Extrait
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Homme sage

Juliette Denis

2021 - 18 minutes

France - Fiction

Production : Yukunkun Productions

synopsis

Julien prend ses fonctions dans un centre de protection maternelle infantile dans un quartier difficile. Il va très vite être confronté aux difficultés qui font le quotidien de l’équipe du centre. Lors de sa première consultation il se retrouve face à Asma, tombée enceinte à la suite d’un viol.

Juliette Denis

Juliette Denis est directrice de casting pour le cinéma et la télévision. Elle est récemment intervenue sur le premier long métrage de Jérémie Sein, L'esprit Coubertin (sortie prévue le 8 mai 2024), et travaille sur les prochains films à venir de Peter Dourountzis.

Après Homme sage, son premier court métrage en tant que réalisatrice et scénariste (produit par Nelson Ghrénassia de Yukunkun Productions), elle continue, parallèlement au casting, de développer des projets d'écritures pour le cinéma, dont un long métrage intitulé What is Love ?.

Critique

Alors qu’il fait ses premiers pas dans l’univers très exigeant de la protection maternelle et infantile, Julien peine à trouver sa place. Homme sage s’ouvre ainsi sur les coulisses d’une crise de légitimité découlant de deux facteurs bien immuables : la vulnérabilité qu’implique son jeune âge ainsi que la réticence compréhensible d’un environnement très féminin à laisser ce garçon pénétrer une intimité souvent déjà compromise. En insistant parallèlement sur la communication compliquée avec sa référente, le film illustre habilement le rythme et l’empreinte émotionnelles éprouvants des conditions d’exercer, en partie responsable de l’intégration laborieuse de Julien. Derrière cette femme, d’abord perçue comme antipathique, se révèle une professionnelle concernée, mais sous pression et subissant la surcharge de dossiers, la crise du personnel et l’urgence des plannings.

Par ce portrait infiniment sensible du centre et de ses intervenants, la réalisatrice déroule le cycle intransigeant de la nuance : faire preuve de douceur sans être intrusif, accompagner sans brusquer, convaincre sans imposer. Elle y glisse quelques plans des lieux vides où se condensent les flots d’émotions qui s’y déversent chaque jour, de drames en solutions. L’apparition de Luàna Bajrami dans un rôle de jeune fille en souffrance est très puissante. L’importance de bien lire les dossiers, déjà relevée dans plusieurs scènes, pointe du doigt l’absurdité de certains protocoles en l’absence de connaissance du patient. Bien que l’histoire ne mentionne qu’en filigrane l’issue de cette grossesse bouleversante, ce cas tragique fait cohabiter devoir et morale, alors même que se confrontent l’expérience de la tutrice et l’engagement du novice, dans ce milieu qui ne laisse que très peu de place aux approximations.

Juliette Denis a choisi Stefan Crepon, au physique juvénile et attendrissant, pour incarner Julien, ce personnage qui touche par sa tendresse, son désir de bien faire, et qui, bien au-delà de son genre, semble faire preuve de toute la bienveillance et l’écoute que requiert sa fonction. L’impéritie et les maladresses initiales du débutant sont vite compensées par son investissement et sa délicatesse envers les patientes. Se mettent alors en émulation deux visions équitables autour de questions dont la réponse n’a pas de visage : faut-il être une femme pour comprendre une femme, faut-il être une femme pour en soutenir une autre ? Que sait finalement l’homme de la maternité ?

Une réponse qui, par-delà les limites de la médecine et de l’apprentissage, hors du carcan des dispositifs sociaux, n’appartient qu’à celui qui la vit. La dualité d’Homme sage comme inversion de sage-homme (faudrait-il dire maïeuticien ?) sonne comme un hymne à la persévérance encouragée du jeune homme, dont les mots pourtant dérisoires sont plus que nécessaires. Si l’on ressent son intimidation et son retrait ponctuel dans certaines activités face aux invectives de quelques groupes de filles, son attitude discrète révèle une forme d’acceptation essentielle, là où la patience et la conscience de son propre décalage ressenti, aussi involontaire soit-il dans toute sa compétence, semblent être les meilleures des armes.

Marie Labalette

Réalisation : Juliette Denis. Scénario : Juliette Denis et Elsa Amiel. Image : Jean-Marc Fabre. Montage : Marie Silvi. Son : Thomas Van Pottelberge, Victor Loeillet et Caroline Reynaud. Musique originale : The Penelopes. Interprétation : Stefan Crepon, Irina Muluile et Luàna Bajrami. Production : Yukunkun Productions.

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