
2014 - 22 minutes
France - Fiction
Production : Autour de Minuit, Digital District
synopsis
Dans un futur proche, la ville de la Havane est occupée par une force armée étrangère et à la limite de la guerre civile. Une visite guidée par Lazaro, un gamin du ghetto, nous révèle le chaos qui règne au sein de la capitale…
biographie
Édouard Salier
Né le 12 août 1976 à Bordeaux (Gironde), Édouard Salier a suivi des études d’arts graphiques à Paris, plus précisément à Penninghen, avant de commencer à réaliser des clips, au début des années 2000, pour Doctor L., Tété, Thomas Winter et Bogue ou encore les Cubains d'Orishas.
Il s'adonne alors au court métrage, à travers plusieurs œuvres successives, notamment Empire, récompensé du Prix de l'œuvre d'art numérique au Festival de Clermont-Ferrand en 2006 et Flesh, également produit par Nicolas Schmerkin pour Autour de minuit et qui suscite la controverse, utilisant des images de films pornographiques américains plaqués sur des buildings new-yorkais reconstitués et volant en éclat sous les assauts terroristes, en référence directe aux événements du 11 septembre 2001. Le film n'en reçoit pas moins le Prix du meilleur court métrage au Festival international du film de Gijón, en Espagne, en 2006.
Édouard Salier poursuit avec 4 (qui reçoit le Prix spécial du jury au Colcoa, à Los Angeles, en 2010) et Habana en 2014, réalisant toujours des clips en parallèle, entre autres pour Massive Attack, Air, Metronomy ou Justice, ainsi que des films publicitaires.
Habana décroche en 2015 le Grand prix du Festival du film fantastique de Gérardmer et Salier coréalise en 2019 avec Richard Minier le documentaire Africa Mia, qui retrace l’influence de la musique cubaine au Mali.
Le réalisateur se dirige alors vers l'aventure d'un premier long métrage. Produit par Rezo Productions et s'inscrivant dans un registre de science-fiction, Tropic sort en France à l'été 2023.
Critique
Le brio et l'énergie du film d'Édouard Salier sont tels qu'il nous laisse à peine le temps de penser.
On admet tout de suite le noir et blanc. On est à La Havane, une caméra à l'épaule suit Lazaro, un jeune homme à la dégaine fauve, qui nous fait découvrir La Havane côté zone, un territoire interlope d'activités clandestines où il est accueilli avec les égards d'un chef de bande. Sans perdre de sa force, la rhétorique du reportage se brouille quelque peu. Des constructions industrielles, sorte de puits de forage en mer et visiblement sources de pollution, bouchent la perspective vers la mer. Un pont inachevé, grosse carcasse en plusieurs blocs, censé rattacher l'île au continent, déchire un peu plus le paysage. Certes, nous sommes à Cuba, mais quand ? Les rues clairesemées, une population retranchée dans une zone insalubre, la ville semble sous le contrôle d'une armée, ce que corroborent les cortèges de chars qui sillonnent les routes en tous sens et les militaires, fusil-mitrailleur au poing, postés en plusieurs endroits ou arpentant la ville par petits groupes.
Des inscriptions taguées que la caméra capte au détour de son périple font songer à une occupation étrangère. Les Américains ? Si les uniformes des forces occupantes évoquent les États-Unis, cela tient à ce que leurs silhouettes évoquent vaguement ceux de Star Wars. Le résumé du film parle de futur proche. Les images de la décrépitude cubaine, filmée aujourd'hui, pourraient signifier les limites du régime encore en place. Inscrire, via des trucages numériques, l'action dans le futur laisse penser que la force occupante est la cause de ce désastre ou de l'aggravation de l'état du pays.
Mais à se poser ces questions, on risque de passer à côté du film. On imagine plus volontiers Édouard Salier fasciné par La Havane et désireux d'y tourner un film de genre, de ceux qui empruntent la forme du reportage pour mieux captiver le spectateur. Il y imagine une révolution sourdre des bas-fonds, plus nourrie de revanche que d'utopie, tout en se souvenant du monstre tapi dans les égouts de The Host, le thriller fantastique de Bong Joon-ho. Le spectacle est saisissant, n'est-ce pas là l'essentiel ?
Jacques Kermabon
Article paru dans Bref n°110, 2014.
Réalisation : Édouard Salier. Scénario : Sébastien Ors et Édouard Salier. Image : Mathieu Plainfossé. Montage : Alexandro Rodriguez. Son : Rubén Valdés Sanz. Musique originale : Doctor L. Interprétation : Leoandy Chacon, Ibben Sotolongo, Lizandra Batista, Lazaro Hidalgo et Stefania Roy. Production : Autour de Minuit et Digital District.