Extrait

Hidden

Jafar Panahi

2020 - 18 minutes

France - Documentaire

Production : Les Films Pelléas, Opéra National de Paris, Balthus

synopsis

Jafar Panahi part à la recherche d’une jeune femme à la voix d’exception que les autorités religieuses iraniennes interdisent de chanter.

Jafar Panahi

L'iranien Jafar Panahi est l'un des cinéastes les plus respectés à l'échelle internationale, distingué de la Palme d'or du Festival de Cannes 2025 pour Un simple accident, qui représentera par ailleurs la France dans la course à l'Oscar 2026 du meilleur film en langue étrangère.

Né le 11 juillet 1960 à Téhéran, il a étudié la réalisation de films à l'université de cinéma et de télévision installée dans la capitale et fait ses armes à la télévision, devenant alors assistant-réalisateur pour Abbas Kiarostami sur son film Au travers des oliviers, en 1994.

Il passait alors à la réalisation et remportait la Caméra d'or au Festival de Cannes 1995 avec Le ballon blanc. Ses films suivants, Le cercle (Lion d'or à Venise en 2000) et Sang et or (2003), lui valaient de premiers démêlés – et des interdictions de diffusion – avec le pouvoir des mollahs régnant sur la République islamique d'iran, critiquant directement l'absence de libertés et les inégalités dans le pays.

Ses œuvres suivantes, de Hors jeu (2006) à Aucun ours (2022), étaient frappées des mêmes mesures, tout en asseyant la stature du cinéaste à l'échelle internationale. Et Taxi Téhéran, tourné dans la clandestinité, recevait en 2015 l'Ours d'or au Festival de Berlin.

Plusieurs fois arrêté et placé en détention, il a été libéré sous caution en 2023 et a pu quitter l'Iran après 14 années d'assignation à résidence.

Jafar Panahi a signé plusieurs courts métrages au cours de sa carrière, dont Hidden, qui fut inclus dans un film collectif distribué au cinéma en 2020 : Celles qui chantent.

Il a aussi coécrit le scénario de La femme qui en savait trop, de Nader Saeivar, sorti en France en août 2025.

 

Critique

Le pitch de Hidden ne tient qu’en une ligne : Jafar Panahi part à la recherche d’une mystérieuse jeune femme à la voix d’exception. Et pourtant, ce court métrage de dix-sept minutes peut se voir comme un condensé du cinéma de ce cinéaste couronné de prix à l’international, Palme d’or 2025 avec Un simple accident (en salles à partir du 1er octobre 2025), et qui continue de créer sous contrainte dans son pays.

Sorti au cinéma à l’été 2020 dans le programme Celles qui chantent (réunissant trois autres courts documentaires), Hidden a été produit dans le cadre d’une commande de la 3ᵉ Scène de l’Opéra de Paris, juste après Trois visages. Dans ce dernier, Panahi et l’actrice Behnaz Jafari prenaient la route de l’Azerbaïdjan pour retrouver une jeune fille aspirant au métier d’actrice malgré l’hostilité de son village. Le film offrait à la fois des portraits de femmes et un hommage à Abbas Kiarostami. 

Malicieux conte persan, Hidden en est comme le prolongement. Panahi part ici sur les traces d’une chanteuse kurde, soprano, interdite de se produire par son père et par les mollahs – posant une nouvelle fois, comme depuis Le cercle (2000), la question du sort réservé aux femmes en Iran. Depuis Taxi Téhéran, l’espace de la voiture – cellule privée traversant l’espace public, laboratoire de cinéma en mouvement – est devenu pour Panahi un espace de liberté et d’invention. On le retrouve au volant, avec à ses côtés sa fille Salmaz, assistante-réalisatrice, en charge de la seconde caméra et d’une partie de la logistique (casting, rendez-vous).

Hommage à Kiarostami, Hidden se joue des frontières entre documentaire et fiction. Quand Shabnam Yousefi, productrice de théâtre, monte dans la voiture, on ne sait si les retrouvailles avec Salmaz sont réelles ou mises en scène. Avec son dispositif minimal (deux iPhones), ses zooms et cadrages parfois réajustés à vue, Panahi ne cesse de jouer son rôle d’agitateur non seulement à l’intérieur de la république islamique, mais également à l’intérieur même du septième art. La grande séquence de récit – où Yousefi raconte comment elle a découvert la chanteuse – se déploie comme un conte persan, par digressions et anecdotes, à la manière des Mille et une nuits. Le trajet de la voiture épouse ces méandres narratifs : on se demande si l’on verra, si l’on entendra cette voix interdite. Hidden joue avec nos attentes, sur l’art de montrer et de cacher. Montrer ce qui est caché, c’est révéler un jeu de dupes : un patriarcat écrasant, qui pratique l’excision, relègue les femmes aux cuisines et leur interdit même de rire. Dans un pays où l’opéra est proscrit, l’apparition finale prend la dimension d’une épiphanie. Sans rien dévoiler, cette rencontre ne peut être lue qu’en creux : l’enfermement et l’impossibilité de se libérer résonnent d’autant plus fort qu’ils nous sont montrés avec respect, au terme d’un cheminement, dans une séquence au lyrisme déchirant. Présenté dans de nombreux festivals internationaux, Hidden a reçu en 2020 le Prix du meilleur documentaire au Festival international du court métrage de Vila do Conde.

Donald James

Réalisation et scénario : Jafar Panahi. Image : Solmaz Panahi, Jafar Panahi et Nader Saivar. Montage : Amir Etminan. Son : Mohammad Reza Delpak. Interprétation : Shabnam Yousefi, Solmaz Panahi, Jafar Panahi, Leyla Khezri et Trife Karimian. Production : Les Films Pelléas, Opéra National de Paris et Balthus.

À retrouver dans

Autour des sorties