
La meuf de Jay
Lola Lefèvre
2023 - 4 minutes
Animation
Production : La Poudrière, école du film d’animation
synopsis
La fête bat son plein. Nina n’a qu’un objectif dans cette soirée : la terminer avec Jay. C’est sans compter sur la présence de Louise.
biographie
Lola Lefèvre
Lola Lefèvre est sortie diplômée de l'Atelier supérieur d'animation à l'Atelier de Sèvres en 2021 avec Maman, il a quoi le chien ? Ce film de fin d'études de 7 minutes a été présenté dans plusieurs festivals internationaux importants, comme Anim'Est, Animatou (à Genève), Hiroshima, Inteffilm (à Berlin) ou encore, côté français, Clermont-Ferrand (en section parallèle) et Premiers plans, à Angers.
Elle a ensuite intégré La Poudrière, à Valence, où elle a réalisé en 2023 La meuf de Jay, à nouveau bien accueilli dans les festivals (Anima à Bruxelles, Meknès, Ottawa, etc.). Ye Kou Si Kuo, clip pour Naive New Beaters (feat. Star Féminine Band), suit et remporte le Cristal pour un film de commande au Festival d'Annecy en 2025.
Lola Lefèvre a aussi signé un épisode des “Short Cuts” de l'émission Court-circuit d'Arte sur le film Titane de Julia Ducournau.
Critique
Lors de son cursus à l’Atelier de Sèvres, Lola Lefèvre s’était fait remarquer avec Maman, il a quoi le chien ? (2021), un film étonnant et détonnant sur les premiers émois d’une pré-ado de 11 ans confrontée au comportement étrange de son chien – et à un chou-fleur ! Le film lui avait alors valu une mention du jury des films de fin d’études au Festival d’Annecy. Deux ans plus tard, désormais étudiante à la Poudrière, la réalisatrice change de registre, mais pas complétement de style, avec La meuf de Jay, instantané ultra contemporain qui esquisse avec justesse les contours d’une rencontre amoureuse. Lors d’une soirée, Nina est décidée à tout mettre en œuvre pour terminer la nuit avec Jay. Mais lorsqu’elle le voit en train de danser de façon suggestive avec Louise, tout s’effondre. À moins que tout ne bascule. Car dans la lumière, au milieu de la piste, cadré en gros plan, le visage de Louise irradie. La “caméra” suit le regard de Nina, qui la déshabille du regard. Sous le choc. Mais de qui est-elle la plus jalouse ?
Tirant le meilleur parti des contraintes de durée imposées par son école (4 minutes seulement), Lola Lefèvre invente une histoire ténue qui joue autant sur le non-dit que sur le hors champ. À partir d’une situation extrêmement banale, elle met surtout en scène le champ des possibles qui s’ouvre pour son personnage, et laisse le spectateur extrapoler la suite. En se concentrant ainsi sur la rencontre des deux jeunes femmes (avec une très jolie collision, au sens propre du terme, qui permet une insolite chorégraphie des corps dans un banal décor de toilettes publiques), elle propose un film cohérent et complet, qui ne donne pas la sensation d’être inachevé ou expéditif.
Au contraire, en jouant sur les lieux et les éclairages, la réalisatrice parvient à camper chaque situation en un ou deux plans, à grands renforts d’idées visuelles venant contrebalancer la modestie des moyens. Lorsque, par exemple, Nina parle avec Jay, tous deux sont seuls dans le cadre et leur langage corporel parle pour eux : Nina, toute en séduction avec ses grands yeux fixés sur le jeune homme. Lui, surjouant une coolitude un peu indifférente, les mains dans les poches. Un seul plan suffit ensuite à souligner le rapport de force, avec Jay qui a tourné les talons sans se retourner, et la jeune femme qui lui court littéralement après.
Même chose avec les séquences suivantes, qui captent l’ambiance de la salle (lumières, musique, corps anonymes qui bougent en rythme), puis des toilettes (lumière plus crue, calme soudain, forme d’intimité qui se crée entre les deux femmes), avant le grand moment de bravoure : la danse électrique de Nina, façon parade amoureuse, les paillettes de son corps brillant de mille feux, tandis que les silhouettes autour d’elles semblent autant d’éclairages au néon roses.
L’épilogue, dans le petit matin blafard, hésite entre redescente morne et douceur, renouant avec une certaine forme de naturalisme et laissant l’avenir en suspens. Quoi qu’il arrive par la suite, cette nuit restera, fugitivement, mais indélébilement inoubliable.
Marie-Pauline Mollaret
Réalisation et scénario : Lola Lefèvre. Montage : Billie Belin et Suzanne Van Boxsom. Son : Pierre Sauze. Musique originale : Eliott Delafosse. Voix : Chloé Farr, Clément Deboeuf et Lauryne Lopes de Pina. Production : La Poudrière, école du film d'animation.