Extrait
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Gauche touché

Alexandre Labarussiat

2020 - 18 minutes

France - Fiction

Production : La Ruche Productions et Origine Films

synopsis

Valérie, ancienne escrimeuse de haut niveau, se consacre à l’entraînement des jeunes de son club. Elle a beaucoup d’espoirs envers Hicham, 17 ans et dont le potentiel sportif est énorme. Alors qu’arrivent les vacances d’été, Valérie apprend que l’adolescent envisage de quitter le club.

Alexandre Labarussiat

Après des études de cinéma, Alexandre Labarussiat réalise en 2012 son premier court métrage, La ville est calme, adapté d’une nouvelle de science-fiction de Ray Bradbury. Poursuivant sa formation de scénariste au sein de diverses résidences, il travaille à l’écriture de plusieurs projets de fictions et réalise en 2020 le court métrage Gauche touché, dont le scénario a reçu le Grand prix du CECI/Moulin d’Andé. Il est sélectionné notamment à Cinemed, à Off-courts à Trouville et au Festival Jean-Carmet de Moulins.

En parallèle au développement d’autres films courts, Alexandre Labarussiat travaille à l’écriture de deux longs métrages : Celui qui dirige, soutenu par la Région Île-de-France et encadré par la Scénaristerie et Un digne et loyal magistrat, développé au sein de ses résidences au Groupe Ouest.

Il signe en 2023 un court documentaire, produit par Hippocampe Productions : Couleurs d'enfance.

Critique

Dans le titre qu’il a choisi, le jeune réalisateur Alexandre Labarussiat convoque déjà la tension qui parcourt l’ensemble de son film : si “gauche touché” est en effet un terme technique d’arbitrage de l’escrime, on peut tout aussi bien y entendre l’évocation de ce qui touche ce siège figuré des émotions, le cœur. 

Contrairement à de nombreux sports qui permettent de scruter les émotions de ceux qui se font face, l’escrime impose un casque grillagé qui dissimule les visages et leurs expressions pendant la passe d’armes. Les confrontations sont par ailleurs extrêmement codées et fulgurantes, le décorum blanc et noir très austère. La mise en scène et le jeu d’acteurs s’inspirent pleinement de ces aspects avec une palette restreinte de couleurs et de lumières, ainsi que des échanges qui mettent en valeur les corps et les regards plutôt que la parole. La retenue imposée par ce sport qui valorise la maîtrise de soi et le respect, contient ainsi les personnages dans l’expression de leurs sentiments, en même temps qu’elle va exacerber le conflit lorsqu’il va s’inviter sur la piste. 

Jusqu’à ce que se noue le drame, l’uniforme blanc du tireur effaçait les origines sociales d’Hicham, jeune tireur très prometteur, auprès des autres membres de son club. Quant à son maître d’arme, Valérie, jouée avec intensité (et dont le personnage est inspiré du propre maître d’armes du réalisateur, cité et remercié au générique), elle incarne dans sa silhouette androgyne et la tension de son visage l’exigence d’un art noble auquel elle a consacré sa vie et pour lequel elle a sans doute sacrifié tout le reste. 

Mais Hicham a, sans le révéler, décidé de quitter le club pour rejoindre un pôle sportif plus prestigieux, ouvrant la voie à une professionnalisation. Ce que Valérie considère comme une trahison personnelle et un risque pour son jeune protégé… 

Un tel choix bouscule tout à coup le cadre établi et y fait surgir des sentiments de frustration et de révolte censés rester au seuil de la piste. C’est d’ailleurs dans le vestiaire que chacun renvoie l’autre à sa place sociale, ce que l’uniforme du sport et ses principes de méritocratie avaient mis de côté : “J’ai pas eu tes rêves, moi, on n’est pas pareil. Tu es la seule à pas le voir.” lance Hicham à Valérie qui lui rétorque : “Tu sais ce que tu vas faire au pôle pendant deux ans ? Tu vas remplir les quotas.” 

La séparation est alors inéluctable, mais chacun des deux personnages trouvera à défaut de parole un geste pour montrer à l’autre l’importance de leur lien. Ce sera paradoxalement par un geste de tricherie que Hicham montrera sa loyauté à Valérie, tandis qu’elle-même aura cette réaction presque maternelle, ébauche d’une étreinte, celle de rabattre la capuche de Hicham sur sa tête, comme un adoubement, avant de lui demander sans ménagement de dégager. 

On restera alors sur le gros plan de son visage qui répond à celui qui ouvrait le film, mais sur lequel on peut désormais lire un sentiment d’inquiétude et de tristesse mêlées, une douleur de la séparation… “Gauche touché”. 

Anne-Sophie Lepicard 

Réalisation et scénario : Alexandre Labarussiat. Image : Eva Sehet. Montage : Damien Maestraggi. Son : Nicolas Joly et Samuel Mittelman. Musique originale : Anne De Boysson. Interprétation : Carl Malapa et Juliette Plumecocq-Mech. Production : La Ruche Productions et Origine Films.

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