Extrait
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J’attends Jupiter

Agathe Riedinger

2017 - 22 minutes

France - Fiction

Production : Germaine Films

synopsis

Liane, 21 ans vient d’apprendre qu’elle était retenue pour passer le second tour d’un casting de télé réalité. Persuadée que sa vraie vie va enfin commencer, elle délite tout ce qui l’entoure pour embrasser ce grand chamboulement.

Agathe Riedinger

Diplômée en 2005 des Arts Déco, Agathe Riedinger est depuis devenue réalisatrice, directrice artistique et auteure pour la publicité, le clip et la fiction.

Depuis plusieurs années, elle construit un univers radical et décalé. En 2006, elle réalise un premier court métrage, L'année dernière, à Paris, j'ai rencontré Hortense, qui ancre son désir de cinéma et lui fait rencontrer le chef opérateur Alexandre Léglise, qui signe l’image de J’attends Jupiter en 2017. Le film vaut à sa jeune interprète Sarah-Megan Allouch le Prix d'interprétation féminine au Festival européen du film court de Nice avant d'être présélectionné aux César 2019.

Tout en continuant à écrire, Agathe Riedinger expérimente différents types de narration à travers différents formats courts aux influences souvent kitsch et surnaturelles, parfois délibérément vulgaires, sans compromis et à volonté décoiffante, pour parler des thématiques qui lui sont chères, telles que l’émancipation personnelle et sociale, la condition féminine ou encore l’éducation. En 2019, elle réalise Ève, présenté au Festival de Clermont-Ferrand dans le cadre de la compétition Labo. 

Lauréate du prix Beaumarchais-SACD en 2016, Agathe Riedinger développe alors son premier long métrage, inspiré de son court J’attends Jupiter. Intitulé Diamant brut, il est sélectionné en compétition officielle du Festival de Cannes 2024.

Critique

Intrigant programme auquel le titre du film invite. Une attente, donc. Une affirmation aussi pour son héroïne Liane, déterminée à attraper la vie comme elle l’entend, et à être l’élue des dieux. “Si j’suis pas célèbre, j’me tue !”, déclare-t-elle. Voilà son credo. Inspirée, Agathe Riedinger revisite la figure de la cocotte du Second Empire et de la Belle-Époque, à travers la jeune fille d’aujourd’hui, fascinée par la télé-réalité et par cette opportunité fantasmatique de réussir sa vie et de mener le monde, en misant tout sur son image, son corps, sa féminité. Ici, par le fantasme de la caméra H24 du programme cathodique “La villa des tentatrices”, qui pourrait bien sélectionner la donzelle. Liane se rêve en Shayanne, et enfile les escarpins clinquants que lui offre son beau-père libidineux. Le propos est féministe, et Cendrillon n’attend plus le prince charmant. Elle dirige et décide, comme avec son amant, kéké amoureux transi dans sa Peugeot 205, qu’elle peut abandonner quand son avenir l’appelle. 

La vie est un roman, même dans les classes populaires de la bourgade des Bouches-du-Rhône où la caméra balaie les murs et les rues. Comme pour certaines créatures nées de l’esprit coloré de Pedro Almodóvar, l’aspirante vedette chorégraphie sa vie durant ses déplacements quotidiens, comme si chaque instant de son réel était une mise en scène. C’est la société du spectacle revue et corrigée par l’ère Big Brother bling bling. En tête de proue, Sarah-Megan Allouch assure. Son incarnation juvénile et énergique installe son personnage comme le film, puisqu’ils ne font qu’un, devant l’objectif de leur créatrice originelle. Pas évident de personnifier la surenchère, le trait grossi, le volontarisme presque fluorescent. 

La réalisatrice joue avec les apparences pour mieux raconter les aspirations humaines. Le résultat séduit par son mélange de frontalité et de stylisation. Une immersion dans le rose, les paillettes, le maquillage, les ongles vernis, le flashy, bref l’ultra-voyant, pour mieux signifier la quête du bien-être programmé. Je brille donc je suis. Une conscience habilement mise en scène par les pensées intérieures de l’a priori cagole du Sud, qui invoque successivement en voix-off son idole bimbo, son père et le Seigneur. Les gros plans, les inserts et les plans larges se répondent et imbriquent le clinquant comme le dépeuplé, la promiscuité comme l’espace alangui (piscine à sec ou terrain vague).

C’est un regard de cinéma qui remplit les vides par du plein signifiant, comme le film suivant de la réalisatrice, Ève (2018), saisit des femmes vieillissantes de l’Eden de la vie, qui posent, silencieuses, dans leurs chambres boudoirs aux teintes sucrées. En attendant un premier long métrage annoncé comme un prolongement des aventures de Liane. 

Olivier Pélisson 

Réalisation : Agathe Riedinger. Scénario : Benjamin Laurent et Agathe Riedinger. Image : Alexandre Léglise. Montage : Raphaëlle Martin-Hölger. Son : Rémi Carreau et Vincent Cosson. Musique originale : Katsby. Interprétation : Sarah-Megan Allouch, Caroline Baehr, Thierry Levaret et Alexis Manenti. Production : Germaine Films.

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