
2008 - 22 minutes
France - Fiction
Production : Crescendo Media Films
synopsis
Monsieur Conforme, gérant du magasin de reprographie Copie Conforme, vit depuis trente ans dans le souvenir d’une femme disparue. Virginie, sa jeune assistante, décide de prendre les choses en main et affiche un avis de recherche sur les murs de la ville.
biographie
Nicolas Engel
Né en 1980, Nicolas Engel a grandi en Charente-Maritime, puis à Hong Kong et à Londres, où il a développé un goût prononcé pour la comédie musicale.
Diplômé de cinéma à la Sorbonne Nouvelle et à Marne-la-Vallée, il se lance en 2005 dans la réalisation avec un premier court métrage musical, Les voiliers du Luxembourg. Celui-ci remporte alors le Prix de la presse à “Un festival, c’est trop court !”, à Nice, tout en se voyant sélectionné dans de nombreux festivals.
En 2008, son second film chanté réunit Serge Riaboukine et la chanteuse Jeanne Cherhal : La copie de Coralie est présenté en compétition à la Semaine de la critique et connaît depuis une belle carrière avec plus de quarante sélections en festivals internationaux et plusieurs autres récompenses.
L'année suivante, Nicolas Engel tourne Le crocodile du Dniepr à Kiev dans le cadre de la Collection “Écrire pour…” de Canal+. Il y dirige Lou Doillon, entourée d'un groupe de comédiens ukrainiens. Il enchaîne en 2011 avec un nouveau film musical, Les pseudonymes, qui est triplement récompensé au Festival La Cabina de Valence en Espagne. Il travaille alors aussi à un projet de premier long métrage, qui n'aboutira pas.
Il se tourne alors vers l'adaptation en français de comédies musicales comme Grease (jouée au Théâtre Mogador en 2017), Chicago (2018), Le fantôme de l'opéra (2018-2020) et Les producteurs (2021).
Il revient au format court avec Les mots croisés (2020) et Déjà-vue (2022), tous deux produits par Topshot Films. Il cosigne en 2024 avec Nicolas Birkenstock un documentaire de 52 minutes : Les sirènes de Dieppe.
Critique
Dans la ville grise, une fusée rose. Virginie est en retard. Elle fonce en scooter dans les rues qui annoncent un spectacle à venir : Une femme. Pour l’instant, la femme, c’est elle. Virginie, employée d’un magasin de photocopies où se déroule le ballet du quotidien des clients habituels. Du dragueur à l’amoureuse, ces derniers ont rendez-vous de manière consciente ou non avec une forme d’intimité – même ces jeunes, au fond de la boutique, qui s’amusent et, croit savoir Virginie, placent avec malice leurs “parties” sur les machines à photocopies !
Dans cette boutique où l’on reproduit, l’enfance renaît ; la mémoire des histoires d’amour se reconstruit. Les clients-abeilles entourent Virginie et son patron, monsieur Conforme, prêts à accueillir, voire commenter son histoire de cœur, au centre du film. Conforme a en effet ouvert cette boutique dans un ancien café où il avait donné rendez-vous à une femme rencontrée par hasard dans un train. La femme de sa vie, peut-être. Peu importe que trente ans se soient écoulés et qu’il ne l’ait jamais revue. Ou peut-être si, cela lui importe d’être hanté par cette mélancolie des rendez-vous manqués qui ne demande qu’à se dérouler.
À l’instar de Jacques Demy, mais sans que la référence évidente ne soit écrasante, Nicolas Engel, pour son deuxième court métrage après Les voiliers du Luxembourg, affichait là sa volonté de réenchanter le quotidien. En redonnant des couleurs à l’ordinaire, en libérant les jeux de mots (“Copie Conforme”, le nom de la boutique) et donnant une couleur musicale aux dialogues (“prenez la dix, 45 copies ça fait deux six”), en faisant surgir dans une émotion vibrante une parole chantée, en amplifiant et transformant les sons du quotidien pour en faire la bande-son d’une vie un peu fêlée. Des sons mécaniques, organiques, mélodieux ou disgracieux pour marquer l’évolution des sentiments.
Et les chansons bien sûr, tout d’abord celle où Conforme se raconte, accompagné de Virginie. Avant que n’entre en scène l’apparition (“Une femme ? C’est moi ! / C’est vous ?”) d’une inconnue aimée sur un coup de foudre et disparue, réinventée sous la forme d’une comédienne de passage pour le spectacle dans la ville. Et que n’arrive la deuxième chanson (“Si vous voulez faire un tour sur le manège de l’amour…”), duo entre Conforme et une Coralie rêvée. Pour interpréter ces personnages sur le fil, Nicolas Engel choisit l’équilibre de la sensibilité d’un homme massif au chant hésitant avec Serge Riaboukine, l’innocence du premier jeu pour la chanteuse Jeanne Cherhal (Virginie) et la si bouleversante légèreté grave de Juliette Laurent pour incarner Coralie.
À la douceur inquiète du temps qui passe, sujet de ce film réalisé en 2007, se superpose aujourd’hui, pour tous ceux qui l’ont découvert à l’époque, le souvenir encore très présent de la beauté d’une œuvre instantanée et éphémère, qui célèbre le frôlement des âmes.
Bernard Payen
Réalisation et scénario : Nicolas Engel. Image : Lionel Perrin. Montage : Nassim Gordji-Tehrani. Son : Claire-Anne Largeron et Laure Arto. Musique originale : Philippe Poirier. Interprétation : Serge Riaboukine, Jeanne Cherhal, Juliette Laurent, Christine Brücher, Jean-Pierre Gagnaire, Patrick Fertey, Joël Pyrène, Maïa Commère et Martine Ladoire. Production : Crescendo Media Films.