Extrait
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Euridice, Euridice

Lora Mure-Ravaud

2022 - 43 minutes

France, Suisse - Fiction

Production : Alva Film Production, 5 à 7 Films

synopsis

Ondina est une jeune femme solaire et épanouie. Elle partage sa vie avec Alexia. C’est sa grande histoire d’amour, passionnelle et charnelle. Mais un jour, Alexia s’envole pour sa Grèce natale et ne revient pas.

Lora Mure-Ravaud

Lora Mure-Ravaud, née à Bordeaux en 1990, est de double nationalité française et polonaise. Après des études de philosophie et de lettres, elle se tourne vers la réalisation. Ses deux premiers films, Joconde, et Côté cour, réalisés dans le cadre de l’ECAL (école de cinéma de Lausanne), font leur première au Festival de Locarno en 2015 et 2016.

Son film de diplôme, Valet noir, est nommé au Prix du cinéma suisse et remporte le Prix du meilleur court métrage au Festival de Winterthur et le Prix de la relève au Festival de Soleure.

En 2022, elle revient à Locarno avec Euridice, Euridice, un moyen métrage tourné à Rome et qui lui vaut le Pardino d'oro. Le film, également sélectionné à Premiers plans à Angers, fera partie ensuite de la présélection au César du meilleur court métrage de fiction en 2024.

Lora Mure-Ravaud écrit actuellement son premier long métrage.

Critique

Il y a la torpeur de l’été, le sexe, les petits-déjeuners au lit, les rues du quartier qu’on connaît par cœur, les moments d’ennui à deux, les bars où l’on se retrouve et les coins d’eau reclus, partagés seulement avec la bande. Ce sont des fragments de vie, des fragments de lieux, tissés par les sentiments et le soleil. Une touche rohmérienne irrigue ainsi le cinquième court de Lora Mure-Ravaud. Le temps et les paysages s’offrent à nos yeux en mosaïque et les protagonistes en font le liant. Embrassées par une photographie travaillée mais pas trop (soucieuse d’une belle composition sans empêcher l’émotion), Ondina et Alexia imposent au montage le rythme de leur dolce vita : c’est doux, ça fait danser les ellipses, ça poétise le quotidien. Le magnétisme et le regard transperçant de la première nous saisissent, la discrétion et le mystère de la seconde nous envoûtent. Lora Mure-Ravaud les plonge dans des décors sans contours bien définis et nous fait souvent arriver après le début et partir avant la fin de chaque scène, prônant une mise en scène libérée de tout systématisme et de toutes attentes, laissant à notre imaginaire la possibilité d’investir un hors-champ. Alors la rumeur du monde est loin, le présent est estival, léger, innocent sans doute.

Mais dans ce microcosme intime s’éploie une seconde ligne narrative, à bas-bruit, qui disperse ici et là le récit du mythe grec éponyme. Lora Mure-Ravaud l’adapte aussi bien dans la forme que dans le fond : il y a cette première mise en abyme quand Alexia joue le rôle d’Eurydice dans son dernier film et cette seconde, plus cruelle, quand le tournant tragique du mythe s’applique au quotidien de ces deux femmes, brisant d’un geste l’idylle qu’elles construisaient, coupant le souffle d’Ondina par sa soudaineté et sa violence. Nous étions pourtant prévenus ; il fallait être attentifs, ne pas se laisser bercer.

L’eau était douce et chaude. Puis froide. Très froide”. À l’instar de cette phrase qui conte donc la disparition de l’une et l’effondrement de l’autre et qui résonne sur une mer bleu azur aussi belle que mortelle, Euridice, Euridice, se construit en diptyque. À présent, le récit bifurque, la première partie très solaire se voit teintée de noir et Ondina, profondément meurtrie, nous apparaît aussi fébrile qu’elle était forte. Dans ce second mouvement, Lora Mure-Ravaud capture à merveille l’“absence à soi-même”, s’attardant sur des regards, des soupirs, des sourires tristes. Sa protagoniste connaît une trajectoire inversée et s’éloigne de nous, se replie sur elle-même, brisée par le chagrin. La lumière qui nimbe les plans n’éclaire plus les sourires ou les regards amoureux ; elle travaille une sorte de persistance rétinienne : la personne disparue reste en tête et visite comme le fait une image qui résiste à sa propre évaporation car inscrite au plus profond de notre rétine. En saudade brésilienne Euridice, Euridice entonne en majeur les histoires habituellement contées en mineur et semble nous rappeler que tout est éphémère, fugitif, fragile surtout. Mais quand le monde s’arrête de tourner, l’ouverture aux autres est souvent le meilleur remède pour ne pas sombrer et cela, cette jeune réalisatrice sait aussi le filmer.

Lucile Gautier

Réalisation et scénario : Lora Mure-Ravaud. Image : Augustin Losserand. Montage : Suzana Pedro. Son : Dominic Rogan, Simon Apostolou, Colin Favre-Bulle et Arno Ledoux. Musique originale : Marcel Vaid. Interprétation : Ondina Quadri, Alexia Sarantopoulou et Dario Menichetti. Production : Alva Film Production, 5 à 7 Films.

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