Extrait
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Crush

Florian Kuhn

2022 - 27 minutes

France - Fiction

Production : Folle allure

synopsis

Sarah a 14 ans, en classe de troisième à Simone Weil, quand elle se décide enfin à parler à Mika, 17 ans, le beau gosse du quartier. Charmeur et un peu bad boy il semble s’intéresser à elle et l’invite à sécher les cours le lendemain pour passer un moment ensemble. Mais cette échappée où elle se rend le cœur battant tourne vite au rapport sexuel forcé.

Florian Kuhn

Né en 1979 à Avignon, Florian Kuhn a étudié à l'EHESS. Il a derrière lui une impressionnante carrière d'assistant-réalisateur, sur des films de tous les formats, pour le cinéma ou la télévision, mais aussi des clips ou des films publicitaires. Pour les courts métrages, on citera Fille unique de Julie Bonan (2006), Mémoires d'une jeune fille dérangée de Keren Marciano (2009), Sur la tête de Bertha Boxcar de Soufiane Adel et Angela Terrail (2009) et Mademoiselle de Guillaume Gouix (2014).

Il a lui-même réalisé en 2011 un documentaire de 52 minutes, L'Amérique des autres, puis un court métrage produit par Folle Allure : Un jour le diable (2014). Ce dernier a été présenté dans plusieurs festivals importants (Dijon, Ouroux-en-Morvan, Séquence Court métrage à Toulouse, Vernon, Villeurbanne…) et son réalisateur a renouvelé l'expérience du format avec Crush, toujours avec Folle Allure, en 2022.

Crush a notamment été projeté au Festival Paris Courts devant et à Entrevues, à Belfort.

 

Critique

Assistant réalisateur sur plusieurs séries et longs métrages, Florian Kuhn a réalisé deux courts métrages, Un jour le diable, en 2014, et Crush, en 2022. Deux beaux films qui racontent de très courtes romances hors du commun. Le premier, sous les auspices de Jacques Brel chantant Le diable, réunit deux inconnus, le temps d’une nuit et d’une chanson. C’est une histoire d’amour d’un jour, sorte d’entracte dans le parcours de vie de deux quadras un peu usés mais pas complétement perdus, installés sur le quai d’attente de la vie, que Kuhn capte avec brio. D’une facture classique, sous influence du livre des rêves de Fellini, Kuhn fait montre d’une très belle maîtrise de la construction dramatique, livrant en toute confiance les clés de son monde à ses personnages entre lesquels circule une émotion forte et fragile, saisissant là toute la subtilité de la bonne heure éphémère.

Crush confirme le talent de conteur de Kuhn. Alors qu’il aborde un terrain miné, tant sillonné – la chronique d’un coup de foudre adolescent – le réalisateur met en place, séquence après séquence, une mécanique implacable. Nous ne pouvons évoquer ce film sans en divulguer sa suite, son centre épineux. C’est un témoignage radiophonique qui a inspiré le réalisateur : après avoir été violée, une jeune femme se voit proposer par son agresseur d’aller prendre une douche… Kuhn a construit son film autour de cette scène traumatique. La séquence du viol, exercice périlleux s’il en est, est une très grande réussite. Réussite narrative : le garçon, le “beau gosse”, se révèle être un monstre, se transformant en une espèce de robot porno qui ne pense qu’à bander-forniquer. Réussite formelle : dans son découpage, la séquence va d’abord montrer la jeune fille comme mise à l’écart, absente, ignorée, puis proposer de montrer dans une étrange contre-plongée (traduisant sans aucun doute le regard immobile, interdit et impuissant de l’adolescente) le jeune homme en train de “performer” sa séance de baise en solitaire, machine de guerre en mode automatique. Tout cela dans le décor sordide d’un squat, d’une maison à démolir. Filmé en Avignon, Crush ne se résume pas à cette séquence, ni à la problématique sous-jacente du film : la violence chez les adolescents.

Crush est un film sur la lumière, sur l’espoir et sur l’énergie que ces premières amours suscitent. Cette lumière traverse l’image. On la voit dans les yeux de la jeune actrice avant que tout ne bascule. C’est l’acmé du film, son milieu, son véritable sommet. C’est le moment de l’innocence et des rêves. Cette lumière, on la ressent partout avant le drame notamment et surtout dans la séquence de la rencontre où la magie du rapprochement opère yeux dans les yeux et où, en quelques champs/contrechamps annonciateurs, Kuhn réunit et sépare les deux protagonistes sous un abri bus. D’une certaine manière les deux courts métrages soulèvent les mêmes questions, interrogeant ici et là ce qui fait le masculin ou le féminin. Qu’est-ce qu’une “vraie meuf” ? Crush, en guise de réponse, agite le drapeau rouge des apparences, souvent trompeuses.

Donald James

Réalisation et scénario : Florian Kuhn. Image : Martin de Chabaneix. Montage : Aymeric Schoens. Son : Jean-Luc Laborde, Jules Jasko et Philippe Grivel. Musique originale : Venceslas Catz. Interprétation : Marie Ros, Léo Mazo, Maïssa Diawara, Joseph Schwegler, Amélie de Vautibault et Lucas Phiv. Production : Folle allure.

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