
2016 - 12 minutes
France - Expérimental
Production : Aka Productions
synopsis
Sur une île écossaise, un policier dépressif enquête sur la disparition d’une fille. La mère éplorée tient pour responsable de la disparition les habitants de l’île. Mère et fille sont en fait la même personne.
biographie
Bertrand Mandico
Né à Toulouse en 1971, Bertrand Mandico est diplômé de l’école de cinéma d’animation des Gobelins. Après quelques films d’animation aux atmosphères organiques et surréalistes comme Le cavalier bleu (1999, Prix du meilleur projet au Festival international du film d’animation d’Annecy), il se dirige vers la prise de vues réelles, d’abord pour des films de commande, puis pour des courts métrages de fiction aux univers radicaux.
Boro in the Box est sélectionné à la Quinzaine des réalisateurs en 2011, obtient le Grand prix du Festival Curtas de Vila do Conde et le Grand prix Europe et celui du jeune public au Festival de moyen métrage de Brive, l’année suivante. Il sort en salles en 2014, suivi de Living still Life (en sélection officielle à la Mostra de Venise en 2012 et au Festival international du film de Rotterdam l'année d'après) et de Préhistoric Cabaret (Prix du meilleur film expérimental au Festival de Chicago).
Certaines de ses créations filmiques font l’objet d’expositions et d’installations et le programme Hormona sort en salles en 2015, regroupant Notre dame des hormones, Y a-t-il une vierge encore vivante ? et Préhistoric Cabaret.
Réalisateur prolixe, Mandico a tissé avec la comédienne Elina Löwensohn un lien étroit, créant notamment une série de films courts, 20+1 projections, kaléidoscope cinématographique la mettant en scène sous forme de films, vidéos, photographies ou performances.
Il prolonge ses recherches cinématographiques sur différents supports tels que la photographie, le dessin, l’écriture, le travail du son et les collages. En 2012, il publie Fleur de salive, un recueil de dessins aux Éditions Cornelius. Bertrand Mandico a également travaillé sur l’œuvre de Walerian Borowczyk comme co-programmateur de la rétrospective et co-commissaire de l’exposition b. boro. borowczyk. walerian borowczyk (1923-2006), à Varsovie, en 2008.
Son premier long métrage, Les garçons sauvages, est distribué en salles en 2016, recevant le Prix Louis-Delluc du premier film. Le réalisateur revient alors à un format de moyen métrage avec Ultra pulpe, qui accède à son tour aux grands écrans au sein du programme Ultra rêve en août 2018. Puis il signe le court The Return of Tragedy en 2020.
Bertrand Mandico sort son deuxième long métrage After Blue (Paradis sale) début 2022. Il est alors déjà en train d'achever le suivant, intitulé Conann et présenté à la Quinzaine des cinéastes, à Cannes, en 2023.
Entre temps, le prolifique artiste aura livré au Festival de Locarno un film de commande très personnel, The Last Cartoon, que le Festival Côté court de Pantin projette à son tour lors de son édition 2023.
Critique
Sur une île écossaise, une jeune fille sauvage et borgne a disparu. Un policier mène l’enquête, guidé par les éléments contradictoires et épars de son investigation autant que par les flux de dépression qui l’assaillent, semblables au ressac des vagues de cette côte hostile. Comme une conscience traversée d’images, de souvenirs, de fantasmes, ces deux logiques de récit se heurtent, peinant à faire émerger la vérité de ce fatras troublé par la peine, la culpabilité ou la maladie. La mère de l'enfant perdue inonde l'enquête de sa présence vénéneuse et de ses confessions troublantes. Le récit chronologique n’a de fait jamais eu les faveurs de Bertrand Mandico qui lui a péféré l'abécédaire pour Boro In The Box (2011), portrait amoureux et en absence de son idole, le cinéaste polonais Walerian Borowczyk, ou la structure entremêlée de rêves, récits et films dans Ultra pulpe (2018). Depressive Cop est de ces histoires puzzle qu'il affectionne, livrées par morceaux qui ne se joignent pas toujours parfaitement. Dans la malle de ce cabinet de curiosités, certaines pièces figurent en double, d’autres semblent provenir d’une tout autre histoire. Le résultat forme un collage cubiste riche d'évocations sensorielles.
Dans cet assemblage hétéroclite se mêlent présent et passé, noir et blanc et couleur, des images tournées en Écosse ou glanées avec Élodie Imbeau et Sébastien Ronceray du collectif Braquage, dans un corpus de chutes de bobines de films érotiques. Cette sculpture de matériaux recyclés constitue un monde mental et terriblement charnel à la fois. Le corps des images fascine le cinéaste qui rejoue, teinté de grand-guignol, le choc séminal du Chien andalou de Luis Buñuel et Salvador Dalí en nous contraignant à la vision un œil arraché de son orbite. Il s'agit pour le cinéaste alchimiste de transformer dans un grand chaudron de sorcière le monde et ses artifices en images, comme cette bande de VHS que la fille disparue déroule sur la lande battue par les vents et que l'on pourrait bien confondre avec des algues. Excitant ou repoussant, le corps est un mystère insondable charriant organes autonomes et fluides débordants. Il est aussi le cœur de fantasmes de domination, comme ceux que la mère de la disparue accuse les hommes de l’île d’avoir sur elle et sa progéniture. Obsession incestueuse de cette génitrice sur sa fille qui lui ressemble comme une sœur jumelle.
Bertrand Mandico confie les deux rôles à sa muse Elina Löwensohn dont il célèbre la puissance de transformation et de dualité. À côté d’elle, dédoublée en deux figures, les hommes font pâle figure, visage dissimulés par le flou, cachés derrière un livre ou perdu sous l’épais masque de latex qui couvre la face du détective. En se perdant dans son enquête irrésolue, il finira par se dissoudre dans la chair de l’île.
Raphaëlle Pireyre
Réalisation et scénario : Bertrand Mandico. Image : Sébastien Ronceray. Montage et son : George Cragg. Musique originale : Scorpion Violent. Interprétation : Elina Löwensohn, Sergueï Ivanov et Tsz Man Chan. Production : Aka Productions.