
2020 - 10 minutes
France - Animation
Production : Miyu Productions
synopsis
Un couple sur les routes de Provence. Nils conduit Flora chez ses parents pour la première fois quand ils tombent dans une embuscade. Alors qu’elle est faite captive, il s’enfuit. Dans la nuit de la pinède, elle se retrouve face à ses doutes.
biographie
Lola Halifa-Legrand
Après un master de graphisme à l'École nationale supérieure des Arts décoratifs de Paris (Ensad), Lola Halifa-Legrand part étudier à Londres au Royal College of Art.
En qualité de graphiste, elle travaille sur des projets éditoriaux culturels et écrit aussi, sous le nom de plume de Lola Hale, des ouvrages jeunesse, tels Loveville, en collaboration avec la dessinatrice Camilla Pintonato, ou un volume de la série Adam & Yuli, réalisé avec Émilie Sandoval.
En 2023 paraît aux éditions Dupuis L'ami, un roman graphique conçu avec Yann Le Bec, tandis que Lola Halifa-Legrand est entre-temps aussi devenue réalisatrice, signant le court métrage d'animation Filles bleues, peur blanche avec Marie Jacotey (présenté au Festival de Cannes 2020), puis Nocomodo en 2022. Cette fiction en prises de vues réelles, produite par Bathysphère et notamment interprétée par Bastien Bouillon et Esther Garrel, est présentée à la Mostra de Venise en 2022, au sein de la section Orizzonti.
Lola Halifa-Legrand travaille actuellement à l'écriture de son premier long métrage.
Marie Jacotey
Née à Paris en 1988 et passée par l'École nationale des Arts décoratif (Ensad), Marie Jacotey est une artiste illustratrice installée depuis 2011 à Londres, où elle a obtenu un diplôme du Royal College of Art et où elle travaille désormais, exposant dans de nombreuses galeries et collaborant avec différents magazines ou marques.
Le crayon de couleur se situe à la base de sa démarche créative, qu'elle a exprimée notamment à travers le film court d'animation Filles blanches, peur bleue, coréalisé avec Lola Halifa-Legrand et sélectionné en compétition officelle des courts métrages au Festival de Cannes 2020, soit l'édition perturbée par la pandémie de Covid-19.
Le film a voyagé également dans une multitude de festivals de première catégorie, de Vila do Conde à Uppsala, en passant par Hambourg, Rhode Island ou Grenoble. Il a été en outre nommé aux prestigieux Annie Awards, aux États-Unis.
Marie Jacotey a signé en 2023 un opus de la collection “Regards du Louvre”, pour le compte du musée, intitulé Une chambre pour soi.
Critique
Balade spectrale et fantasmatique dessinée aux crayons de couleurs, Filles bleues, peur blanche constitue le premier court métrage d’animation, réalisé à quatre mains, de Marie Jacotey et Lola Halifa-Legrand. Présenté comme un songe hallucinatoire aussi étrange qu’envoûtant, il s’était distingué par son entrée envenimée dans la sélection officielle du Festival de Cannes 2020.
Les réalisatrices explorent l’impact de la jalousie au sein du couple et interrogent les mécanismes à l’œuvre dans les relations : les histoires passées qui ne cessent de nous hanter, les sentiments conflictuels d’un amour passionnel, l’ambivalence des connexions féminines teintées de désir, de rivalité et parfois d’admiration. Il s’agit là d’une jalousie fantasmée, une pulsion irrépressible qui, ne se basant sur rien, s’immisce dans l’inconscient et, soudain, balaie toute certitude.
C’est ce qui arrive à Flora, l’héroïne du film, prise dans l’embuscade de ses propres peurs personnifiées. Elle voit défiler toutes les ex de son copain Nils : plus belles, plus indépendantes qu’elle, intrépides et magnifiquement désobéissantes. Des ex évidemment mystifiées, sorties de sa tête comme une manifestation du trouble qui la ronge. Flora ressent la force de l’amertume dans sa chair. Elles incarnent le spectre de l’intime, le remous de ses souffrances, une ombre au tableau. Les autrices s’intéressent ici au délire paranoïaque qui pousse les curseurs, embrase l’intensité des sentiments, exacerbe la violence. La sensation est puissante, portée par une bande sonore fractale où s’entrechoquent le Stabat Mater de Pergolesi et Le gouffre du groupe Bagarre.
La singularité picturale du film repose sur l’univers surréaliste de Marie Jacotey et tout ce qu’il contient de vénéneux. On retrouve dans le dessin une spontanéité du geste qui donne libre cours à l’imaginaire, aux symboles, aux images mentales. Pourtant, dans cette effervescence visuelle, aucun détail n’est laissé au hasard. Chaque fille se distingue de l’autre et se singularise avec précision. La superposition de différentes plans mis en abîme rythme l’ensemble et impulse une immersion chez le spectateur.
C’est en déployant une telle puissance évocatrice que les réalisatrices parviennent à offrir un récit si pulsionnel et instinctif. Elles captivent notre regard en illustrant la métamorphose de Flora, qui s’affranchit de sa paranoïa amoureuse comme une fleur du mal. Poussée dans ses retranchements les plus intimes, l’héroïne incarne à la fois l’histoire d’une subversion tranquille et d’un châtiment tonitruant.
Léa Drevon
Réalisation : Marie Jacotey et Lola Halifa-Legrand. Scénario : Lola Halifa-Legrand. Animation : Marie Jacotey, Léo Schweitzer, Jean Da Ros, Augustin Guichot, Kevin Manach, Ugo Bienvenu, Elie Martens et Simon Duong Van Huyen. Montage : Albane du Plessix. Voix : Clémence Boisnard, Pauline Chalamet, Esther Garrel, Lola Halifa-Legrand, Victor Le Blond, Frankie Wallach et Nina Zamzem. Production : Miyu Productions.