Extrait
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Des nœuds dans la tête

Stéphane Demoustier

2010 - 23 minutes

France - Fiction

Production : Année Zéro

synopsis

Damien est en vacances chez Élise, sa petite amie, dans la maison de vacances familiale. Le grand frère d’Élise les rejoint pour le week-end. Il se montre possessif, intrusif. L’amour fraternel flirte avec les limites. Damien s’en tiendra-t-il au rang de spectateur ?

Stéphane Demoustier

Né à Lille en 1977, Stéphane Demoustier réalise ses premiers courts métrages en 2010 : À mains nues, coréalisé avec Guillaume Foresti, Dans la jungle des villes et Des nœuds dans la tête. Pour ce dernier, sélectionné au Festival Tous Courts d’Aix-en-Provence en 2011, il confie les premiers rôles à sa sœur Anaïs Demoustier et à Grégoire Leprince-Ringuet, alors tout jeunes comédiens. S’en suivent Bad Gones l’année suivante, Fille du calvaire en 2012 et Les petits joueurs en 2013.

En 2014, le réalisateur présente son premier long, Terre battue, à la Semaine de la critique de la Mostra de Venise. Olivier Gourmet et Valeria Bruni Tedeschi y jouent les parents d’un enfant voulant à tout prix devenir joueur de tennis professionnel.

Parallèlement, Stéphane Demoustier a fondé depuis 2007, la société de production, Année zéro, avec laquelle il a produit plus de trente courts métrages. L’un d’eux, réalisé par ses soins et d'une durée de 59 minutes, Allons enfants, a reçu la mention spéciale du jury “Génération Kplus” à la Berlinale 2018, avant de sortir en salles la même année.

Stéphane Demoustier dirige de nouveau sa sœur Anaïs, aux côtés de Roschdy Zem et Chiara Mastroianni, dans un nouveau long métrage, La fille au bracelet, présenté au Festival de Locarno en 2019 et sorti en salles en février de l'année suivante, à la veille de la pandémie de Covid-19. Il reçoit la César 2021 de la meilleure adaptation.

Le cinéaste revient en 2024 avec Borgo, polar carcéral tourné en Corse et dont Hafsia Herzi tient le premier rôle. Cette denrière obtient l'année suivante, pour sa prestation, le César de la meilleure actrice. Stéphane Demoustier enchaîne alors avec un nouveau film, L'inconnu de la Grande Arche adapté du roman éponyme de Laurence Cossé et montré à Cannes au sein de la section Un certain regard.

En parallèle, il a signé les quatre premiers épisodes d'une série pour Canal+ : Cimetière indien.

Critique

Incontrôlable. Alexandre est incontrôlable. Comme la main de Dina, l’une des premières héroïnes de Stéphane Demoustier (À main nue, 2009), Alexandre est intrusif, tout comme l’était aussi, d’une autre manière, Jérôme, l’un des personnages principaux de son film précédent Dans la jungle des villes (2009). Alexandre, c’est le frère d’Élise, qui a un petit ami, Damien. Il fait un jour irruption dans la vie de ce jeune couple lambda et le fait progressivement imploser par sa présence jalouse. Cela commence incidemment, par un cadeau d’anniversaire plus important que ne le fait son compagnon (un piano acoustique contre une écharpe), cela se poursuit par les mots d’Alexandre (impliquant une ressemblance physique avec la jeune fille, interrogeant Damien sur leur sexualité), en contrepoint de gestes tendres du frère à sa sœur (une caresse dans le dos…).

L’art de Stéphane Demoustier est triple : force du huis clos favorisant les jeux de regard du trio sans que la présence physique des corps des personnages ne soit occultée, intensité temporelle (le film se déroule sur quelques jours où le trio de base se renverse totalement), finesse de la direction d’acteurs : Anaïs Demoustier, Bruno Clairefond, Grégoire Leprince-Ringuet ne jouent pas une partition facile, de la froideur à l’attachement.

Un autre personnage s’insinue peu à peu au cours du film, c’est la musique, le piano pratiqué par Élise, lieu de convergence des fluides fraternels et mistral d’éloignement pour la jeune femme, qui envisage de partir étudier à l’étranger. La musique de Mozart (Fantaisie en ré mineur et Marche funèbre) jouée par les interprètes contribue à ce sentiment ambigu de distance et de rapprochement qui émane de ce film avant tout sensuel, voire sexuel. À la fin du film, en voyant ce travelling élégant se rapprochant d’Élise allongée dans le canapé sans qu’on puisse voir son visage, on pense à l’inéluctabilité des thrillers chabroliens, quand le quotidien devient tragédie intime.

Un homme joue au ballon près de la maison ; le second file, loin, dans un taxi, loin de celle qu’il aimait. Dans la dernière discussion que les deux jeunes hommes ont eue perçait une douceur amère. Jusqu’où pourrait aller ce frère pour “protéger” sa sœur ? Le film ne le dit pas, mais permet de l’imaginer.

Des nœuds dans la tête est l’un des meilleurs films courts de Stéphane Demoustier, passé depuis au long métrage avec Terre battue et La fille au bracelet, et également fin producteur. On retrouve au générique quelques noms-clés de sa tribu d’Année zéro, dont Benoît Rambourg (chef-opérateur, réalisateur) et Damien Maestraggi, l’un des monteurs contemporains les plus passionnants, sans parler de Guillaume Brac (à l’époque assistant de production et de réalisation).

Bernard Payen

Réalisation et scénario : Stéphane Demoustier. Image : Benoît Rambourg. Montage : Damien Maestraggi. Son : Emmanuel Bonnat et Vincent Verdoux. Interprétation : Bruno Clairefond, Anaïs Demoustier et Grégoire Leprince-Ringuet. Production : Année zéro.

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