Extrait
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Ce qui me meut

Cédric Klapisch

1989 - 22 minutes

France - Fiction

Production : Les Productions Lazennec / La S.E.P.T.

synopsis

Présenté comme s’il s’agissait d’archives datant du début du siècle, ce film raconte à la manière des actualités Pathé, la vie d’Étienne-Jules Marey, inventeur de la chronophotographie, précurseur du cinématographe.

Cédric Klapisch

Né à Neuilly-sur-Seine en 1961, Cédric Klapisch est l’un des réalisateurs français contemporains les plus populaires. Également scénariste, il est aussi parfois producteur de ses propres films.

Après une prépa littéraire, une licence de cinéma à Paris-3 Censier et une maîtrise à Paris-8 Vincennes-Saint-Denis (avec un mémoire sur le “non-sens” au cinéma !), il a étudié en master à la Tisch School of the Arts, à New York University, durant deux ans.

De retour en France en 1985, il débute sa carrière sur différents tournages comme électricien, puis réalise plusieurs courts métrages, dont In transit et Ce qui me meut, qui remportent de nombreux prix dans des festivals. Le second, finalisé en 1989, sera nommé au César du meilleur court métrage de fiction l’année suivante.

En 1992, Cédric Klapisch signe son premier long métrage : Riens du tout. Il en a réalisé ensuite treize autres depuis les années 1990 (Le péril jeune, Chacun cherche son chat, Un air de famille et Peut-être), puis dans le cadre d’une trilogie réunissant L’auberge espagnole (son plus grand succès en salles), Les poupées russes et Casse-tête chinois. Il finalise actuellement une suite, en compagnie de Lola Doillon et Antoine Garceau : la série Greek Salad, sera diffusée au premier semestre 2023 sur Amazon Prime.

Son dernier film en date, En corps, est sorti au cinéma au printemps 2022. Il a été nommé à neuf reprises aux César en 2023.

Il a participé également au lancement de la série Dix pour cent en qualité de directeur artistique de la première saison, dont il a réalisé deux épisodes.

 

Critique

Ce qui me meut (1), le deuxième court métrage de Cédric Klapisch, l’a fait entrer dans la “cour des grands”. Revoir ce film aujourd’hui nous invite à remonter doublement le temps : celui des pionniers du cinéma auquel Klapisch rend hommage à travers la figure d’Étienne-Jules Marey (1830-1904) (2) – physiologiste et médecin qui a consacré sa vie à l’étude du mouvement humain et animal -– et celui de la fin des années 1980, au cours desquelles ce faux documentaire a été tourné, une période de professionnalisation du film court où, selon les mots de Klapisch (3), “les gens ne juraient que par la Nouvelle Vague” et pendant laquelle le jeune étudiant de la Tisch School of the Arts de New York et futur auteur à succès que l’on sait (Le péril jeune, L’auberge espagnole, etc.) choisit de proposer autre chose qu’un cinéma à la manière de la NV. Un cinéma urbain, jeune, léger, dans l’air du temps, qui élira pour trinité le mouvement, l’émotion et le jeu. 

Ce qui me meut met déjà en scène tout cela à la fois. L’humour potache, les petites secousses d’émotions simples, le plaisir, le divertissement dans un mouvement récréatif. De bout en bout, le film est chapeauté d’une voix off, tel un commentaire d’antan présentant le film à suivre comme un document historique, retrouvé, restauré, inédit. Simulacre. Évidemment, il n’y a pas de film retrouvé. Tout ou presque a été inventé et tourné par Klapisch avec une caméra à manivelle. Le tournage, mine de rien, a été très lourd. Dès ses premiers pas, le réalisateur du récent En corps affiche, affirme une volonté de fer, de faire léger. Du dilettantisme professionnel. Ce fut, commente-t-il, “une superproduction avec un aspect volontairement bricolé”. Ce qui me meut imite donc les images d’archive (le Pathé-Journal) et celles-ci (il y en a quelques-unes, cherchez-les !) se fondent dans la fiction. L’humour, l’émotion, le jeu tout passe dans la mise en commentaire, dans les décors “à la manière de”, ou dans la mise en mouvement des personnages qui eux-mêmes miment les acteurs du muet et qui, dans leurs pantomimes, rappellent peut-être plus les pantins savants de Méliès que les sujets chronophotographiés par Marey. C’est en voyant Zelig de Woody Allen (1983), ce faux documentaire sur l’homme caméléon éponyme, que Klapisch eut l’idée tourner la fausse vraie histoire de Marey. “Le film, commente-t-il, a un côté farce, comédie, mais il est très documenté. Ce que je trouvais intéressant, c’était l’idée que le cinéma avait été inventé par hasard par un chercheur, un scientifique. Marey a inventé un outil, et il n’a pas trop su quoi en faire, à part étudier la locomotion chez les animaux, c’est-à-dire quelque chose qui était plus du domaine de la physiologie et de la médecine.” 

Documentaire imaginaire et néanmoins très savant, Ce qui me meut propose in fine une vision d’un Marey à la fois inventeur du cinéma mais aussi savant fou à l’avant-garde de la recherche, soit une espèce de Dr. Frankenstein en quête – via le radiographe – du secret de la vie. Rien que ça. Le jeu constant sur le vrai et faux nous incite à aller sur la pente d’une lecture en miroir non pas du vrai dans le faux mais d’une biographie qui ne serait pas vraiment ce qu’elle est ; c’est une autobiographie, un autoportrait avec en creux les intentions du réalisateur Klapisch qui répondrait aux questions imaginaires mais cruciales ; celles qui donnent sens et orientent toute une carrière : qu’est-ce que le cinéma et à quoi sert-il ? 

Donald James

1. Fabrice Marquat, dans le numéro 128 de la revue Bref, paru fin janvier 2023, revient sur l’histoire de ce film à travers un riche dossier. 

2. On peut revoir les films d’Étienne-Jules Marey sur le site Henri de la Cinémathèque française .

3. À l’occasion de la restauration de Ce qui me meut, une interview de Cédric Klapisch a été publiée sur le site du CNC.  

Réalisation et scénario : Cédric Klapisch. Image : Dominique Colin. Montage : Richard Berteaux. Son : Julien Cloquet. Musique originale : Angel Villoldo. Interprétation : Marc Berman, Marina Tomé et Nadine Pelée. Production : Les Productions Lazennec et La S.E.P.T.

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