2023 - 21 minutes
France - Fiction
Production : Melodrama
synopsis
Alfredo, jeune étudiant italien, file à vélo dans les rues de la ville lorsqu’il est surpris par un orage. Cherchant à s’abriter, il est attiré par l’étrange appel émanant d’un cinéma porno qui semble sorti d’un autre temps…
biographie
Julian McKinnon
Julian McKinnon (Italie/Royaume-Uni, 1986) est scénariste et réalisateur basé à Marseille. Il a coécrit le court-métrage Héroïnes d'Astré Desrives, Grand prix du festival Chéries-Chéris en 2023. Son court-métrage La vedova nera (2023), coécrit et coréalisé avec fiume, a été présenté en première au Festival de Locarno en 2023. Il a ensuite écrit et réalisé Blanquette de veau, lauréat du concours de séries courtes "5x2", organisé par le GREC (Groupe de recherches et d'essais cinématographiques) en partenariat avec la Cinémathèque de Grenoble et France 2.
Parallèlement à son activité de cinéaste, il travaille dans la programmation et la coordination de projets culturels. Après avoir collaboré avec le Mucem et la Fondation Camargo, il est aujourd'hui rattaché au Laboratoire d’Études en Sciences des Arts d’Aix-Marseille Université, où il coordonne un projet de recherche, de création et d’action sur la polyvocalité et les communautés patrimoniales, incluant un film documentaire réalisé en collectif.
fiume
Réalisateur et activiste, fiume – à écrire sans F majuscule – fait depuis le début des années 2010 des films militants, de documentaire ou de fiction, souvent bricolés en vidéo sur la base d'archives préexistantes. Citons à ce titre Pornation (2012), Vos papiers (2013) ou encore Deep Outside (2017).
Son premier court métrage produit par Bathysphère et MB17, Héroïnes (2022), Grand prix du festival Chéries-Chéris en 2023, relate la résistance insensée de Claude Cahun et Marcel Moore à Jersey durant la Seconde Guerre mondiale. Il le signe sous le nom d'Astré Desrives et Julian McKinnon en est le coscénariste.
Le duo se reforme sur le giallo La vedova nera, réalisé à quatre mains, et fiume confirme son goût particulier pour le cinéma de genre en préparant un court métrage d'anticipation et un long métrage horrifique.
Critique
On ne saura jamais s’il a rêvé, Alfredo… L’étudiant italien songeur dont le beau visage s’affiche plein cadre à la première minute du film, regardant (ou imaginant) un papillon en gros plan. Il est peut-être aussi lui-même ce papillon susceptible de disparaître à tout moment.
Alors qu’il rentre chez lui le soir à vélo, Alfredo chute lourdement et ne trouve alors comme abri qu’un étrange cinéma porno dont il risque bien de rester prisonnier. “Une petite biche blessée” : c’est ainsi que l’appelle alors un projectionniste qu’il est difficile de ne pas qualifier d’inquiétant (et qui interprété délicieusement par le producteur du film, Aurélien Deseez). Alors qu’il passe du noir du crépuscule à un intérieur étrange où domine le rouge sang et le bleu de l’image mentale d’une “veuve noire” sur le pas de sa porte, Alfredo s’enfonce dans les méandres du cinéma, sur l’écran duquel sont projetés quelques plans solaires confrontant le même personnage féminin en deuil à un jeune homme roux et chevelu.
Au fil de ce court métrage où les séquences oniriques se succèdent, fiume et Julian McKinnon réussissent à construire autant un giallo somnambulique aux références multiples qu’un film queer hallucinatoire où le désir homosexuel se conjugue à la terreur. Les spectateurs/voyeurs du cinéma deviennent progressivement des fantômes ou des zombies, entourant la danse macabre d’Alfredo qui, impuissant regarde lui-même, sur l’écran, son double de cinéma prisonnier de l’héroïne maléfique, incarnée par Marina de Van, que l’on connait notamment pour la réalisation de ses propres films d’angoisse (Dans ma peau, Dark Touch…). La direction photo de Maxime Berger (connu par ailleurs pour son travail pour les courts Mars exalté, de Jean-Sébastien Chauvin, ou Cœurs perdus, de Frédéric Lavigne) est remarquable dans la manière où il travaille avec justesse la sensorialité, le clair-obscur, la lutte des couleurs où le rouge le dispute au blanc, et la kaléidoscopie expérimentale. Pour jouer avec les codes du thriller nocturne et du film horrifique, inspirés de Lucio Fulci ou de Dario Argento, les cinéastes ont fait aussi le choix de travailler avec Rafael Mathé, formidable chef déco qui réussit à transformer le cinéma Le Gyptis de Marseille en antre de l’horreur, et Jean Charles Bastion, dont la musique rappelle aussi bien celle de Goblin que celle de John Carpenter pour ses longs métrages.
Reverra-t-on un jour, Alfredo, dans son hoodie noir, contemplant les papillons dans la salle d’étude de son campus ? Rien n’est moins sûr, car réelle ou fantasmée, la “vedova nera” pourrait bien le dévorer.
Bernard Payen
Réalisation et scénario : Julian McKinnon et fiume. Image : Maxime Berger. Montage : Adrien Lhoste. Son : Colin Prum, Armin Reiland et Jean-Charles Bastion. Musique originale : Jean-Charles Bastion. Interprétation : Siro Perdozzi, Marina De Van, Ifig Brouard, Aurélien Deseez, Guilhem Chamboredon et Frédéric Morin. Production : Melodrama.