Extrait
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Dummy

Laurynas Bareiša

2020 - 13 minutes

Lituanie - Fiction

Production : Afterschool

synopsis

À l’aide d’une poupée sans visage, un criminel reconstitue un crime brutal. Mais, étonnamment, ce n’est pas lui qui est jugé. Il semble qu’il y ait un intrus dans le groupe d’enquêteurs. 

Laurynas Bareiša

Né le 26 février 1988 à Kaunas, en Lituanie – alors encore située en URSS –, Laurynas Bareiša est réalisateur, directeur de la photographie, scénariste et monteur.

Il a réalisé en 2014 un premier court métrage, Dembava. Plusieurs autres films courts ont suivi, dont Caucasus (2018) et Dummy (2020). Ce dernier fut sélectionné à la Berlinale et au Festival de Clermont-Ferrand.

Laurynas Bareiša passeit alors au long métrage avec Piligrimai, présenté à la Mostra de Venise en 2021. C'est dans un autre festival de catégorie A, celui de Locarno, qu'il aura triomphé en 2024 avec son deuxième long, Drowning Dry (Seses), qui lui permit de remporter le Prix de la meilleure réalisation.

Laurynas Bareiša est également le monteur, entre autres, de Community Gardens et de Cherries, deux courts métrages réalisés par Vytautas Katkus.

Critique

Un lent “dézoom” dévoile la présence d’un pylône électrique en pleine nature ; sa menaçante verticalité opère déjà une tension dans l’image, tandis qu’une voiture semble être en difficulté pour rejoindre un lieu sinueux et reculé. Des enquêteurs sortent du véhicule et démenottent un homme avant de lui fournir un mannequin en mousse. Celui-ci traîne nonchalamment ce corps simulacre pour rejouer les faits et gestes d’un éprouvant féminicide.

Lointainement inspiré par le long métrage roumain de Lucian Pintilie La reconstitution (1969), Dummy dessine un commentaire social à travers des mouvements de caméra d’une rigoureuse subtilité, tout en instillant un récit à combustion lente. Une jeune inspectrice, Migle, se distingue très vite de ses collègues hommes. Elle paraît véritablement concernée par la reconstitution criminelle, prend des notes, archive les peines et pose des questions pertinentes. Le film de Laurynas Bareiša tisse l’attentive anatomie d’une discrimination féminine dans une situation déjà engourdie. Migle est écrasée par ses homologues masculins et cela se matérialise dans des cadres chirurgicaux, comme le personnage de Jodie Foster dans Le silence des agneaux, de Jonathan Demme (1993), peinait à exister dans un environnement policier presque machiste. Elle se retrouve esseulée dans certains plans et paraît ainsi elle-même se trouver sous le joug des inquisiteurs. On sent le poids de la toxicité masculine et une intranquillité prédatrice, notamment avec une construction scénique crispante : via cette séquence où le groupe s’enfonce dans une forêt dense parsemée d’une végétation indocile ou encore dans le flou de la profondeur de champ qui rajoute une angoisse rampante à cet environnement étonnamment claustrophobique.

La brutalité virtuelle que l’on confère au mannequin retrouve une réactualisation concrète via le personnage de l’investigatrice subissant un autre type de violence sous-jacent, celle des mots (“tu ne pèses presque rien”), des blagues scabreuses et des regards équivoques. Une dernière œillade, presque fantastique, se fait entre la femme et le pantin, cette vaporeuse présence/absence venant jeter un dernier trouble signifiant.

William Le Personnic

En partenariat avec 

Réalisation, scénario, image et montage : Laurynas Bareiša. Son : Julius Grigelionis. Interprétation : Dmitrijus Denisiukas, Kęstutis Stasys Jakštas, Giedrius Kiela, Artūras Lepiochinas, Karolis Maiskis, Paulius Markevičius et Indrė Patkauskaitė. Production : Afterschool.

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