2021 - 21 minutes
Belgique, France - Fiction
Production : Wrong Men, Topshot Films
synopsis
Apprenti cinéaste, Juan réalise un portrait documentaire de Coco, une marginale d’une trentaine d’années.Le film est vite remis en question quand Juan découvre que Coco se prend pour une fée dans une société désenchantée.
biographie
Zoé Arene
Après un cursus à l'université Paris 8 et un master en réalisation à l’Insas, en Belgique, Zoé Arene alterne entre l’écriture et les plateaux de cinéma en tant qu’assistante-réalisatrice. En fin de conte est son premier court métrage, un “mockumentary” abordant les thèmes qui lui sont chers : l’imaginaire et le (dangereux) désenchantement du monde.
Le film est présenté dans de nombreux festivals internationaux (Brest, Bruxelles, Contis, Copenhague, Gand, Rhode Island, Tallin, Tampere…), recevant en 2021 le Mélies d'Argent à Court métrange, à Rennes.
Critique
On peut difficilement, devant En fin de conte, occulter la référence, sinon une influence exercée par C’est arrivé près de chez vous, film-borne dans l’histoire du cinéma wallon, mais aussi dans celle de la production low cost. On pourrait multiplier les points de comparaison entre l’ovni filmique de Belvaux, Bonzel et Poelvoorde, datant de 1992, et ce court métrage postérieur de trois décennies, qui reprend le principe du film dans le film, avec un zébulon comme sujet suivi de très près par une caméra portée à l’épaule, multipliant du coup les adresses au spectateur (en réalité à celui qui filme) et orientant au bout d’un temps le rythme et le montage du récit par ses excentricités et ses débordements.
Cette fois, on n’a pas à faire à un psychopathe tel que celui qu’incarnait dans ledit film un Poelvoorde encore inconnu, mais tout de même à un drôle de spécimen. Coco, la trentaine fatiguée et portant une improbable coupe mulet, vit dans la précarité tandis qu’un certain Juan, étudiant ayant décidé de lui consacrer un travail de son école de cinéma, plus précisément pour l’observer face à son déclassement social, s’est embarqué sur ses traces. Coco s’acharne alors à lui faire intégrer la réalité de son identité supposée, celle d’une fée exerçant depuis déjà quelques siècles…
Le décalage entre le postulat d’un portrait proche du reportage naturaliste et la fantasmagorie dans laquelle la pauvresse semble s’être réfugiée est source de drôlerie, d’abord, le cinéma belge francophone excellant à mettre en scène des illuminés en se gardant toutefois de s’en moquer – on pense entre autres aux antédiluviens Bob le déplorable, de Frédéric Fonteyne (1993), et Le signaleur, de Benoît Mariage (1997). Ainsi Coco essaie-t-elle – assez lamentablement – d’exaucer le vœu d’une gamine perplexe croisée dans un square – et qui se montre surtout incommodée par l’odeur corporelle de cette quasi-clodo ! – et échoue-t-elle à se fondre dans les procédures de l’agence pour l’emploi où elle dépose un épais grimoire en guise de CV… Dans ce type de situations, peu importe d’être en roue libre dans l’interprétation, la roublardise fait partie du cahier des charges et Aline Mahaut fait des étincelles, jusqu’à une mémorable séquence d’ivresse débridée.
Ce qui est plus touchant est la bouée que représente le film pour cette femme seule, en pleine déconfiture et qui, dans le fond, voit surtout qu’on s’intéresse enfin à elle pour une raison précise, même si ce n’est pas celle qu’elle escomptait. Dès lors, elle s’empare sensiblement du projet “artistique”, se montrant le plus souvent imprévisible, sinon incontrôlable, et la forme et la texture d’image en prennent directement l’empreinte, avec des à-coups, des cuts inopinés, des grésillements et hachures, etc. L’œuvre semble devenir un temps celle de Coco, qui occupe l’espace et chipe même la caméra pour, à son tour, cadrer Juan, demeuré jusque-là en hors champ. Et si l’on pourra éventuellement trouver le dénouement un peu facile, une dose de surnaturel n’est jamais exclue du côté de la production d’outre-Quiévrain, comme une lointaine postérité de quelques grands maîtres du merveilleux, de Servais à Delvaux, en passant par Smolders.
Christophe Chauville
Réalisation et scénario : Zoé Arene. Image : Alexandre Cabanne. Montage : Léo Parmentier. Son : Valentin Mazingarbe et Paul Jousselin. Musique originale : Victor Loh. Interprétation : Aline Mahaux, Juliàn Gomez et Laurent Micheli. Production : Wrong Men et Topshot Films.