2021 - 15 minutes
France - Fiction
Production : GoGoGo Films, De films en aiguille
synopsis
Julia, professeure d’histoire expérimentée dans un lycée plutôt tranquille, est face à un inspecteur de l’Éducation nationale. Il veut lui parler. Mais de quoi en réalité ? De ses rapports houleux avec le proviseur ? Des libertés qu’elle prend avec le programme ? Ou de sa manière d’enseigner la Shoah?
biographie
Caroline Brami
Caroline Brami n'est à l'origine pas réalisatrice de cinéma, mais enseignante en lettres, depuis le début des années 1990. Elle avait auparavant étudié à la Sorbonne.
Afin de témoigner de sa propre expérience de prof et illustrer les changements de son métiers, elle a cosigné en 2021 un court métrage avec Frédéric Bas, L'inspection, interprété par Florence Janas et Patrick d'Assumçao. Le film a été sélectionné dans de très nombreux festivals en France (Clermont-Ferrand, Gindou, Les Arcs, Lille, Format court à Paris, Trouville, etc.) et à l'étranger (Cleveland, le Colcoa à Los Angeles, Namur, Tübingen-Stuttgart…).
Il a valu à sa comédienne le Prix d'interprétation féminine au Festival du film court de Villeurbanne, remportant également le Prix Grand Action et le Prix RTBF aux Prix Unifrance du court métrage en 2021.
Frédéric Bas
Frédéric Bas est historien de formation. Il a réalisé plusieurs documentaires radiophoniques pour France Culture, notamment une série de cinq heures sur l’imaginaire des chasses en Afrique. Il a écrit sur le cinéma pour la revue Chronicart et réalisé des films pour le site Camera Lucida.
Après un moyen métrage documentaire sur le sujet de la Shoah, Un trou de mémoire, en 2007, il a cosigné en 2021 un court métrage avec Caroline Brami, L'inspection, interprété par Florence Janas et Patrick d'Assumçao. Le film a été sélectionné dans de très nombreux festivals en France (Clermont-Ferrand, Gindou, Les Arcs, Lille, Format court à Paris, Trouville, etc.) et à l'étranger (Cleveland, le Colcoa à Los Angeles, Namur, Tübingen-Stuttgart…).
Il a valu à sa comédienne le Prix d'interprétation féminine au Festival du film court de Villeurbanne, remportant également le Prix Grand Action et le Prix RTBF aux Prix Unifrance du court métrage en 2021.
Critique
La salle de cours est vide. N’y demeurent que les deux protagonistes : une professeure d’histoire-géographie et un inspecteur de l’Éducation nationale. Le film raconte leur face-à-face et tire sa singularité de ce positionnement en décalage d’enjeux dramatiques qui ne seront dévoilés qu’a posteriori. Que s’est-il passé ? Quelle est cette tension sous-jacente qu’abritent d’abord leurs échanges polis ?
Là où d’autres auraient choisi d’envisager cette confrontation comme un troisième acte, de donner plus d’ampleur au récit (avec son lot de scènes de classe face aux lycéens), les cinéastes s’en remettent à la parole. Celle, justement, que la rumeur a confisquée. Celle, surtout, de la femme mise en cause, qui va livrer sa version des faits et sur laquelle la caméra restera majoritairement braquée.
Que ce parti pris minimaliste et bienvenu tienne peut-être à des impératifs de production importe peu. Il matérialise à nos yeux où pourrait se situer la frontière, en matière d’œuvre "sociétale", entre cinéma et téléfilm. Il permet aussi de pointer comment aujourd’hui le corps professoral peut être scruté, livré à la vindicte des réseaux sociaux ou des parents d’élèves, à quel point il faut rendre des comptes, voire s’autocensurer en livrant un récit affadi des maux les plus traumatisants (ici, la Shoah). Que le film résonne de manière évidente avec le triste sort d’un certain professeur d’histoire-géographie en France en 2020 n’est sans doute pas un hasard et d’aucuns lui auront reproché cette part didactique que la mise en scène, agencement de subtils champs/contrechamps, ne renie pas.
Si la caméra scrute Julia (Florence Janas étonnante de justesse là où des tics de jeu un peu appuyés auraient pu tout gâcher), c’est moins pour la tenir en joue et redoubler l’accusation que pour révéler une multiplicité d’émotions auxquelles la situation et l’hypocrisie de l’autorité la confrontent. Tandis que l’inspecteur, incarné par Patrick d’Assumçao, s’exprime majoritairement en off, le visage de l’actrice se pare ainsi de mille nuances de jeu où se mêlent sidération, abattement, colère, désarroi et ironie.
Rien n’est simple ici. Et derrière le constat de la hâte avec laquelle sont survolées certaines pages du programme, quelque chose déraille un peu au fur et à mesure que les cinéastes dressent en creux le portrait d’une femme obstinée. En ménageant cette zone d’inconfort, en suggérant un rapport peut être obsessionnel – ainsi que le sous-entend l’inspecteur – à la Shoah, ils savent, sans se contredire, éviter la pente un peu facile du film à charge et de l’univocité du propos.
Stéphane Kahn
Texte paru dans Bref n°127, 2022.
Réalisation et scénario : Frédéric Bas et Caroline Brami. Image : Martin Rit. Montage : Nicolas Sburlati. Son : Stéphane Gessat, Olivier Voisin et Victor Praud. Interprétation : Florence Janas, Patrick D'Assumçao, Isabelle Brochard et Antoine Caroubi. Production : GoGoGo Films et De films en aiguille.