
2013 - 23 minutes
France - Fiction
Production : Ecce Films
synopsis
Daniel est un chanteur qui, après avoir connu son heure de gloire, a plongé dans l’oubli. Ne supportant pas d’avoir disparu du devant de la scène, il passe ses journées reclus dans son appartement.
biographie
Ilan Klipper
Né en 1978, Ilan Klipper a commencé par tourner des documentaires. Avec Virgil Vernier, il signe en coréalisation trois films, dont un diptyque de longs métrages : Flics (2008) et Commissariat (2009), suivis en 2011 de Pandore, cette fois-ci sur un format de court métrage. Seul, il réalise Saint-Anne, un documentaire sur la psychiatrie pour la case “Grand format” d'Arte. Il est également l'auteur d’une web-série pour la chaîne culturelle franco-allemande : Les affaires familiales (2013).
Juke-Box (2013) est le fruit de sa rencontre avec le chanteur Christophe. Le film est sélectionné au Festival Tous Courts d’Aix-en-Provence et obtient le Prix spécial du jury de la compétition internationale à Clermont-Ferrand. Il est également sélectionné à Entrevues, à Belfort, et Premiers plans, à Angers.
Le ciel étoilé au-dessus de ma tête, son premier long métrage de fiction, est soutenu à Cannes par l’ACID en 2017 et sort au cinéma l'année suivante. Funambules, un documentaire sur l'aliénation mentale produit par les Films du Bal, suit en 2020.
On retrouve Ilan Klipper sur le terrain de la fiction en 2023, à travers Le processus de paix, comédie distribuée en salles par Le Pacte et interprétée par Camille Chamoux, Damien Bonnard, Jeanne Balibar et Ariane Ascaride.
Critique
Dans son documentaire Saint-Anne, hôpital psychiatrique (2010), Ilan Klipper avait effectué des visites à domicile qu'il n'intégra pas à son film ; il fut néanmoins considérablement marqué par la situation d'êtres en perdition vivant dans une réclusion absolue. La déclinaison n'en est pas moins ici fictionnelle, inversant le rapport puisque le milieu médical constitue un hors-champ presque complet. Juke-Box est un huis clos insulaire dont la dimension centripète s'accompagne d'une mise en scène arrimée à un certain Daniel Berthon, habitant d'un invraisemblable capharnaüm plongé dans l'obscurité.
Fiction, disions-nous… Sauf que le rôle principal est tenu par Christophe, sorte de roc à la fois puissant et fissuré de toutes parts. Le choix du chanteur conduit à une perpétuelle hésitation entre incarnation – d'un personnage – et matière documentaire, comme s'il s'agissait d'une pure présence scrutée par la caméra. Ceci occasionne un dialogue entre l'abstraction et son contraire, données redoublées par la sophistication du travail photographique en (peu)clair-(très)obscur.
Ilan Klipper capte ainsi une errance statique d'un point de vue physique et selon un double mouvement contradictoire. Celui de la mémoire ressassée – celle d'une star déchue du temps révolu du juke-box et du vinyl, d'avant la dématérialisation des sons et des “Nouvelles Stars” télévisuelles. L'autre mouvement est celui de la gestation de l'acte créatif, qui prend corps dans une sorte de voyage dans les arcanes et recoins d'une intériorité pour le moins tourmentée. Aussi, par le biais d'une recherche sonore entêtante faisant de Juke-Box, à force de phrases musicales balbutiantes, bégayantes, naissantes, une trajectoire où du chaos finit par jaillir l'accord parfait : la grâce.
Arnaud Hée
Article paru dans Bref n°111 (2014).
Réalisation : Ilan Klipper. Scénario : Ilan Klipper et Alicia Harrison. Image : Lazare Pedron. Montage : Nicolas Boucher. Son : François Meynot. Musique originale : Christophe. Interprétation : Christophe, Sabrina Seyvecou et Marilyne Canto. Production : Ecce Films.