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Écoutez le battement de nos images

Audrey Jean-Baptiste, Maxime Jean-Baptiste

2021 - 15 minutes

France - Documentaire

Production : L’Observatoire de l’Espace

synopsis

“Écoutez le battement de nos images” aborde la construction de la base spatiale de Kourou (Guyane française), à travers le regard d’une jeune Guyanaise qui observe la transformation de son territoire comme une spectatrice. Combinant l’enquête de terrain et un processus de montage d’images d’archives, ce film aborde la conquête spatiale française d’un point de vue inédit.

Audrey Jean-Baptiste

Audrey Jean-Baptiste naît en France en 1985. Diplômée d’un Master en réalisation documentaire et lauréate de différents ateliers d’écriture (Résidence de cinéastes en Seine-Saint-Denis et Résidence d’écriture La Ruche), elle signe en parallèle de ses études plusieurs courts métrages, dont Empty Shells (2016) et Looking for (2014), tout en exerçant régulièrement en tant qu’assistante régie, casting et mise en scène sur différents projets de cinéma ou de télévision. 

En 2018, son film Fabulous est sélectionné dans une trentaine de festivals internationaux et amorce un début de carrière lumineux.

En hommage à ses origines guyanaises et à l’amour des thématiques familiales et de la complexité du rapport humain aux territoires qu’elle partage avec son frère Maxime Jean-Baptiste, coréalisateur du projet, c’est le très fort Écoutez le battement de nos images, court documentaire en lice pour les César 2023, qui révèle au grand public la sensibilité artistique de ce duo prometteur. Une œuvre à la narration hybride naviguant dans les eaux lucides de la mémoire orale, entre archives et intimisme. 

Maxime Jean-Baptiste

Maxime Jean-Baptiste naît en France en 1993 et entame une carrière de cinéaste et musicien entre Bruxelles et Paris. 

Détenteur d’une Licence en Arts visuels et d’un Master belge d’Arts médiatiques, son travail audiovisuel est principalement performatif, ancré sur la retranscription vivante de la mémoire, et oscille entre film documentaire et art contemporain.

Son court métrage autobiographique Nou voix reçoit en 2018 le prix du jury au Festival des cinémas différents et expérimentaux de Paris.

En hommage à ses origines guyanaises, et à l’amour des thématiques familiales et de la complexité du rapport humain aux territoires qu’il partage avec sa sœur Audrey Jean-Baptiste, coréalisatrice du projet, c’est le très fort Écoutez le battement de nos images, court documentaire en lice pour les César 2023, qui révèle au grand public la sensibilité artistique de ce duo prometteur. Une œuvre à la narration hybride naviguant dans les eaux lucides de la mémoire orale, entre archives et intimisme. 

Critique

On dit à juste titre que le cinéma de remontage, de réemploi, est une affaire de réappropriation des images qui n’ont pas été réalisées par les cinéastes. C’est bien le cas ici, et même d’une façon tranchante et assez frontale la formulation d'une véritable revendication. Audrey et Maxime Jean-Baptiste, sœur et frère originaires de Guyane, ont réalisé Écoutez le battement de nos images en étant lauréats d’un appel à projets du fonds audiovisuel de l’Observatoire de l’espace du Centre national d’études spatiales (CNES), qui apparaît comme le producteur du film – l’institution n’émettant pas une commande en tant que telle, mais offrant une résidence.

Cette revendication de la part du duo s’invite dans le titre d’une façon parfaitement limpide : faire de ces images nôtres, c’est à dire les leurs, et celles du peuple dont ils sont issus. Cela signifie déplacer le point de vue – de l’institution, de la métropole, de l’européocentrisme – du matériau d’origine, à travers le montage, la mise en son et en musique de celles-ci, et la voix-off d’une jeune femme puisant dans sa mémoire et convoquant, à la façon d’un conte, la figure de son grand-père. Le film s’appuie sur une matière visuelle pleine d’une profonde étrangeté – jouant, sans avoir à forcer quoi que ce soit, sur les codes de la science-fiction – et d’une beauté toujours suspecte, gagnée par l’inquiétude. C’est ainsi qu’un simulacre de ville, avec toutes les commodités, se pose dans les tropiques, et bien sûr les installations spatiales écrasantes. Sans oublier la civilisation des loisirs qu’il fallait appliquer ici, prenant plus encore possession du territoire.

L’aventure spatiale – comme les autorités aimaient à la présenter, pour le progrès et la science – en Guyane se relie concrètement à l’indépendance de l’Algérie ; la mission civilisatrice devait se poursuivre sous d’autres latitudes, même s’il ne s’agit en rien de comparer les situations. Dans Écoutez le battement de nos images, le mouvement de reprise en main des images se double d’une prise de parole alors que les populations furent réduites au silence, à l’expropriation, à la défiguration de la culture, du mode de vie et des paysages. Nul besoin pour cette voix, sur le fond comme la forme, de surjouer la colère et la violence. Ces dernières se logent dans les images, dans le témoignage du déracinement, de la prédation vécus par le peuple guyanais, qui, comme d’autres avec les satellites soviétiques, se demandait si tout cela n’allait détraquer le climat et l’atmosphère.

Audrey et Maxime Jean-Baptiste ont à cœur de rendre possible les conditions d’une profonde écoute, autre revendication explicitée par le titre. Pour cela, ils utilisent l’écran noir tout juste constellé de quelques crépitements, un motif qui donne une représentation à l’angle mort dans lequel les populations autochtones furent placées – à l’exception de quelques plans en noir et blanc, renvoyant peu ou prou au cinéma d’exploration. Le commentaire formule de fort belle façon que ce noir était devenu une image. Un noir tout juste déchirée par le feu et les panaches de fumée d’une fusée en route pour l’espace. Pour revenir à la question de l’écoute, on remarque que le son préexiste à l’image et à la voix, c’est par lui, avant toute chose, que le film s’amorce : la faune et de la flore de la jungle. Cette même nappe revient in fine, à la manière d’un émouvant spectre.

Arnaud Hée

Réalisation, scénario, image et montage : Audrey Jean-Baptiste et Maxime Jean-Baptiste. Son : Clément Laforce. Musique originale : Maxime Jean-Baptiste. Voix : Rose Martine. Production : L'Observatoire de l'Espace.

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