
2018 - 28 minutes
France - Fiction
Production : La Fémis
synopsis
Noël 2018. Isabelle Barrère vient d’être nommée à la tête de son parti. Son fils Jupiter, assistant parlementaire, doit ce soir-là assurer la réception d’un cadeau protocolaire unique : le Jambon Ortega.
biographie
Carlos Abascal Peiró
Né en 1991 en Espagne, Carlos Abascal Peiró fait des études de lettres et devient journaliste. Il travaille pour plusieurs médias espagnols à Madrid avant de gagner Paris, où il travaille pour l'équivalent ibérique de l'AFP, et d’intégrer en 2015 le département réalisation de la Fémis. Là, il signe plusieurs courts métrages à la suite entre 2017 et 2020, primés dans divers festivals et diffusés sur France TV ou sur Arte : Jupiter !, Opération Finot et L'empoté
Fils de. est son premier long métrage. Présenté au Festival de cinéma et de musique de film de La Baule et au Festival du film francophone d'Angoulême en 2025, il sort dans la foulée et permet de retrouver quelques habitué(e)s de l'univers du jeune cinéaste, aux côtés de comédien(ne)s aussi illustres que François Cluzet, Alex Lutz et Karin Viard.
Critique
Lauréat du Prix spécial du jury à Clermont-Ferrand en 2019, Jupiter ! de Carlos Abascal Peiró, ancien journaliste formé à la Fémis, est une réjouissante comédie politique qui fait imploser les arcanes du pouvoir avec une trivialité fiévreuse. Le cinéaste imagine un récit aussi simple qu’acide : Jupiter, jeune assistant parlementaire et fils d’une dirigeante fraîchement élue, se retrouve empêtré dans un incident protocolaire ubuesque, la réception d’un jambon Ortega, pièce de luxe pour soirée de Noël cravatée. Ce cadeau diplomatique devient source de chaos, révélant un système où l’obsession des apparences l’emporte sur le sens, où la classe politique se vautre joyeusement dans ses propres cérémonies.
Le film choisit délibérément le fragment plutôt que la fresque. Loin des grandes machines à thèse, Jupiter ! s’attache à un incident microscopique pour dire quelque chose de plus vaste : l’impuissance des institutions face à leurs propres rituels. Tout est sans cesse réajusté avec un grand appétit : les relations de pouvoir, les élans carriéristes, les désirs intimes se redistribuent autour d’une pièce de jambon trimballée d’épaule en épaule. Le film, objet burlesque s’il en est, au découpage heurté, reste vivace et alerte, en scrutant ses personnages qui fourmillent comme des pantins agités, transpirant, gesticulant sans cesse. Cette tension entre ridicule et solennité est portée par une caméra active qui s’avance, resserre l’espace, se fait intrusive. Les plans d’ensemble sont rares : tout est pensé pour enfermer les personnages dans un huis clos oppressant, saturé de signes protocolaires qui s’effondrent un par un.
C’est là que réside la réussite politique du film : Jupiter ! montre que le pouvoir ne se maintient pas seulement par les discours, mais par la gestion minutieuse de ses apparats. Le jambon, fétiche relique et bombe à retardement symbolique, est le dernier apéritif d’un système qui ne se maintient qu’en rejouant sa comédie permanente. Comédie qui n’oublie pas de décrire un lien familial comme miroir du pouvoir : que la politique ne s’écrit pas seulement dans les institutions mais aussi dans les replis intimes, où loyautés et compromissions se confondent. C’est tout à fait épuisant certes, mais hilarant de combativité vaine. Et Carlos Abascal Peiró s’inscrit ainsi dans une nouvelle veine du cinéma politique comique, dont l’émergence promet un possible souffle salutaire.
Arnaud Hallet
Réalisation : Carlos Abascal Peiró. Scénario : Carlos Abascal Peiró et Naïla Guiguet. Image : Julien Saez. Montage : Gabrielle Stemmer. Son : Laura Chelfi, Ange Hubert et Emma Zimny. Interprétation : Ulysse Mengue, Jean-Charles Clichet, Émilie Gavois-Kahn, Nathalie Richard, Octavio Vellón Cortina et Philippe Brigaud. Production : La Fémis.