Extrait

Inherent

Nicolai G.H. Johansen

2021 - 16 minutes

Danemark - Fiction

Production : Snowglobe

synopsis

Une jeune fille erre dans les rues d’une petite ville, le regard rivé sur un garçon. Elle est en réalité sous l’emprise de quelque chose : une présence sinistre qui loge dans le grenier de sa maison. Alors que son attirance pour le garçon grandit, elle est tiraillée entre ses désirs et sa sujétion.

Nicolai G.H. Johansen

Né le 7 février 1994 à Odense, Nicolai G.H. Johansen est un réalisateur danois, formé à l’école Super8, située à Aarhus. Il compte à son actif plusieurs courts métrages rermarqués : Ungdommen Danser (2016), The Nix (2018), Walls of Concrete (2019) et Inherent (2021). 

Ce dernier a été notamment présenté à la 60e Semaine de la critique, à Cannes, en 2021. La même année, le réalisateur signé un moyen métrage, If You Knew, sélectionné au Festival de Brive.

Critique

Une jeune fille s’occupe d’une créature tapie dans les combles d’une maison. Dehors, un garçon traverse la lande en moto. La jeune fille éprouve alors du désir pour lui, un désir qui devient aussi fort qu’il est redoutablement menaçant. Le cinéaste danois Nicolai G.H. Johansen fait d’un grenier de campagne le théâtre d’un rite et d’une adolescence hantée. Pas un mot ne sera prononcé : tout passe par la texture du son – le vent, les respirations inquiétantes, le bourdonnement des mouches – et par la pâleur des peaux saisies en 16 mm. Inherent s’inscrit dans une certaine tradition scandinave du fantastique pastoral, celle où l’horreur est moins un surgissement qu’un lent soulèvement. On pense notamment à un autre Danois, Carl Theodor Dreyer et son Vampyr (1932), dont Johansen retient surtout l’orfèvrerie exemplaire, ainsi que le récit spectral. En retirant tout contexte social et tout dialogue, Johansen réduit l’intrigue à une vaste pulsation. Le désir y devient une force inquiétante qui circule comme un venin.

Le titre dit au moins une chose : désir et monstruosité vont de pair, parce qu’ils sont inhérents à l’humain. L’adolescente nourrit la bête naturellement, comme on entretient une pulsion, une honte ou une fascination, sans aucun cri ni effusion, mais dans un grand dépouillement. Le film rejoint alors la mythologie d’une autre cinéaste, Claire Denis, dont Trouble Every Day (2001) fusionnait cannibalisme et passion amoureuse, explorant la biologie du désir par le prisme de l’effroi le plus strict. Inherent s’ouvre sur le lent travelling d’un oiseau qui dévore un autre oiseau, comme une image manifeste, à la fois charognarde et sensuelle. Il y a aussi ce dragon endormi, suggéré par un plan fixe qui aligne des arbres, filmés de loin. La monstruosité est cette beauté gisante, retenue, prête à se réveiller.

L’entretien nourricier de la bête par l’adolescente prend la forme d’un rituel, moins satanique qu’hygiénique. Chaque offrande de sang se déroule sur de grandes bâches blanches, où l’on verse méthodiquement le contenu d’un seau. Rien de baroque, la jeune fille s’exécute avec calme, précision, presque tendresse. Cette dimension clinique, protocolaire du désir, organise la transgression. Car derrière ces gestes, grandit l’effroi. Inherent est finalement moins un film d’horreur qu’un film hanté : il s’attarde, s’infiltre, cherche l’empreinte persistante, celle de la fascination amoureuse devenue inséparable de la prédation. S’abreuver de sang, motif vampirique s’il en est, se radicalise ici. Il n’y a plus de romantisme mais juste une pure allégorie de l’emprise. Et la confusion entre proie et complice demeure plus terrifiante encore que n’importe quelle bête assoiffée de sang.

Arnaud Hallet

Réalisation et scénario : Nicolai G.H Johansen. Image : Sebastian Bjerregaard. Montage : Yifan Zhou. Son : Simon Pedersen, Simon Pedersen et Asger Midjord Rasmussen. Musique originale : Toke Brorson Odin. Interprétation : Sandra Gulberg Kampp et Noah Skovgaard Skands. Production : Snowglobe.

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