Extrait
Partager sur facebook Partager sur twitter

Constellation de La Rouguière

Dania Reymond-Boughenou

2021 - 30 minutes

France - Documentaire

Production : Les Films de l’autre cougar

synopsis

Des habitants de La Rouguière évoquent leur vie dans ce quartier singulier de Marseille qui a accueilli les rapatriés d’Algérie en 1962. Au fur et à mesure de leurs témoignages, ils convoquent les souvenirs d’une mémoire hantée par l’Histoire et par la perte d’êtres chers.

Dania Reymond-Boughenou

Née à Alger en 1982, Dania Reymond-Boughenou est une cinéaste franco-algérienne formée au Fresnoy/Studio national des Arts contemporains.

Ses films courts, dont Le jardin d’essai, ont été présentés et primés dans de nombreux festivals, permi lesquels le FID à Marseille, Premiers plans à Angers, Côté court à Pantin, ainsi que celui de Brive ou le New Directors New Films.

En 2019, elle tourne Constellation de La Rouguière, présenté notamment à Clermont-Ferrand et en sélection officielle au César du meilleur court métrage documentaire. Les tempêtes, son premier long métrage de fiction, sort dans les salles le 20 novembre 2024. Il est interprété notamment par Camélia Jordana.

Critique

Une vue en plongée depuis un ciel nocturne dévoile des points lumineux. On devine des quartiers d’habitation comme autant de taches impressionnistes où la vie grouille dans les appartements. Ces flaques luminescentes formeraient une sorte de constellation d’humanités à relier. 

De jour, la caméra aérienne se déplace sereinement entre les blocs d’immeubles de La Rouguière – un quartier situé dans le XIe arrondissement de Marseille –, comme pour un état des lieux urbanistique. En filmant à la fois un espace circonscrit et le récit de ses habitants sur plusieurs décennies, le film devient le réceptacle de mémoires croisées. 

Comme chez Alice Diop avec son documentaire Nous (2022), la réalisatrice s’intéresse au fond sociologique et historique de nos identités (ici les relations franco-algériennes) pour donner un socle vivant aux visages que composent une ville. Sans éluder la précarité et la violence de ces espaces, le film s’éloigne des fantasmes suscités par les banlieues pour faire jaillir un imaginaire plus disparate. D’abord de facture classique, dans sa narration composée en chapitres et dans sa réalisation tissée de portraits face caméra, le documentaire bifurque délicatement vers des cimes déroutantes. Les témoignages que l’on entend en voix-off sont de véritables instantanés de différents quotidiens, bien qu’ils soient incarnés à l’image par des comédiens, tandis que les vues contemplatives du drone confèrent un côté déréalisant ; une esthétique inconfortable de la surveillance, avant qu’elle ne prenne une connotation plus irréelle. 

En effet, dans le second segment du film, une incursion vers le fantastique s’opère. Le régime de mise en scène se métamorphose, il se fictionnalise pour donner une voix et une présence à ceux qui n’en avaient plus. La cité devient cette zone enclavée rémanente, charriant encore les corps qui l’avaient investie. Constellation de La Rouguière devient tranquillement une œuvre noctambule, sur des fantômes et la fugacité de leur présence mélancolique. Le cinéma de Dania Reymond-Boughenou semble hanté par la figure de la réapparition ainsi que par un rapport intime au territoire algérien, notamment dans son long métrage de fiction, récemment distribué : Les tempêtes (2024), qui conte un retour incongru, avec tout ce que cela apporte d’altérité, mais aussi la possible réparation de ce qui a été disloqué. Les effets surplombants du drone de Constellation… donneraient alors une nouvelle interprétation à l’ensemble, celle d’esprit veillant et continuant sporadiquement à se manifester. Puisque même une étoile morte continue de briller selon où l’on se trouve dans l’espace-temps. 

William Le Personnic 

Réalisation, scénario et montage : Dania Reymond-Boughenou. Image : Julien Guillery. Son : Julián Sánchez Moreno et Thomas Fourel. Production : Les Films de l'autre cougar.

À retrouver dans

Autour des sorties