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La machine d’Alex

Mael Le Mée

2022 - 26 minutes

France, Belgique - Fiction

Production : Bobi Lux, Naoko Films

synopsis

Alex est la seule fille de sa promo de BTS “biomécanique automobile”. Pour son examen de diplôme, elle a choisi de construire un moteur en chair artificielle. Une nuit, Chloé, qui partage sa chambre d’internat, découvre qu’Alex prend un plaisir singulier à travailler sur sa machine vivante...

Mael Le Mée

Né en 1977, Mael Le Mée est titulaire d’un master de recherche en cinéma et s’intéresse plus particulièrement aux relations entre science, fiction, art et technologie. Depuis 2003, il a pu mêler ces différentes disciplines au travers de performances présentées au Palais de Tokyo et à la Gaîté Lyrique, à Paris.

En 2017, il s'est tourné vers le cinéma en réalisant Aurore, un premier court métrage fantastique prenant pour thème la découverte de la sexualité. Ce dernier devait remporter le Prix du meilleur film au Festival international de films Fantasia, au Canada, l’année suivante.

Renouant en 2018 avec l’art contemporain, en mettant en scène Cockpit, un spectacle autobiographique et multiforme entre conférence et performance multimédia, il est également l’auteur de plusieurs épisodes de série, ayant aussi exercé en tant que journaliste, spécialisé en animation et en images numériques.

En 2022, Mael Le Mée a réitéré dans le genre fantastique avec La machine d'Alex, qui a décroché le Méliès d'argent au prestigieux Festival de Sitges, en Catalogne, ainsi que le Grand prix de la compétition internationale au Brussels Short Film Festival 2023. Il figurait en outre parmi les 24 titres en sélection pour le César 2024 du meilleur court métrage de fiction.

Le réalisateur développe parallèlement son premier long métrage, à nouveau produit par Bobi Lux : Incarnation.

Critique

La machine d’Alex s’ouvre sur le plan d’un moteur que l’on déboulonne et qui déverse son huile verte, épaisse. L’image granuleuse et les effets spéciaux artisanaux convoquent immédiatement des souvenirs des années 1990, entre Flubber et eXistenZ. Alex est étudiante en biomécanique automobile. On ne sait pas si ses cours de pratique se donnent dans un garage ou dans un hôpital. Ni l’un ni l’autre, ou les deux à la fois. Il s’agit en effet de manipuler de la chair artificielle, pour la réparer et la soigner. La nuit, Alex se rend en douce dans l’atelier pour bidouiller sa machine vivante. Elle trouve avec elle un refuge, une sexualité secrète au contact de ces organes qui vrombissent et palpitent. Alex emmène avec elle sa camarade de chambrée d’internat, avec qui elle va poursuivre ces expérimentations du désir féminin.

La machine d’Alex entretient des liens évident avec Titane de Julia Ducournau (2021), dans cet appétit pour l’hybridation entre bagnole et chair, et qui tente lui aussi de faire cohabiter l’organique et la tôle. Mais c’est aussi et surtout à David Cronenberg que l’on pense, dont l’œuvre irrigue toute l’inquiétante fascination que le court métrage de Mael Le Mée tente d’exercer en à peine trente minutes. Crash (1996), évidemment, résonne en particulier et avec clarté, mais c’est globalement toute l’obsession du cinéaste canadien pour la science-fiction corporelle qui semble ici réinjectée dans un quasi huis clos. Une seule pièce où s’écrit une nouvelle manière de prendre plaisir, par la greffe même.

Le film est ainsi régulièrement traversé par des gros plans sur la chair en mouvement, des entrailles pourpres superbement éclairées, amas de tendons et de cœurs difformes battants dans des cris étouffés. Des doigts caressent les plis visqueux des organes de synthèse et on se colle à la machine comme à un sex toy dont il faut paramétrer les stimulations du plaisir. Cette épopée de la masturbation n’est pas seulement le moyen de trouver la jouissance la plus immédiate ni la plus forte. Elle est aussi celle d’une libération orgasmique, entravée par une figure masculine incapable d’accepter qu’il puisse être mis sur la touche et ne cautionne aucune clandestinité du désir. “Merci de laisser rentrer les monstres”, nous disait Julia Ducournau. Mael Le Mée aurait pu ajouter : “...et de laisser sortir les hommes”.

Arnaud Hallet

Réalisation et scénario : Mael Le Mée. Image : Arnaud Alberola. Montage : Aurélien Guégan. Son : Thibaut Sichet, Bert Aerts et Senjan Jansen. Musique originale : Senjan Jansen. Interprétation : Lomane De Dietrich, Manon Drugmant, Rio Vega et Nicolas Wanczycki. Production : Bobi Lux et Naoko Films.

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