
2021 - 30 minutes
France, Italie - Fiction
Production : Films Grand Huit, Dugong Films
synopsis
Dans la vieille ville de Tarente, coin industriel des Pouilles, Maria essaie d’aider son frère drogué, Donato, menacé de mort pour une dette impayée. Elle n’a qu’une option : voler. Le plus possible, au plus vite.
biographie
Giacomo Abbruzzese
Né en 1983 à Tarente, dans les Pouilles (Italie), Giacomo Abbruzzese est diplômé du Fresnoy. Il a été artiste en résidence à la Cité internationale des arts à Paris et ses films ont été sélectionnés et primés dans de nombreux festivals internationaux, parmi lesquels Oberhausen, Vienne, Clermont-Ferrand, Mar del Plata, Tampere, IndieLisboa, le Nouveau cinéma à Montréal, Winterthur, Angers, Torino, Leeds, etc. Ils ont été aussi diffusés sur différentes chaînes de TV en France (Arte, Canal+, France 2, France 3) et à l’étranger.
Alors qu’America a été nommé au César 2022 du meilleur court métrage documentaire, le cinéaste a achevé son premier long métrage Disco Boy, développé dans le cadre de la Résidence de la Cinéfondation du Festival de Cannes et produit, côté français, par Films Grand Huit. Coproduction entre France, Italie, Belgique et Pologne, il est notamment interprété par le comédien allemand Franz Rogowski et se voit distribué en salles en France, à partir du 3 mai 2023, par KMBO.
Son dernier court de fiction, I Santi, a reçu en 2021 le Prix du public au Festival cinéma méditerranéen de Montpellier, Cinemed, et le Prix du meilleur court métrage au Festival de Rome.
Critique
Un jour comme un autre à Tarente, ville portuaire de taille moyenne située à l’extrême sud de l’Italie, dans la région des Pouilles. Ses rues pavées figées dans le temps fleurent bon le crime et la bigoterie. Filles et gars du coin y traînent ; dealers et églises y règnent à parts égales. Donato et Maria, frères et sœurs d’une vingtaine d’années, veillent l’un sur l’autre. Le premier, gueule d’ange cassée, surnommé “Cinquante centimes” par ses camarades douteux, s’est méchamment embourbé dans une dette qui pourrait lui coûter la vie. La seconde, visage de madone dessalé, a vingt-quatre heures pour dégoter l’argent qui ferait tomber la menace pesant sur son frère. L’ultimatum est lancé, et avec lui, les beats électro du groupe Feel Fly.
Avec ce sixième court métrage en forme de chronique, Giacomo Abbruzzese, cinéaste italien issu du Fresnoy, continue de creuser des sillons en place depuis le début de son œuvre éclectique. I Santi a été tourné en décors réels à Tarente, là même où il a grandi. En filmant le territoire de sa jeunesse, en donnant une place dans son cadre au graffiti “Forza Taranto”, il creuse la dimension autobiographique du film précédent, America (2020), documentaire dans lequel Abbruzzese partait sur la piste d’un grand-père italien mystérieusement disparu après son exil à New York. L’intérêt pour le motif religieux s’exprimait déjà dans Stella Maris (2014), dans lequel une statue de la Vierge Marie représente un espoir de libération pour des hommes condamnés à la prison. Ici, un autre graph sur un mur, une Vierge en larmes surmontée d’un revolver pourrait être érigée en figure de proue de la ville, ou comme mascotte du film.
Plus que la religion, c’est le heurt entre la marge et la règle, qu’elle soit dictée par l’Église, les dirigeants politiques ou la mafia, qui semble intéresser Abbruzzese. Il semble formuler dans ce court métrage sa réponse à la question : qui sont les saints d’aujourd’hui ? Auteurs de petits larcins pour survivre, le duo de personnages que I Santi nous donne à suivre est plein d’amour. En quête d’innocence, ils composent avec une partition du réel délétère. Donato pisse les yeux levés vers la Vierge non pas tant par insolence qu’avide d’espoir. Plein de vie, il apparaît en même temps brisé par les coups, en pleine crise de manque. Une caméra fragile, à l’épaule, retranscrit son état en livrant des images tremblantes. Maria, par contre, vengeresse masquée sur son scooter, ou auréolée de lumière dans des plans très affirmés, regarde la Vierge telle son égale ou sa complice.
Abbruzzese se place clairement de leur côté avec son casting soigneusement cinégénique (Gaia Girace et Claudio Segaluscio) qui vient servir un cinéma de peu de mots, très incarné, où l’action prime sur le dialogue. Parfois proche du clip, sa mise en scène recourt aux effets pour souligner la noblesse des personnages en même temps qu’elle travaille la tension, le suspense, ou la réminiscence du souvenir sur un mode onirique. Elle rend visible la grâce des âmes d’un coin reculé, régi par des lois archaïques. La musique très présente, populaire ou électronique, transforme ces filles et gars du coin en héros et en héroïnes.
Première collaboration entre Giacomo Abbruzzese et la société de production Films Grand Huit, I Santi précède la réalisation du tout premier long métrage des uns et des autres : Disco Boy. Présenté en compétition officielle lors de la dernière Berlinale, sa sortie est fixée au 3 mai prochain.
Cloé Tralci
Réalisation et scénario : Giacomo Abbruzzese. Image : Giovanni C. Lorusso. Montage : Giacomo Abbruzzese, Ariane Boukerche et Vivien Casamian. Son : Mirco Mencacci et Tommaso Danisi. Musique originale : Feel Fly. Interprétation : Gaia Girace, Claudio Segaluscio, Fabrizio Desideri, Michele Ferrigni, Anna Cofano. Production : Films Grand Huit et Dugong Films.