique à la maternité de Montreuil. Malgré leur temporalité éloignée, les deux films se regardent comme de proches amis. Dans La ventrière, la sorcellerie longtemps montrée comme une pratique occulte, sous le prisme déformé du conte, se révèle comme dans une dimension d’expertise. C’est toute la subtilité du film, tout en clair-obscur, que de rétablir cette vérité et d’inscrire dans le regard désemparé mais déterminé d’une jeune apprentie le crépitement, d’un savoir transmis et, avec lui, la possibilité d’une révolte. 

Marilou Duponchel 

Réalisation : Anne-Sophie Bailly. Scénario : Anne-Sophie Bailly, Léna Mardi et Perrine Prost. Image : Nader Chalhoub. Montage : Quentin Sombsthay. Son : Tom Nollet et Lucas Salamon. Musique originale : Jean Thévenin et Pierre-Louis Clairin. Interprétation : Pauline Lorillard, Romane Parc, Grégory Gagnol, Juliette Savary et Émilie Incerti Formentini. Production : La Fémis.

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