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L’appartement

Mathias Kupka

2021 - 11 minutes

France - Fiction

Production : Cinémaj Films

synopsis

Julie cherche un logement. Aujourd’hui, elle visite un studio à Paris. Elle connaît la fille de la propriétaire, alors elle pense avoir une chance.

Mathias Kupka

Après plus d’une dizaine d’années d’expériences en régie et production sur des tournages de films, téléfilms ou publicités, Mathias Kupka participe à l’atelier “scénario” de la Fémis en 2015 pour se former à l’écriture dramatique dans le but de poursuivre une carrière d’auteur-réalisateur.

Par la suite, il réalise son premier court métrage, Le passager, avec l’aide du GREC, puis Sauvagerie, en autoproduction.

En 2021, il se lance dans une nouvelle œuvre autoproduite avec L’appartement, son troisième court métrage, qui est sélectionné à Off-courts à Trouville, à “Un festival, c'est trop court !” à Nice et au Festival du film français de Jeju, en Corée du Sud.

Critique

L’appartement est un pas de deux minutieusement orchestré. À la fois scénariste, réalisateur et producteur, Mathias Kupka a pris soin des onze minutes et quelques de sa durée. Quand le générique final apparaît, la boucle du récit est bouclée. Le personnage de Julie est arrivé, puis reparti, dans les rues de Paris. Entre les deux, la visite d’un studio de la Rive gauche. Un rendez-vous banal et crucial à la fois. Banal, car il s’en produit des centaines chaque jour. Crucial, car le présent et le futur proche sont en jeu pour la jeune femme. Lorsque le film lâche son visage en plein Paname, le spectateur reste imprégné d’une tension montée sans crier gare, dans cette fiction qui n’est ni un suspense, ni un polar, mais qui distille progressivement une fébrilité dans la rencontre programmée entre les deux protagonistes. Deux âges, deux milieux, deux vécus, deux visions, deux enjeux. L’entente espérée, cristallisée par cet habitat, va-t-elle vraiment se concrétiser ?

L’unité de lieu dans sa partie majeure, ledit appartement, se joint à une unité de temps, le temps de la visite, dont cette dernière est l’unité d’action. Ce dispositif théâtral, renforcé par le face-à-face entre les deux personnages, installe une rigueur et une précision formelle, qui n’étouffe pourtant pas le film. Car la caméra est mobile, l’échelle des plans et des axes varie, les dialogues sont entrecoupés de silences et rythmés par des regards. Mathias Kupka saisit les grains de peau autant que les palpitations de ses actrices, au service de leur avatar fictionnel. Julie et Sophie expriment toute une gamme d’émotions, contournant la grandiloquence, le ressentiment ou la colère, pour passer de l’enthousiasme au doute, de la surprise à l’inquiétude, de l’amertume à l’opiniâtreté. Une subtilité que Zoé Héran et Elsa Lepoivre servent avec précision et complémentarité. La première par son énergie juvénile, assurée et frémissante. La seconde par son autorité naturelle, de la luminosité à la fermeté.

Cette idée de duo est d’autant plus attachante qu’on a vu grandir Zoé Héran à l’écran depuis Tomboy de Céline Sciamma (2011) et qu’Elsa Lepoivre enchante sur les planches de la Comédie-Française depuis vingt ans. Leur association s’équilibre par le tissage des répliques, des regards, par la scénographie dans l’espace dont on voit peu d’éléments, et par le montage. Tout un art de la fluidité pour raconter le choc de l’affrontement qui ne dit pas son nom, molletonné par la politesse et l’intérêt, entre les milieux sociaux, les jugements et les réflexes de “survie” sociale. Quand les premiers accords des Folies d’Espagne de Lully résonnent, chacune digère la rencontre, la discussion, l’argumentation. Chacune seule avec ses sensations, derrière les vitres du studio sur courette, ou dans la rumeur de la ville. L’appartement diffuse son charme lent après son visionnement. Comme si le réalisateur avait réussi à installer un climat qui perdure au-delà de la bulle de cette fiction au titre si sobre. L’espoir, la dureté, l’amertume et l’absence de cri nourrissent durablement l’esprit.

Olivier Pélisson

Réalisation et scénario : Mathias Kupka. Image : Sébastien Trân. Montage : Tony Horel. Son : Sofia Kuzmenko et Cyril Cole. Interprétation : Zoé Héran et Elsa Lepoivre. Production : Cinémaj Films.

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