Extrait
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Fast Film

Virgil Widrich

2003 - 14 minutes

Autriche, Allemagne, Luxembourg, France - Animation

Production : Les Productions de l’Amour Fou, Virgil Widrich Filmproduktion, Minataurus Film Luxembourg

synopsis

Un baiser, un couple heureux. Mais soudain la femme est victime d’un enlèvement. L’homme se lance dans l’aventure pour tenter de la libérer. Alors commence le récit d’un sauvetage dramatique, truffé de courses-poursuites effrénées. Un récit qui nous conduira dans les profondeurs de la terre et dans l’empire du mal.

Virgil Widrich

Né en 1967 à Salzbourg, Virgil Widrich est un réalisateur, scénariste, cinéaste et artiste multimédia autrichien qui, après avoir organisé entre 1993 et 1995 le Festival du film Diagonale dans sa ville natale, a principalement bâti sa notoriété sur une série de courts métrages expérimentaux sélectionnés et primés dans une multitude de festivals internationaux.

Copy Shop, en 2001, a ainsi reçu le Prix UIP à Sarajevo et le Prix de la meilleure musique à Clermont-Ferrand. Il a aussi été nommé l'année suivante à l'Oscar du mellleur court métrage en prises de vue réelles.

Fast Film a pour sa part concouru en compétition officielle des courts métrages au Festival de Cannes 2003, avant de se voir primé à Melbourne et Toronto, notamment.

Depuis 2010, il est professeur des études du Master "Art & Science" à l'Université des Arts appliqués de Vienne.

On se reportera pour plus de précisions au site personnel de Virgil Widrich.

 

Critique

Dans l’extraordinaire Copy Shop, qu’il réalisait deux ans plus tôt, le cinéaste autrichien Virgil Widrich démultipliait son personnage, employé lambda d’un magasin de photocopies, jusqu’au vertige, les infinis dédoublements de Kager illustrant une sorte de fable kafkaïenne sur la dépossession de soi. Dans Fast Film, l’entertainer expérimentalo-bricoleur prend le parti opposé. À la fable paranoïaque et introspective succède le grand spectacle et l’élargissement (des genres, des espaces et des dimensions). À la reproduction à l’identique d’un seul corps succède l’éclatement de la figure du héros. Et ainsi passe-t-on du dédoublement et de la répétition du même à la prolifération et aux associations des plus hétérogènes.

Car, ici, ce n’est plus, comme dans Copy Shop, le personnage qui importe, mais bel et bien le mouvement, le défilement d’un film qui semble livré à lui-même, déconnecté de toute psychologie et uniquement motivé par le plaisir cinétique et l’enthousiasme ludique. Pour cela, Widrich et son équipe s’emparent du motif hollywoodien de la course-poursuite pour le creuser et l’épuiser dans un tourbillon de citations, de gestes et d’actions. Les films, les registres, les époques et les acteurs se mêlent, se mélangent, mais le mouvement imprime le sens et la cohérence d’un film multipliant les couches d’images.

Le principe cinéphilique de reconnaissance, d’identification (de films, de comédiens) n’est évidemment pas étranger au plaisir que l’on prend face à Fast Film. Et il faut souligner comme la proposition était contemporaine du phénomène du mash-up en musique pop/rock (qui consistait, pour les DJ, à mélanger plusieurs morceaux, souvent dissemblables, pour en tirer quelque chose de neuf et d’enthousiasmant). Il faut rappeler aussi comme Fast Film préfigurait (tout en poursuivant une tradition autrichienne ancrée, avec Peter Tcherkassky ou Martin Arnold en têtes de file) toute une tendance citationnelle du cinéma de remploi, approche cinéphage que YouTube et les logiciels de montage grand public populariseront dans les années qui suivront.

Le film est loin, pourtant, de n’être qu’un simple recut sur le motif de la poursuite. Car, à l’instar de Copy Shop, réalisé à partir de milliers de photocopies dupliquant les scènes tournées live, la matière filmique vient – et c’est là l’essentiel – redoubler les images et le récit : Fast Film est ainsi moins un film de remploi qu’un film d’animation. Où il va s’agir de jouer avec les projections sur papier de scènes emblématiques, refilmées image par image, au banc-titre, assemblées en trois dimensions par la grâce de pliages, de déchirements ou à travers la création de nombreux origamis. Le papier ne sera plus surface plane comme les feuilles crachées par le photocopieur du film précédent, il sera cette fois malmené, remodelé, froissé, abimé pour “rejouer” tant les actions des scènes originelles que pour “recréer” les moyens de locomotion empruntés par le(s) héros. L’apparition de cette troisième dimension, le jeu qu’instaure le cinéaste avec celle-ci, participe bel et bien du vertige d’un film qui poursuit, sans les répéter et en se renouvelant constamment, les stimulantes expérimentations de Copy Shop.

Stéphane Kahn

Réalisation, scénario et montage : Virgil Widrich. Image : Martin Putz. Animation : Gernot Egger, Michael Lang, Markus Loder-Taucher, Vinh-San Nguyen, Alexandra Pauser, David Reischl, Walter Rafelsberger, Christian Ursnik, Carmen Völker, Mario Waldhuber et Gerald Zahn. Son : Frédéric Fichefet. Production : Les Productions de l'Amour Fou, Virgil Widrich Filmproduktion et Minataurus Film Luxembourg.