Extrait
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Hizia

Chabname Zariab

2020 - 20 minutes

France - Fiction

Production : Punchline Cinéma, Alta Rocca Films

synopsis

Alors que Louise s’apprête à sortir de son immeuble, un homme lui confie un sac avant de se faire embarquer par la police.

Chabname Zariab

Chabname Zariab est née en 1982 à Kaboul, en Afghanistan. En 1991, ses parents décident de partir pour la France et s’installent à Montpellier. Par la suite, elle étudie le droit et le cinéma à Paris, avant d’écrire un roman Le pianiste afghan (éditions de l’Aube, 2011), souvenirs de son enfance à Kaboul.

En 2015, elle réalise son premier court métrage, en langue persane, Au bruit des clochettes, qui reçoit le Prix de la meilleure première œuvre de fiction au Festival de Clermont-Ferrand et le Grand prix aux Nuits méditerranéennes du court métrage à Corte. Il est de plus nommé au César du meilleur court métrage.

L'enfant chameau suit en 2018, produit par Zangro pour Bien ou bien Productions. Il bénéficie d'un semblable accueil dans les festivals, en France comme à l'étranger. Hizia, dès l'année suivante, voyage encore davantage autour du globe.

Chabname Zariab développe alors un projet de premier long métrage, coécrit avec sa sœur Parande Zariab : Les clochettes de Kaboul. Celui-ci obtient une Mention spéciale aux Prix du scénario 2024.

 

 

Critique

Amis, consolez-moi ; je viens de perdre la reine des belles.” (1) Ainsi commence l’élégie, également intitulée Hizia, composée au XIXe siècle par le poète algérien Mohammed Ben Guitoun. Ce premier verset pourrait clore ce court métrage de Chabname Zariab, car c’est bien le terrible sentiment d’une perte définitive que ressent le personnage de Louise, tandis qu’est formulé pour la première fois le prénom du bébé qu’elle s’imaginait déjà adopter et élever. Ce prénom, prononcé par le père de l’enfant, sonne alors à la fois comme un cadeau d’adieu – il accompagne effectivement un don, celui du bracelet de la petite fille –, mais aussi comme un signe d’appartenance irréfutable à une autre culture et une autre histoire que celle fantasmée par Louise.

Après Au bruit des clochettes (2015) et L’enfant chameau (2018), la réalisatrice d’origine afghane convoque ainsi dans ce troisième court métrage certains démons des sociétés occidentales, lorsque des enfants sont abusivement arrachés à leur histoire d’origine, parfois réinventée, sous couvert de les “sauver” et pour pallier une difficulté à procréer. L’affaire de l’arche de Zoé en 2007 est l’un des exemples emblématiques de cette falsification du réel – les enfants concernés furent notamment présentés comme des orphelins. De la même manière, Louise tente de soustraire la petite fille à son géniteur en décrétant : “Cet homme n’a rien à lui offrir, elle serait tellement mieux chez nous !”.

Cependant, la mise en scène, sous forme de thriller social, ne nous met pas en surplomb de ce personnage féminin, filmé en cadre serré. Nous sommes ainsi embarqués dans ce récit de son point de vue, et ne mesurons que progressivement sa fragilité. Bien que désemparée par ce bébé qu’on lui confie soudainement, ses premiers gestes témoignent en effet d’abord d’une prise en main de la situation – Louise confectionne habilement un biberon improvisé, puis se justifie avec aplomb devant l’incompréhension de son mari. Nous ne devinons que peu à peu sa profonde frustration, qu’elle exprime ensuite clairement sous forme de reproche à son époux. Une bascule jusqu’au-boutiste est alors enclenchée. Mais ce qui fait la force du film est que nous ne sommes pas en position de juge ; nous restons avec elle, jusqu’à sa course éperdue pour garder l’enfant, qui fait écho à celle du père en ouverture du film, et partageons son émotion, entre désespoir, regrets et impuissance, dans ce long plan final sur son visage – “Mon cœur est parti avec la svelte Hizia !” (2).

Anne-Sophie Lepicard

1. Traduction de l’arabe par Constantin Louis Sonneck, 1902. 2. Idem.

Réalisation et scénario : Chabname Zariab. Image : Éric Devin. Montage : Vanessa Basté et Manon Falise. Son : Andria Vivarelli, Lucile Demarquet et Olivier Guillaume. Musique originale : Maxence Dussère. Interprétation : Brigitte Roüan, Bruno Wolkowitch et Salim Laouar Fontaine. Production : Punchline Cinéma et Alta Rocca Films.

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