
2012 - 21 minutes
France - Fiction
Production : Shaker Production, Chevaldeuxtrois
synopsis
Banlieue parisienne. Bastien, 16 ans, vient de remporter un match avec son équipe de foot. Alors qu’il célèbre la victoire, son ami Sékou lui fait part d’une nouvelle devant ses coéquipiers : la fille à l’écharpe rouge souhaite faire sa connaissance.
biographie
Steve Achiepo
Né le 18 décembre 1981 à Sèvres, dans les Hauts-de-Seine, Steve Achiepo a passé sa jeunesse à Cergy, en banlieue parisienne.
Après avoir travaillé dans l’immobilier, il décide, à l’âge de vingt-trois ans, de tout abandonner et de se consacrer au cinéma. Il débute alors une carrière d’acteur, notamment dans des courts métrages (tels Je viens, de Teddy Lussi-Modeste, et Waramutseho !, de Bernard August Kouemo Yanghu, en 2009). Il incarne en 2016 le sinistre Youssouf Fofana, le chef du Gang des Barbares, bourreau d'Ilan Halimi dans Tout, tout de suite de Richard Berry, alors qu'il est déjà passé à la réalisation à la faveur de plusieurs films courts.
Le premier, En équipe (2013), a été sélectionné dans de nombreux festivals, dont le Festival des films du monde de Montréal et à Côté court, à Pantin. Il a obtenu aussi le premier prix Talent en court au Festival Cinébanlieue.
À la source, où il apparaît également lui-même aux côtés de la jeune Audrey Bastien, suit en 2014. Il est présenté notamment à Paris Courts devant. Après trois autres courts – Le jour de ton jour (2017), Nos rugissements (2018) et Haut les pulls (2019), il se lance dans la réalisation de son premier long métrage, produit par Barney Production.
Réunissant Moussa Mansaly, Aïssa Maïga et Ophélie Bau, Le marchand de sable reçoit le Bayard d'or de la meilleure première œuvre au Festival international du film francophone de Namur en 2022, puis au Festival Premiers plans d'Angers au début de l'année suivante, avant de sortir dans les salles le 15 février 2023.
Critique
En équipe date du début des années 2010, donc avant la naissance du mouvement #MeToo et autres #Balancetonporc. Son récit est étroitement lié à cette problématique symptomatique du rapport qu’ont les adolescents aux filles de leur âge, et à la femme en général, dans un certain contexte socio-économique – la banlieue, pour résumer – et au sein d’un microcosme précis – le football amateur. Le titre résonne ainsi doublement, puisqu’à ce sport qui se joue “en équipe”, exaltant des valeurs positives de solidarité et d’engagement collectif répond la conviction commune aux garçons de “devoir partager” entre potes les éventuelles faveurs d’une jeune fille séduite par l’un d’entre eux, ce qui laisse pantois dans la manière toute naturelle de l’envisager et de l’exprimer par la parole. La faute à l’omniprésence de la pornographie sur les smartphones, évidemment, qui brouille les pistes entre le vrai et le faux dans les jeunes esprits en construction. La faute aussi aux réputations créées de toutes pièces, un lapidaire “c’est une salope !” lâché, aussi gratuit que crétin, faisant dorénavant foi au sein du groupe dans son ensemble.
Ce que Steve Achiepo réussit à instiller dans son premier court métrage, c’est pourtant la nuance qui existe au départ dans l’esprit de son personnage principal, Bastien. Mais à seize ans, il ne peut lutter contre la force – dévastatrice – du groupe alors qu’il se montre plutôt réservé, initialement respectueux de Lauriane, dont on lui a dit qu’il ne la laissait pas indifférente… Un peu fleur bleue même, hésitant et emprunté lors d’un tête-à-tête plutôt tendre. Mais c’est l’injonction machiste qui, dans sa bête vulgarité, le conduit à jouer un rôle qui n’est pas le sien, maladroitement et abruptement. Même chose pour son pote Sékou, qui endosse une personnalité hâbleuse de dominant “alpha”, méprisant les femmes devant ses congénères footeux dans le vestiaire alors que ce n’est pas exactement le cas dans la réalité, comme plusieurs scènes le laissent entrevoir. Au bout du compte, ce constat atterrant a trait à l’existence vivace de ce mal ordinaire, à cette perméabilité à des codes ineptes conduisant potentiellement à une forme de fascisme et à un traitement impitoyable envers les présumés plus faible, pour de pathétiques raisons d’image de soi à “valoriser”. Et cette anomalie de comportement subsiste encore, quoiqu’on en dise, en de multiples endroits, des salles de garde d’internes en médecine aux antichambres de l’élite républicaine (voir le “bahutage” installé pour les Saint-Cyriens, à la base du récit de Pour la France, de Rachid Hami, également en salles à partir de ce 8 février). En équipe, certes, mais de quelle sorte ?
Christophe Chauville
Réalisation : Steve Achiepo. Scénario : Vincent Maury et Steve Achiepo. Image : Sébastien Goepfert. Montage : Julie Lena. Son : Renaud Triboulet, Margot Testemale et Laurent Blahay. Musique originale : Jean-Maxime Joassin. Interprétation : Bastien Bourhis, Sékou Baradji-Darra, Lauriane Bolmont et Steve Achiepo. Production : Shaker Production et Chevaldeuxtrois