Extrait
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Creuse

Guillaume Scaillet

2022 - 13 minutes

France - Fiction

Production : Caïmans Productions

synopsis

Marc, un jeune citadin, part s’installer seul à la campagne. Il compte sur la venue prochaine de sa copine Louise, qui tarde à le rejoindre. Marc est obsédé par la routine "bien-être" qui rythme ses journées, mais le silence se fait de plus en plus pesant, et Louise n’arrive toujours pas.

Guillaume Scaillet

Guillaume Scaillet est scénariste et réalisateur, émoulu en 2021 de la Fémis, dont il a suivi la section “scénario” après un Master en Histoire et audiovisuel à Paris 1 - Panthéon-Sorbonne.

Il a réalisé deux courts métrages : Jouvencelle (2020), produit par Moderato, et Creuse (2022), chez Caïmans Productions.

Une mention spéciale pour l'interprétation est décernée à Raphaël Quenard au Festival international du court métrage de Palm Springs, aux États-Unis, en 2023.

Le film est également présenté alors à IndieLisboa, Melbourne et Thessalonique, ainsi qu'au Festival de Clermont-Ferrand, dans le cadre d'une carte blanche donnée à Canal+.

Guillaume Scaillet développe en outre un projet de premier long métrage de fiction intitulé Jeanne Dark.

Critique

Étonnant moment que les douze minutes passées avec cette proposition de Guillaume Scaillet, qui nous laisse dans un drôle d’état. Il faut dire que l’aventure a de la maîtrise. Le jeune réalisateur tient son sujet et sa mise en scène. Il va au bout de son processus comme de son obsession. Celle du film et celle de son protagoniste. Marc, un gars comme un autre, sauf qu’il a décidé de quitter l’urbanité pour se ressourcer en pleine nature. Une maison isolée dans les bois. Aucune localisation précise, mais le générique remercie la ville des Bréviaires dans le département des Yvelines. Soit un espace reculé d’Île-de-France, qui pourrait être ailleurs. L’important reste le cadre générique, et l’environnement qui entoure le personnage. Dénué de béton et dénué d’agitation humaine. Tellement épuré que le retour à la nature va de pair avec un retour sur soi. Jusqu’au plus profond. Jusqu’au plus extrême. Le titre pouvait annoncer le département auvergnat. En définitive, il est plutôt lié à autre chose...

Guillaume Scaillet aime jouer de l’immersion comme terrain d’empathie. Pas le choix pour le spectateur. Il faut suivre pas à pas le héros dans sa routine quotidienne, dans ses gestes répétés. Un terrain répétitif idéal pour immiscer une autre ligne, oblique celle-là. Un glissement vers le dérèglement de la machine bien huilée, rythmée par bain, soin, rasage, running, repas, appel téléphonique et sommeil. L’os dans la moulinette apparaît progressivement. Par une écriture précise et lente. Par tout l’univers esthétique qui enserre le corps, du familier à l’étrange(r). Image et son se trouvent en totale harmonie, enveloppant le regard du public autant que le corps de Raphaël Quenard. Mention à la musique presque physiologique de Rémi Boubal. Le comédien est en osmose avec son incarnation. Tendu, du but initial de Marc, qui est d’attendre l’arrivée de son amoureuse, jusqu’à sa dérive vers une découverte imprévue avec lui-même. De la retraite silencieuse comme réappropriation ultime de soi. Il fallait oser pousser le bouchon. Le jeune cinéaste l’a fait.

Formé au département scénario de la Fémis, ce dernier a participé à l’écriture d’une belle brochette de films courts étudiants, professionnels, d’une série télévisée (Skam France), et de plusieurs premiers longs métrages en développement, dont le sien, au titre prometteur… Jeanne Dark. Oui, il y a du “dark” dans son univers et dans son regard, mais pas que. C’est le pas de côté qui titille. L’observation de biais en tirant le fil de l’étrangeté, quand on prend le temps de s’arrêter sur ce qui surgit lorsque l’on regarde et que l’on écoute plus intensément. Une intensité sans précipitation. Un éloge de la contemplation sensitive. Quelque part dans l’insondable et le tangible à la fois. Du travail de construction filmique qui joue avec le précipice, en flirtant avec l’équilibrisme. Guillaume Scaillet imprime déjà une marque, après le portrait féminin de son court précédent, Jouvencelle, où une quinqua se pensait décalée du reste du monde. C’est quoi le décalage ? C’est finalement la puissance du cinéma, qui peut tout offrir.

Olivier Pélisson

Réalisation et scénario : Guillaume Scaillet. Image : Aurélien Marra. Montage : Maxence Tasserit. Son : Pierre-Louis Clairin, Adrien Cannepin et Paul Jousselin. Musique originale : Rémi Boubal. Interprétation : Raphaël Quenard. Production : Caïmans Productions.

 

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