Extrait
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Junior

Julia Ducournau

2011 - 22 minutes

Fiction

Production : Kazak Productions

synopsis

Justine, dite Junior, 13 ans, des boutons et un sens de l’humour bien à elle, est un garçon manqué un brin misogyne. Alors qu’on lui a diagnostiqué une gastro-entérite fulgurante, le corps de Junior devient le théâtre d’une métamorphose étrange…

Julia Ducournau

Née en 1983 à Paris, Julia Ducournau est diplômée de la section scénario de la Fémis en 2008. En parallèle de cette formation, elle est pigiste pour des magazines comme Transfuge ou Glamour et assistante à la mise en scène.

Junior (2011) est le premier court métrage qu’elle réalise après ses études. Il est sélectionné à la Semaine de la critique du Festival de Cannes et reçoit, de ce même festival, le Prix du rail d’or du meilleur court métrage en plus du Prix du public au festival Premiers plans d’Angers. Son premier long métrage, Grave, se place dans la continuité de Junior, reprenant la même actrice principale et un goût prononcé pour le fantastique. Elle atteste que ses parents – gynécologue et dermatologue – n’ont pas eu une moindre influence sur son intérêt particulier pour le corps, dans son aspect animal, et ses métamorphoses.

Grave sort en salles en 2017 après avoir été honoré du Grand prix et du Prix de la critique au Festival du film fantastique de Gérardmer et sélectionné dans divers festivals internationaux.

Le nouveau film de Julia Ducournau, Titane, dont la sortie est prévue pour l'été 2021, est présenté en compétition officielle au Festival de Cannes.

 

 

Critique

Si Grave a vu sa réputation, volontiers sulfureuse, grossir à partir de sa première mondiale à la Semaine de la critique en 2016, la tonalité du film n’étonna guère ceux qui avaient découvert Julia Ducournau à travers son court métrage Junior, au même endroit cinq ans plus tôt. De nombreuses similitudes rapprochent naturellement les deux films, dont le personnage principal, Justine, est à chaque fois interprété par la jeune Garance Marillier et où le corps et ses transformations non maîtrisées, “monstruosités” et secrétions y compris, trouvent une place capitale, pour une variation lorgnant vers le cinéma de genre, tant fantastique qu’horrifique, sinon carrément gore.

Ce que l’on appréciait avant tout dans Junior, c’était cette volonté de se coltiner à l’adolescence dans ce qu’elle a de moche ou d’écœurant : les boutons gonflés de sébum sur le visage, les cheveux gras, les appareils dentaires où s’accumulent les reliquats du repas... L’âge ingrat tel qu’un Todd Solondz avait pu l’aborder1 ne s’invite pas si fréquemment dans le cinéma français, même dans le court métrage où le motif est pourtant récurrent. Et, loin des lolitas apprêtées, Justine dite Junior apparaissait comme un indécrottable garçon manqué : cheveux tirés et fringues informes, blaguant et rotant avec les copains, faisant le coup de poing à l’occasion... Mais le surcroît d’intérêt de la démarche de la réalisatrice débutante était d’envisager la puberté touchant la gamine de treize ans de manière insolite, selon le Tchernobyl hormonal s’apprêtant à métamorphoser son corps.

Alors que Junior se sent patraque, on lui diagnostique une gastro, et carabinée – pas question de renier le registre scato et potache assumé –, mais il se passe bientôt de drôles de choses sur sa peau, comme une mue, des craquements vraiment angoissants qu’on croirait venus de la première période de la carrière de Cronenberg, expert ès mutations corporelles. L’habileté de Julia Ducournau est d’équilibrer sa narration en revenant vers la comédie à la faveur du retour de Justine guérie dans sa classe. On mesure alors à quel point c’est un changement décisif dans le regard – à la fois celui des autres et celui que l’on porte sur soi-même – qui s’attache étroitement aux bouleversements de l’adolescence. D’un jour à l’autre, rien n’est plus tout à fait pareil et la façon décomplexée de représenter ce voyage sans retour est des plus marquantes.

1. Bienvenue dans l’âge ingrat (Welcome to the Dollhouse en VO) était sorti en 1996.

Christophe Chauville

Réalisation et scénario : Julia Ducournau. Image : Claudine Natkin. Montage : Jean-Christophe Bouzy. Musique : Mathieu Gauriat. Décors : Pascal Regbi. Son : Antoine Corbin, Bruno Reiland  et Ivan Gariel. Interprétation : Garance Marillier, Yacine N'Diaye, Aude Briant et Bernard Blancan. Production : Kazak Productions.

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