
2016 - 28 minutes
France - Fiction
Production : Qualia Films
synopsis
Dans les années 1990, le terrorisme algérien s’invite en France. Deux hommes. Deux identités. Un affrontement.
biographie
Sélim Azzazi
Né en 1975 à Lyon, Sélim Azzazi a étudié à l'École nationale supérieure Louis-Lumière, dont il est sorti diplômé en 1999.
Il a travaillé depuis comme ingénieur ou monteur son sur plus de vingt-cinq longs métrages, dont Mortel transfert de Jean-Jacques Beineix, Les brigades du Tigre de Jérôme Cornuau, Les aventures extraordinaires d'Adèle Blanc-Sec de Luc Besson, La belle et la bête de Christophe Gans, Le sens de la fête d'Olivier Nakache et Éric Toledano ou encore Retour à Montauk de Volker Schlöndorff. Il a été distingué du César 2010 du meilleur son pour Le concert, de Radu Mihaileanu.
Il est passé à la réalisation le temps d'un seul et unique court métrage, Ennemis intérieurs, en 2015. Produit par Qualia Films, le film a été présenté au Festival de Clermont-Ferrand 2016, où il a reçu le Prix du public compétition nationale et celui du jury jeune national, avant de se voir nommé à l'Oscar du meilleur court métrage de fiction en 2017.
Critique
“Vous connaissez la devise de la République française ?”. L’entretien commence ainsi, dans ce bureau sombre incarnant l’administration dans ce qu’elle a parfois de plus terrifiant. Ennemis intérieurs est l’histoire d’un face-à-face en huis clos, d’un échange tendu entre deux descendants d’Algériens séparés par une barrière invisible. L’un demande la naturalisation (ou, pour être précis, une demande de réintégration à la nationalité), l’autre est un policier soucieux de traquer les terroristes. Il faut dire que nous sommes dans les années 1990, quand on ne parlait que de la guerre civile en Algérie et que le terrorisme resurgissait en France.
Comme souvent dans un tel face-à-face en champ/contrechamp doublé d’un plan latéral, le verbe est le moteur de l’action. L’interrogateur traque la faille, le demandeur questionne sa propre identité : Français avec statut d’immigré, où qu’il habite. Progressivement, le demandeur, mitraillé de questions (“Ça représente quoi, pour vous, de devenir français, en un mot ?") doit justifier son passé, ou même sa foi. Il est acculé, l’interrogateur étant prêt soudain à revoir son autorisation de séjour sur le territoire français.
Plusieurs rebondissements rythment les vingt-sept minutes du film, faisant vivre au spectateur (et au demandeur, avec qui il est spontanément en empathie) des montagnes russes virtuelles. Dans la progression narrative se nichent des flash-back en forme d’images mentales, de courtes échappées rêvées qui strient et contaminent l’image par les couleurs. On passe d’un vert froid aux jaunes des lumières artificielles. Surgissent aussi les images noir et blanc de l’interrogatoire filmé. Bien que les personnages soient souvent assis, il existe une chorégraphie de ces deux corps tendus avant que la mise en scène ne se recentre sur leurs visages.
Les deux acteurs, Hassam Ghancy et Najib Oudghiri, nourrissent leur jeu de leur expérience théâtrale. Leurs compositions respectives sont subtiles, les deux personnages appelant l’art de la nuance. L’interrogateur ne doit pas être caricatural, il reste dans la froideur de l’administration plus que dans l’inquisition exacerbée. Le demandeur, lui, exprime l’assurance sans que la peur, présente, ne l’envahisse trop. Ce sont deux partitions formidables qui dépassent l’abstraction initiale de leurs personnages symboliques.
Ennemis intérieurs a représenté la France aux Oscars en 2017 après avoir été sélectionné dans de nombreux festivals. Son réalisateur, Sélim Azzazi, formidable monteur son, n’a pas refait de film jusqu’à maintenant.
Bernard Payen
Réalisation et scénario : Sélim Azzazi. Image : Frédéric Serve. Montage : Anita Roth. Son : Pascal Jacquet et Vincent Cosson. Interprétation : Hassam Ghancy, Najib Oudghiri et Stéphane Perrichon. Production : Qualia Films.